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Démission de Bielsa : qui est René Malleville, le supporter de l'OM en colère ?

Depuis la démission de l'entraîneur argentin de l'Olympique de Marseille, les médias se pressent pour interroger ce supporter emblématique du club, au langage très fleuri et aux coups de gueule homériques. Portrait.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Les vidéos de René Malleville, qui revient sur les matchs de l'OM sur le site spécialisé Le Phocéen, atteignent parfois les 150 000 vues. (RENE MALLEVILLE)

"Bielsa, je t'ai adoré ! Je t'ai idolâtré ! Mais là, tu m'as trahi. Et qu'on ne me dise pas que c'est la faute de la blonde [Margarita Louis-Dreyfus, actionnaire principale de l'OM], de Labrune [président du club]. Je m'en bats les c... ! (…) Tu t'en vas comme ça ? Tu piétines mon honneur ! Tu piétines l'honneur des Marseillais !" Dans sa traditionnelle vidéo d'après-match, publiée dimanche 9 août sur le site spécialisé Le Phocéen, René Malleville, 67 ans, est remonté comme une pendule.

Il faut dire que la démission-surprise de l'entraîneur de l'Olympique de Marseille, Marcelo Bielsa, survenue quelques heures plus tôt, est restée en travers de la gorge de ce supporter historique. Depuis, la presse et la télévision ne cessent de le solliciter pour recueillir l'une des saillies de ce "bon client" au sujet de la crise que traverse le club dès la première journée de Ligue 1. Mais qui est René Malleville ? 

Gaston Deferre l'a traité de "grande gueule" et il est l'ami de Jean-Noël Guérini

Avant de se faire connaître des internautes pour ses coups de sang qui visent tour à tour les joueurs, les entraîneurs ou les dirigeants de l'OM, René Malleville a commencé sa vie publique en s'engageant en politique. Alors chauffeur de bus à la RTM (Régie des transports de Marseille), il est élu conseiller municipal du maire socialiste Gaston Defferre en 1977, rapporte La Marseillaise. "Mais attention hein, je n'étais pas un de ses béni-oui-oui !" explique René Malleville à francetv info.

"Je me souviens de m'être pris le bec avec Defferre avant les municipales de 1983 pour savoir qui serait candidat dans les mairies de secteur, raconte-t-il. Après deux heures vingt de réunion, il n'avait toujours rien dit ! Personne ne l'ouvrait, alors je lui ai demandé. Il a pris le micro et m'a lancé que, dans sa future équipe, il n'y aurait pas de grande gueule. Il m'a écarté."

Pas rassasié, le chauffeur de bus se lance dans le syndicalisme. Trouvant la CGT de la RTM trop timide à son goût, le bouillonnant René Malleville crée sa propre organisation syndicale en 1984, et multiplie les coups d'éclats, n'hésitant pas à séquestrer son patron lors d'un conflit social, raconte Le Parisien"Sous Vigouroux [maire de Marseille de 1986 à 1995], on avait même bloqué la ville avec les bus pendant six heures ! L'autoroute était bondée jusqu'à Aix", se souvient avec gourmandise le supporter, qui finit par être révoqué de la régie des transports en 1989. 

René Malleville a fait son retour en politique en 2008, aux côtés du socialiste Jean-Noël Guérini. Il n'hésite pas à revendiquer cette proximité avec l'ancien président du conseil général des Bouches-du-Rhône, toujours mis en examen dans deux affaires de marchés publics présumés frauduleux. "C'est un ami. On se connaît depuis 1973, les gens peuvent penser ce qu'ils veulent, je m'en bats les c...", balaie-t-il. Après un mandat de conseiller communautaire et de délégué aux sports dans la mairie du 2e secteur de Marseille, il décide de raccrocher les gants en 2014. "Guérini voulait que je reparte avec lui, mais je n'allais pas finir mon mandat en déambulateur à 73 ans !" s'esclaffe René Malleville, qui explique vouloir profiter de sa retraite pour s'occuper de son petit-fils – un gardien de but dont il espère la carrière prometteuse.

