De Manchester à Madrid, les amours compliquées de Ronaldo
"Zidane était un joueur fantastique. Figo aussi. Mais pas autant que Ronaldo qui a battu tous les records du Real : ceux du Puskas, Di Stefano ou Hugo Sanchez". Quand il a évoqué Cristiano Ronaldo, Sir Alex Ferguson a laissé parler son admiration. La même qui l'avait consenti à lâcher 18 millions d'euros pour un jeune portugais de 17 ans, dont son équipe a croisé la route un soir d'été lors d'un match amical contre le Sporting Portugal. Admiratifs des grigri et autre dribbles déroutants du n°7, ses joueurs l'avaient encouragé à le faire venir dans le Nord de l'Angleterre. Chose faîte le 12 août 2003 quand Ronaldo débarque à Manchester. Durant six années, Ronaldo va grandir au sein de l'effectif mancunien, couvé par Sir Alex avant d'atteindre sa plénitude lors de la saison 2007-2008, celle de toutes les réussites pour les Red Devils.
Un doublé championnat-Ligue des Champions, 42 buts inscrits en une saison et le ballon d'or France Football en fin d'année pour le joueur. Une année pleine et le début de la fin de l'histoire entre celui qui se fait appeler CR7, depuis qu'il a récupéré le numéro de David Beckham et d'Eric Cantona, et le club mancunien. Lors de l'été 2008, le Real Madrid commence son opération séduction. On parle d'une somme de 90 millions d'euros, 15 de plus que ceux déboursés par ces mêmes madrilènes pour s'offrir Zinédine Zidane en 2001. Finalement la transaction se concrétisera un an plus tard, la cour assidue de Florentino Pérez finissant par payer. Durant l'été 2009, pour 94 millions d'euros, record à battre, Ronaldo devient un joueur du Real Madrid.
Soliste au sein d'un collectif
Dans des effectifs constellés de grands joueurs, il est LA star. A Manchester, il côtoyait quotidiennement Ryan Giggs, Paul Scholes, Wayne Rooney, des britanniques, véritables joueurs de clubs, prêts à se sacrifier pour le collectif, ou d'autres solistes moins doués, comme Nani ou Berbatov. Mais au fur et à mesure, il est devenu le dernier étage de la fusée mancunienne, celle qui fait la décision, comme lors du sacre de Man U en Ligue des Champions contre Chelsea où il inscrit le seul but de son équipe. Ce n'est pas un hasard si Sir Alex lors des matches importants le mettait seul en pointe, reléguant Wayne Rooney, plus travailleur, sur le côté gauche. En débarquant à Madrid à l'été 2009 en même temps que Karim Benzema et Kaka, il est partie intégrante de la campagne de séduction de Florentino Pérez et de ses "nouveaux galactiques". Il en est même la tête de gondole. Il s'acclimate tout de suite à son nouvel environnement inscrivant, dès sa première saison, 26 buts en 29 rencontres de championnat, assumant parfaitement son statut.
Tellement impressionnant qu'il phagocyte ses partenaires. Où en sont Kaka et Benzema aujourd'hui? Le Brésilien est porté disparu et le Français oscille entre le brillant et moyen. Son appétit pour le but et les statistiques ne laissent que peu de place aux autres. Il est l'atout n°1 des madrilènes comme le prouve ses chiffres hallucinants. Avec 182 buts en 179 matchs, il est le 6e meilleur buteur de l'histoire du club, devant des monuments comme Gento ou Butragueno. Il affiche la meilleure moyenne de buts par match du Top 10 des buteurs merengue (1,03) et ne devrait pas tarder à dépasser un autre monstre de la "maison blanche", Hugo Sanchez, dont il avait déjà battu le record de buts en Liga en une saison en 2011 (40 buts contre 38). Un record qui a tenu un an, Messi le dépassant au terme de la saison dernière (50 buts).
L'histoire d'amour ne dure jamais
Révélé par Lazlo Boloni au Sporting Portugal, élevé puis consacré par Sir Alex Ferguson et enfin transformé en machine par José Mourinho, Cristiano Ronaldo, homme de caractère, a toujours donné le meilleur de lui sous les ordres d'un homme à poigne. A son arrivée à Manchester, il n'était encore qu'un joueur "youtube", capable de tours de magie balle au pied, mais à la poursuite de l'efficacité. Sir Alex va, alors, épurer son jeu et le recentrer vers le but. Du joueur fin et technique, il devient un monstre physique, capable de marquer de partout et n'importe comment. Des caractéristiques qui vont encore se développer en Liga. L'arrivée de José Mourinho va lui être bénéfique, autant que le desservir. Le Portugais l'érige en homme de base, celui qui débute tous les matches, celui qui ne sort jamais. Sous ses ordres, il s'améliore encore et le Real Madrid met fin à l'hégémonie barcelonaise en remportant la Coupe du Roi en 2011 puis la Liga la saison suivante. Mais, CR7, comme Mourinho, est victime de l'image qu'il véhicule. En Espagne, mais aussi en Angleterre.
Les supporters britanniques lui ont longtemps fait payer l'expulsion de Wayne Rooney, qu'il avait impulsée, au Mondial 2006 lors du quart de finale contre l'Angleterre. En Liga, il est celui qu'on aime détester. Son arrogance, qu'il ballade sur tous les terrains, lui attire les foudres des supporters adverses. A Madrid, il souffle le chaud et le froid. Il empile les buts, mais ne les célèbre plus durant l'automne 2012. Ce mal-être dont il a fait part devant les micros a échaudé certains socios, les mêmes que le Portugais accuse de ne pas lui témoigner l'amour qu'il estime mériter. Ainsi va Ronaldo, monstre d'arrogance, mais perpétuellement dans le désir de plaire, de séduire. Plusieurs fois, le Portugais a laissé planer le doute sur son avenir en Espagne, notamment lorsqu'il a décidé de ne pas renouveler tout de suite son contrat, malgré l'offre mirobolante de ses dirigeants. Chantage affectif? Véritable spleen? La brèche en tout cas n'a pas échappé au PSG qui s'y est engouffré. Les Qataris rêvent de l'accueillir. Il se murmure même qu'Old Trafford attendrait le retour au bercail de son ancienne idole. En décembre dernier, le Sun avait laissé entendre que Ronaldo souhaitait revenir "à la maison". Un souhait partagé par Ferguson qui "adorerait" qu'il revienne. Mercredi soir, en rentrant sur la pelouse du Bernabeu, Ronaldo sera peut-être déchiré entre ses deux amours. Un de trop pour ce compétiteur dans l'âme…
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