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Barça-PSG : le mode d'emploi de la "remontada" en Ligue des champions

Largement battu au match aller, le FC Barcelone a réussi à refaire son retard de quatre buts face au PSG, mercredi, en 8e de finale retour. Les Catalans ont étrillé les Parisiens 6-1. Voici la recette magique pour réaliser cette remontée fantastique.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Dani Alves porte Neymar en triomphe aprĂšs le succĂšs du FC Barcelone sur le Paris-Saint-Germain en quarts de finale de la Ligue des champions, le 21 avril 2015. (DAVID RAMOS / GETTY IMAGES EUROPE)

Au terme d’un match complĂštement dingue, le PSG s'est inclinĂ© 1-6 sur la pelouse de Barcelone, mercredi 8 mars, en 8e de finale retour. Sa belle victoire 4-0 Ă  l'aller, il y a trois semaines, n'aura donc pas suffi. Les Parisiens sont Ă©liminĂ©s de la Ligue des champions. Quant aux Catalans, ils ont rĂ©ussi ce qu'aucun club n'Ă©tait jamais pas parvenu Ă  faire. La remontada a bien eu lieu. Mais quelle est la recette pour rĂ©ussir un tel renversement de situation ? En voici les ingrĂ©dients essentiels.

Utiliser intelligemment le public, ça booste

Prenez l'exemple du Real Madrid. Le club a intelligemment su jouer sur le public lors de sa derniÚre remontada en date, face à Wolfsburg l'an passé, en quarts de finale de Ligue des champions (0-2, 3-0). Le club merengue avait ouvert les portes du stade trÚs tÎt, pour laisser aux supporters le temps de se chauffer. Consigne avait été donnée de porter du blanc, la couleur du club, pour former un mur humain destiné à impressionner les Allemands, novices à ce niveau de la compétition, détaille la célÚbre émission "Punta Pelota".

On peut aussi jouer sur un autre registre. Le Real Madrid, encore lui, avait trois buts à remonter lors d'une demi-finale face à Dortmund en 2012. Une fois n'est pas coutume, l'équipe avait laissé ses supporters investir l'accÚs au parking du stade. Le bus avait dû se frayer un chemin au milieu des fans, déterminés, poussant leur équipe sans verser dans un enthousiasme prématuré. La suite, c'est Fernando Manso, le chauffeur du bus de l'équipe, qui le raconte dans Marca : "Je me souviendrai de cette scÚne toute ma vie. (...) Les joueurs se sont levés, ont commencé à filmer la scÚne avec leurs téléphones. Certains m'ont demandé de couper la musique, pour profiter de l'atmosphÚre. Ce silence dans le bus donnait la chair de poule. L'apothéose. Je n'avais jamais vécu une chose pareille." Le Real ratera la qualification d'un cheveu (1-4, 2-0 avec une fin de match haletante). 

A Barcelone, le public avait déjà fait gagner son équipe, lors d'une improbable course-poursuite avec Anderlecht (0-3, 3-0, victoire aux tirs au but) en 1979. "Sur la pelouse, on était complÚtement abasourdis", se souvient l'un des héros, le défenseur Rafael Zuviría, cité dans El Periodico de Aragon. Mais malgré cette prestigieuse réputation, aujourd'hui, on ne peut plus tout à fait qualifier le Camp Nou de chaudron. La faute aux touristes japonais qui garnissent les travées et sont plus occupés à se prendre en photo qu'à chanter. Culturellement, il est d'usage d'apporter un poste de radio au stade pour mieux suivre ce qu'il se passe sur le terrain, surtout si on est placé en haut des vertigineuses tribunes. 

Mettre Dieu de son cÎté, ça peut marcher

Quand les bookmakers ou les statistiques jouent contre vous, il ne reste plus qu'Ă  se tourner vers les puissances supĂ©rieures. C'est ce qu'a fait Javier Irureta, alors entraĂźneur de La Corogne, fessĂ© 1-4 en huitiĂšmes de finale aller de l'Ă©dition 2004 par le grand Milan AC, tenant du titre. Personne n'y croit vraiment : la veille du match retour, dans la Gazzetta dello Sport, Mauro Silva, poumon de l'Ă©quipe, dĂ©clare que "ce sera un honneur d'avoir Ă©tĂ© Ă©liminĂ© par le grand Milan AC". Mais la rencontre est programmĂ©e en pleine semaine sainte et le pieux coach espagnol veut mettre toutes les chances de son cĂŽté : "Si on se qualifie, je ferai le pĂšlerinage jusqu'Ă  Saint-Jacques-de-Compostelle, Ă  genoux s'il le faut." Les deux villes sont distantes de 75 km tout de mĂȘme. Une grosse ficelle pour remobiliser ses troupes.