Il a repris "le bar le plus pourri de Marseille" pour en faire un QG de supporters

Après avoir été viré de la RTM, le sanguin René Malleville aspire à une vie plus tranquille, et décide d'ouvrir un bar. Mais l'affaire n'est pas simple. "Je n'avais pas un sou en poche. Mais quinze amis avec un grand "A" se sont réunis et m'ont chacun donné 5 000 francs [environ 1 160 euros actuels] ! C'était exceptionnel", se souvient-il. Il achète donc le Bretagne, "le bar le plus pourri de Marseille", à quelques encablures de l'actuel Mucem, le grand musée ouvert en 2013, et profite de la présence de journalistes qui viennent y enregistrer l'ambiance les soirs de matchs pour asseoir la réputation de son établissement.

Les Yankee, groupe de supporters du virage nord du stade Vélodrome, y établissent leur QG. Le Bretagne devient le siège social de l'association, et René Malleville son vice-président. "Je leur ai ramené le CE [comité d'entreprise] de la RTM, et de 800 abonnés, ils se sont retrouvés 2 000 !" plastronne l'ancien chauffeur de bus. L'idylle dure jusqu'en 2005. "Des têtes de cons ont laissé dire que je voulais prendre la place du président du groupe, alors que je m’en battais les c... s'agace René Malleville. On s’est pris le bec, et je me suis retrouvé chez les Dodgers [un autre groupe de supporters]. A l'époque, le président Christian Cataldo disait qu'il y avait deux gros transferts cette année-là : celui de Franck Ribéry [qui jouait à l'OM] au Bayern Munich, et René Malleville aux Dodgers !"

Sans doute revigoré par ce changement de crèmerie, celui qui est surnommé "Néné" fait une incursion dans le monde de la chanson en 2005 et enregistre Point de vue. Un titre à la gloire de l'OM, dont les paroles donnent un avant-goût de ses chroniques assassines : "Et les joueurs, putain les joueurs / On peut dire qu'on en a vu de toutes les couleurs / Des râleurs, des menteurs, des sans-valeurs, des pleureurs." "J'en ai vendu 4 800, sur les 10 000 exemplaires ! rigole René Malleville, surpris qu'on lui rappelle l'existence du morceau. J'ai racheté 2 euros pièce les disques restants et, depuis, j'en fais cadeau aux bons collègues."

Il a fait de ses colères une marque de fabrique

Le site spécialisé Le Phocéen, qui l'invite régulièrement pour ses émissions de débats autour de l'OM, lui propose en 2012 une chronique vidéo pour analyser chaque rencontre. Dans "La minute de René", face caméra, le retraité se lâche, et entre parfois dans des colères épiques que les internautes s'empressent de partager.

Après l'élimination de l'Olympique de Marseille par Nice en Coupe de France en janvier 2014, René Malleville commence ainsi sa "minute" sur un ton désabusé, en expliquant ne pas vouloir "gueuler comme un fada". Il ne lui faut toutefois pas longtemps pour s'emporter contre les lecteurs du site qui l'accusent d'être trop dur envers certains joueurs.

Certains vont même jusqu'à découper ses interventions pour en détourner le sens avant de les partager sur Twitter.

Ses interventions enflammées atteignent parfois les 150 000 vues. Un succès dont se félicite l'équipe du Phocéen. "On se doutait que ça allait marcher, mais pas à ce point, sourit Romain Canuti, journaliste pour le site spécialisé. Certains connaissent ses minutes par cœur. Je me suis déjà retrouvé à un barbecue, où on m'a récité de mémoire sa tirade sur les joueurs de l'OM qu'il avait traité de chevaliers félons."

"René, c'est l'incarnation de la passion, continue Romain Canuti. A Marseille, on reproche parfois à certains journalistes ou consultants leur proximité avec la direction de l'OM, par exemple. René est un peu bourrin, mais il n'est pas fourbe : s'il venait à croiser le président de l'OM, il le dirait dans sa vidéo, et pourrait le fracasser juste après si c'est ce qu'il pense. Il n'y a pas de manipulation avec lui, et ici, ça vaut son pesant d'or."

Et tant pis si ses saillies et son accent lui valent quelques moqueries, comme sur le plateau de l'émission "Touche pas à mon poste", de Cyril Hanouna, sur D8. "Je suis un authentique, je suis le même devant une caméra que dans la vie, explique René Malleville. D'ailleurs, Hanouna devait m'inviter sur son plateau, mais ses équipes ont à chaque fois trouvé des excuses pour reporter. Je crois qu'il se chie dessus parce que l'émission est en direct et qu'on ne pourrait pas me censurer."

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