Ligue 2 : les mastodontes économiques Saint-Etienne et Bordeaux vont-ils écraser le championnat ?
Ces deux clubs relégués vont, tout comme Metz, toucher de nombreux revenus commerciaux et liés aux droits TV. Mais ces pactoles ne leurs garantissent en rien une remontée express.
Au crépuscule d'un feuilleton rocambolesque, les Girondins de Bordeaux ont obtenu le droit d'évoluer en Ligue 2 la saison prochaine. Leur présence dans cette division, combinée à celle de Saint-Etienne – à l'affiche du premier match de la saison à Dijon, samedi 30 juillet – attire la curiosité. À eux deux, ces historiques du foot français cumulent seize titres de champion de France et deux finales européennes. Même reléguées, les structures de ces deux clubs, qui ont joué l'Europe sur les quatre dernières saisons, font d'eux des mastodontes d'une Ligue 2 dans laquelle les inégalités entre clubs sont importantes.
En route pour Dijon ! pic.twitter.com/OTuE6m6oia
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) July 29, 2022
Du fait des différents épisodes juridiques, il est difficile d'estimer l'état des finances bordelaises. Saint-Etienne a, de son côté, annoncé un budget de 30 millions d'euros. Ce sera le plus important du championnat. "Mais ce n'est pas forcément extraordinaire, nuance Luc Arrondel, directeur de recherche au CNRS et spécialiste d'économie du football. Quand Toulouse est descendu en 2020-21, ils avaient 26 millions d'euros."
Des données tout de même largement au-dessus de la moyenne de Ligue 2, estimée à 10 millions d'euros. "Les clubs qui descendent ont des budgets conséquents, car ils touchent encore les droits TV de Ligue 1", poursuit l'économiste. Du fait de leur exposition et de leur popularité, Saint-Etienne et Bordeaux devraient engranger un pactole bien plus important que les clubs de L2. En 2020-21, ils étaient 8es et 9es au "classement des droits TV" de l'élite, recevant de ce fait plus de 20 millions d'euros.
L'apport de CVC six fois plus important pour les clubs relégués
Surtout, fait nouveau, les clubs relégués vont recevoir plusieurs millions d'euros grâce aux accords entre la LFP et le fonds d'investissement CVC, même si le montant exact n'a pas été communiqué. Metz, 19e de Ligue 1 l'an passé, est aussi concerné. En comparaison, les écuries déjà en Ligue 2 l'an passé récolteront... six fois moins. "Ces droits commerciaux créent des gouffres, alors que nous, on se bat pour avoir difficilement huit millions de budget", indique Didier Tholot, entraîneur du Pau FC, 10e l'an passé. Le club béarnais présentera à nouveau l'un des plus petits budgets du championnat.
Mais, même conséquents, ces écarts ne sont pas irrémédiables. "Ils sont beaucoup moins importants qu'en Ligue 1, relève l'économiste Luc Arrondel. C'est pourquoi il y a des surprises, comme Nancy, relégué avec un budget important l'an dernier." Le graphique suivant le montre : en Ligue 2, sur la saison 2020-21, sportif et économique n'étaient pas toujours liés. Deuxième budget du championnat, Caen avait sauvé sa peau de justesse, alors que Clermont était monté avec le quinzième budget.
"En Ligue 2, on peut faire des choses pas trop mal avec un petit budget", abonde Didier Tholot. A contrario, présenté comme le "PSG de L2" avec des recrues de choix, Dijon a joué le maintien l'an dernier. Le DFCO sera revanchard, comme une poignée d'outsiders jadis déçus.
"Caen a de l'ambition, le Paris FC a raté la montée deux fois de suite, Sochaux est structuré, Guingamp veut faire un gros championnat... De moins en moins d'équipes jouent pour ne pas descendre."
Didier Tholot, entraîneur du Pau FCà franceinfo: sport
Même ambitieux, ces clubs présentent un budget largement inférieur à celui de l'ASSE. Contacté, le FC Metz ne nous a pas répondu à ce sujet. Cela n'empêche pas les clubs relégués de faire profil bas malgré leurs moyens. La donne est très incertaine pour Bordeaux, dont le recrutement reste suspendu à un passage devant la DNCG. "C'est un championnat très long et homogène, tout le monde peut y battre tout le monde", a déclaré humblement le coach stéphanois Laurent Batlles en conférence de presse. Christophe Delmotte, adjoint messin, a qualifié de son côté cette division de "très difficile".
Les Grenats sont pourtant spécialistes des opérations remontée. En 2015-16 et 2018-19, ils ont regagné l'élite l'année suivant leur descente. Mais ce cas reste isolé : sur les dix dernières saisons, seul Troyes y est aussi parvenu. Le ratio de remontée immédiate, de l'ordre de 12%, est famélique. En moyenne, les clubs relégués ont rongé leur frein trois ans avant de retrouver l'élite. 45% des équipes descendues sur la dernière décennie n'ont d'ailleurs plus goûté à la Ligue 1.
Nantes, Lens et Monaco font partie des grosses écuries récemment tombées en Ligue 2. Ils y évoluaient ensemble en 2012-13. Leurs renommées et popularités suscitaient alors un certain engouement lorsqu'ils se déplaçaient. Des écuries modestes comme Istres et Niort y avaient enregistré leurs meilleures affluences, quand 10 000 âmes s'étaient ruées dans l'enceinte tourangelle contre Monaco.
Le ruissellement se fera attendre
Un phénomène identique sera-t-il observé cette saison ? "Vous allez jouer à guichets fermés contre Bordeaux et Saint-Etienne, mais c'est un match par saison", tempère l'économiste Luc Arrondel, pas convaincu qu'un "ruissellement" s'opère. "En revanche, cela risque d'être plus visible, ajoute-t-il. Ce sera peut-être plus facile de négocier les droits TV et d'avoir des revenus commerciaux."
Cette "premiumisation" de la Ligue 2 est, de toute façon, partie pour s'ancrer. Avec quatre descentes exceptionnelles cette saison en L1, il n'est pas insensé d'imaginer qu'un nouveau cador tombe. Lorsque l'antichambre opposera 18 clubs, à compter de la saison 2023-24, il y aura encore moins de place pour les petites écuries. L'entraîneur caennais Stéphane Moulin y voit même une "Ligue 1 bis", dans un entretien pour le site spécialisé Ma Ligue 2. Malgré les écarts économiques, la flopée de prétendants combinée aux deux places sèches pour l'élite vont rendre le feuilleton passionnant.
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