A dĂ©faut de marcher sur l'eau, les joueurs du Deportivo de la grande Ă©poque survolent le Milan AC (4-0), malgrĂ© la prĂ©sence de stars comme Pirlo, Maldini, Seedorf ou Inzaghi dans le onze rossoneri. Le milieu de terrain milanais Andrea Pirlo reviendra sur cette humiliation dans son autobiographie. Et lui aussi cherchera des raisons paranormales Ă  cette dĂ©faite : "Les joueurs du Deportivo Ă©taient comme possĂ©dĂ©s, galopant vers un but qu'ils Ă©taient seuls Ă  apercevoir. Ils couraient tout le temps, mĂȘme pour rejoindre le tunnel du stade quand l'arbitre a sifflĂ© la mi-temps. Pour la premiĂšre fois de ma vie, je me suis demandĂ© si les joueurs en face de moi Ă©taient chargĂ©s."

Le coach du Barça, Luis Enrique, y est allé de son petit couplet pour se mettre le ciel de son cÎté : "J'ai une foi inébranlable en mon équipe avant le match retour contre le PSG."

Avoir la culture de la "remontada", ça aide

Au lendemain de la victoire du Real sur Wolfsburg, le quotidien sportif As a barrĂ© sa une du titre "Remontadas CF". Le club onze fois champion d'Europe demeure la rĂ©fĂ©rence europĂ©enne dans l'art de renverser une situation compromise. Entre 1979 et 1985, le Real a ainsi connu cinq "magicas noches" sur la scĂšne europĂ©enne, la plus mĂ©morable contre le Borussia Mönchengladbach en 1985 (1-5, 4-0). Ce soir-lĂ , les MadrilĂšnes avaient ouvert le score aprĂšs seulement deux minutes de jeu, prenant leur adversaire Ă  la gorge. L'annĂ©e suivante, le Barça perd 2-0 face Ă  l'Inter Milan Ă  l'aller. Le dĂ©fenseur intĂ©riste Graziano Bini, fĂȘte la victoire de son Ă©quipe, mais Juanito, le lĂ©gendaire ailier des Merengue, le prĂ©vient : "90 minutes Ă  Santiago Bernabeu, ça dure vraiment trĂšs, trĂšs longtemps." Le Real s'impose 3-0 au retour.

La culture de la remontada se traduit par une foule de petits détails. Au Real Madrid toujours, la sono passe Thunderstruck d'AC/DC avant chaque match retour périlleux. La plupart du temps, Angus Young et sa troupe donnent des ailes aux Merengue. Juanito, encore lui, a édicté ce que les joueurs devaient faire sur le terrain : crier sur l'adversaire dans le couloir, toujours choisir le coup d'envoi pour toucher le ballon en premier, frapper au but en premier, quitte à ce que la balle finisse en tribune, et surtout, faire la premiÚre faute, si possible dure, que l'adversaire comprenne qu'il est tombé dans un traquenard.

Avant la victoire face à Wolfsburg, cela faisait une quinzaine d'annĂ©es que le Real avait perdu la recette de la remontada europĂ©enne. Le soir de la dĂ©faite Ă  l'aller, le fils de Juanito – mort prĂ©maturĂ©ment dans un accident de voiture en 1991 – avait eu cette phrase sur son compte Twitter : "Laissez mon pĂšre en paix, chaque fois que vous le mentionnez pour la remontada, ça nous tue."

Vous n'entendrez aucun joueur barcelonais invoquer les mùnes de Juanito, fierté catalane oblige. Mais cÎté tradition, le Barça est bien mieux servi que le PSG, qui a surtout laissé une trace en Europe pour son incroyable effondrement à La Corogne (défaite 4-3 aprÚs avoir mené 3-0) et son élimination à cause d'un but à la derniÚre minute contre Chelsea en 2013 (3-1, 0-2). Les Blaugranas ont réussi plusieurs exploits dans les années 1980-90, notamment un match incroyable face au Dynamo Kiev au premier tour de la Ligue des champions 1993-94 (1-3, 4-1). Le milieu catalan Xavi a théorisé en 2013 dans El Pais : "Chaque grande génération a besoin d'une remontada pour entrer dans l'histoire." Espérons pour le PSG que ce ne soit pas pour mercredi soir.

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