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Robert Pirès : "C'est compliqué d'être arbitre"

Champion du monde 1998 et d'Europe 2000 avec l'équipe de France, Robert Pirès participe en tant que parrain, aux 18e Journées nationales de l'arbitrage. Retraité depuis 2012, l'ancien joueur de Metz, Marseille, Arsenal et Villareal explique à France tv sport que le rôle d'un arbitre est bien plus dur qu'on ne l'imagine. L'ancien milieu de terrain des Gunners évoque également le VAR, son vécu en Angleterre et la féminisation du corps arbitral.
Article rédigé par Romain Bonte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

Pourquoi avez-vous accepté d'être le parrain de ces journées de l'arbitrage ?
Robert Pirès : "Il faut montrer l'exemple. L'arbitre est important, il fait partie du jeu. Sans lui, il n'y aurait pas de match et cette connexion entre le corps arbitral, les joueurs et les entraîneurs est importante. J'ai accepté par ce que j'ai un certain vécu, une expérience avec les arbitres, et je pense que je peux apporter mon regard. Et je suis aussi content de revoir aujourd'hui ceux qui m'avaient arbitré à l'époque quand j'évoluais en Ligue 1."

Quel arbitre vous a le plus marqué ?
RP : "Ah c'est compliqué de répondre, mais celui qui était vraiment fun, qui nous faisait rire, c'était Robert Wurtz. Il était toujours au plus proche de l'action, même quand il se trompait, il rigolait. Et rien que de le voir rigoler, ça passait plus naturellement qu'avec d'autres qui avaient un caractère moins exubérant. Quand le dialogue se noue, c'est plus simple. Tu t'adaptes à la personne que tu as en face et c'est le cas aussi bien pour le joueur que pour l'arbitre. Maintenant, les arbitres savent comment tel ou tel joueur, ou entraîneur, se comporte. C'est une analyse dont l'arbitre a besoin."

En quoi ces journées de l'arbitrage sont-elles importantes pour vous ?
RP : "Nous les anciens joueurs, on a un rôle à jouer. Je me suis déplacé dans le collège de Courbevoie avec Clément Turpin pour aller à la rencontre des jeunes. On a essayé de leur faire passer un message, leur dire qu'il y a des choses à faire et à ne pas faire. Il y a des règles, cela fait partie de la vie et la base dans tout ça, c'est le respect. Il y a une hiérarchie et il faut la respecter parce que c'est elle qui dicte les règles. Je pense que ces journées de l'arbitrage, avec ce qu'ils sont en train de mettre en place, est une bonne initiative."

Le VAR déresponsabilise-t-il l'arbitre central ?
RP : "Non, je ne pense pas. Quoi qu'il arrive, l'arbitre prend une décision. S'il s'est trompé, le VAR va le corriger. Et il peut en tirer un enseignement dans le même match ou les prochains matches. Il faut vraiment aider les arbitres et la VAR va en ce sens. Oui c'est compliqué, c'est dur. L'arbitre doit toujours prendre les meilleures décisions, et souvent dans des conditions compliquées. Il sait qu'il y a un enjeu pour les deux équipes, qu'il fait face à des joueurs avec un fort caractère, certains entraîneurs sont colériques… Parfois, il faut se mettre à leur place, et ce n'est pas évident."

Avez-vous été victime d'une grande erreur d'arbitrage ?
RP : "Oui, c'était en Espagne (avec Villareal en Liga, contre Xeres en 2009). L'arbitre avait décidé de siffler pénalty contre nous. Nous les joueurs, nous étions sûrs qu'il n'y avait pas pénalty, mais l'arbitre aussi était convaincu. C'est toujours pareil, et quand tu rentres dans un conflit comme celui-là, ça s'engage mal. Je me suis fait sanctionner, j'ai pris deux matches de suspension… Tout ça pour dire qu'une fois que l'arbitre a pris une décision, tu ne peux pas la contester car il ne reviendra pas dessus."

En Angleterre on respecte un arbitre comme on respecte un policier

Aujourd'hui, les arbitres ont la possibilité de suspendre un match en cas d'injures raciales ou homophobes. Est-ce que l'on ne leur en demande pas trop ?
RP : "Il est vrai que leur mission se complique, mais elle n'est pas impossible. Dans ces circonstances, les joueurs sont là pour les aider, les mettre dans les meilleures conditions pour prendre la bonne décision. S'ils ont des consignes d'arrêter le match car il y a des injures racistes ou homophobes, ils prennent cette décision. Ils sont là pour appliquer les règles et c'est avant tout aux fans d'être plus intelligents quand ils se retrouvent dans un stade…"

 

La féminisation peut-elle apporter un plus à l'arbitrage ?
RB : "Oui bien sûr, car elles ont un autre regard, une autre vision. Le fait de mélanger les hommes et les femmes, je trouve que c'est une très bonne chose. La Coupe du monde féminine en France nous a fait du bien et il faut s'appuyer là-dessus. Le football n'appartient pas qu'aux hommes. Aujourd'hui, on s'aperçoit que les femmes sont capables de faire de belles choses sur un terrain, elles savent dribbler, elles sont habiles avec le ballon, elles marquent des jolis buts. Donc que ce soient des joueuses ou des arbitres, c'est à nous de les intégrer le mieux possible dans ce milieu parfois difficile qu'est le football."

Voyez-vous une différence entre l'arbitrage en France et en Angleterre ?
RB : "Je vis dans un pays, l'Angleterre, où le mot respect est capital. C'est ce que m'ont appris mes parents, et j'essaie à mon tour de le transmette à mes enfants. Aujourd'hui ça va un peu mieux en France, mais à une époque, l'arbitre anglais était beaucoup plus respecté que son homologue français. Là-bas, on respecte un arbitre comme on respecte un policier. Cela fait partie de la société, de l'éducation, et à ce niveau-là, les Anglais sont vraiment en avance sur nous. Au niveau des arbitres, en France, ça change. Clément Turpin me disait qu'aujourd'hui, ils veulent plus de dialogue, de communication avec les joueurs ou les entraîneurs. Quand il se trompe, il explique pourquoi il s'est trompé. Le comportement, que ce soit du joueur ou de l'arbitre, a évolué dans le bon sens."

Auriez-vous pu être un arbitre ?
RB : (Il hésite) "Oui, pourquoi pas mais c'est dur. C'est dur parce que j'ai fait l'expérience il y a deux ans avec les Anglais. J'étais avec Marcel Desailly et c'est à ce moment-là que j'ai pris conscience que ce métier peut être à la fois passionnant et dur en même temps. Et encore à l'époque, il n'y avait pas la VAR. Elle est là pour les aider. Avant quand il y avait une erreur, ils étaient vraiment pointés du doigt. Maintenant, on appelle l'arbitre central en lui indiquant qu'il s'est trompé, il revient sur sa décision et s'il explique pourquoi il fait tel ou tel choix, ça passe mieux."

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