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Foot : la Ligue 1 est-elle devenue la Corée du Nord ?

Le nouveau règlement intérieur du PSG fait des vagues, tout comme les consignes de l'OM aux journalistes.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le public du Parc des Princes lors du match PSG-Dynamo Kiev, le 18 septembre 2012 à Paris. (ALEXIS REAU / SIPA)

Faut-il surnommer Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel, Kim Jong-Ligue 1 ? La publication coup sur coup des consignes - très strictes - à la presse de l'OM le 17 juillet, et de l'article du site spécialisé PSG Community sur le nouveau règlement intérieur du Parc des Princes, lui aussi très restrictif, le 21 juillet, fait réfléchir. La Ligue 1 est-elle devenue un monde stalinien où le peuple et la presse sont muselés ? 

Dans les grands clubs, sévère tu seras

Le règlement du PSG pour la saison 2013-14 (PDF) prévoit notamment d'interdire aux supporters de se tenir debout, de fumer et de tweeter des photos ou des vidéos prises sur le vif dans l'enceinte du Parc des Princes. Mise à part l'interdiction de fumer, tous ces éléments se trouvaient déjà dans le règlement 2008 (PDF) d'un PSG pas encore passé sous pavillon qatari. 

Le PSG est-il le seul en France à avoir instauré un règlement aussi drastique ? Non. Son dauphin de l'exercice 2012-13 de L1, l'OM, prévoit les mêmes consignes y compris l'interdiction de se tenir debout (PDF, p.5). Une consigne très peu respectée au Vélodrome, notamment dans les virages des clubs de supporters, pour lesquels s'asseoir pendant une rencontre est inconcevable. A l'étranger, c'est parfois appliqué beaucoup plus strictement. Dans le club anglais d'Arsenal, les stewards rappellent à l'ordre tous les supporters qui ont des fourmis dans les jambes.

"Le PSG peut se permettre des règles aussi strictes car il est assuré de remplir son stade, avec ses vedettes, relève Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste des supporters contacté par francetv info. Imposez le même règlement à Valenciennes, un club situé dans un bassin populaire qui joue beaucoup sur la proximité avec le public, et ça ne marchera pas. Le modèle parisien n'est guère transposable qu'à Monaco."

Les lois, tu appliqueras

Chaque club de foot en France et à l'étranger a rédigé un règlement intérieur pour son stade. Un savant dosage entre la loi Alliot-Marie de 1993 sur la sécurité dans les stades, avec une cuillerée de Code du sport sur les droits d'image, une mesure de règlement de l'UEFA pour imposer aux spectateurs de rester assis et, en option, quelques ingrédients locaux. Les règlements les plus basiques sont à trouver dans des clubs de moyenne envergure, comme Montpellier ou Nantes.

Dans le règlement du stade Bonal de Sochaux, "il est interdit d'escalader les pylônes d'éclairage et d'accéder aux toitures du stade". Quant aux supporters d'Anderlecht, en Belgique, ils ont interdiction absolue d'apporter du papier toilette dans le stade. Le tissu hygiénique est ainsi rangé aux côtés des armes dans les objets spécifiquement recherchés par les stadiers. 

Ta communication, tu contrôleras

Interdire aux spectateurs de prendre des photos et des vidéos et de les poster sur Ies réseaux sociaux, donc "en dehors du cadre familial", en 2013, est-ce bien raisonnable ?  Non, pour Boris Helleu, professeur de marketing sportif à l'université de Caen, qui doute de l'efficacité de cette mesure. Il rappelle que ce genre d'interdiction existe déjà pour des spectacles sportifs comme la finale de la Coupe de la Ligue ou les Jeux olympiques de Londres (PDF). "Le problème pour les organisateurs de spectacle sportif, c'est que le fan placé au bord de la ligne d'arrivée du 100 mètres est équipé pour produire instantanément une vidéo de grande qualité, explique-t-il. Dans le cas du PSG, le club cherche à protéger ceux qui payent pour diffuser les images." 

Les droits télé représentent toujours une manne considérable, même pour un PSG au budget huit fois supérieur à la moyenne nationale (400 millions d'euros). Les droits des résumés des matchs sur internet ne sont qu'au tout début de leur potentiel, avec un prix de 5 millions d'euros par an, d'après Numérama

Les consignes à la presse de l'OM (PDF) participent du même mouvement. Le club interdit la diffusion en direct des points presse de ses joueurs, réservés en exclusivité à la chaîne du club "sur le territoire mondial", rien que ça. Le modèle des chaînes dédiées anglaises comme MUTV de Manchester United, qui a rapporté 10 millions d'euros l'an passé d'après ScreenDigest (en anglais), fait rêver. Le contrôle d'un superviseur est aussi imposé pour toute interview en tête à tête, qui ne dépassera pas 20 minutes. Langue de bois garantie, mais pas de fausse note. Excessif ? Ce genre d'entretien avec un joueur est interdit depuis 2006 en équipe de France.

Le supporter nouveau, tu attireras

Pour Boris Helleu, l'objectif est très clair : lisser l'image de la L1. "On est dans un contexte où le foot français cherche à élargir sa clientèle, essentiellement masculine. L'idée est de faire disparaître le côté anxiogène du match de foot, pour qu'une mère n'ait pas peur d'y emmener ses enfants. Ce qu'on recherche, c'est le fan gentil, grimé, avec une perruque sur la tête."

Nicolas Hourcade ose la métaphore littéraire, façon "Big Brother" : "Le club parisien veut construire le meilleur des stades, sur le modèle du livre de science-fiction Le Meilleur des Mondes, d'Aldous Huxley. Ses dirigeants souhaitent bâtir le stade parfait où tout se passe bien. Dans les faits, c'est un peu effrayant."

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