Qui est vraiment Mario Balotelli, l'attaquant qui met le feu à la Ligue 1 ?
Le fantasque buteur de l'OGC Nice s'est imposé en une poignée de matchs comme LE joueur à suivre du championnat. Derrière la légende et les frasques, connaissez-vous l'homme ?
Ibrahimovic et ses déclarations chocs exilés en Angleterre, l'excitation de l'Euro retombée, les terrains de Ligue 1 grignotés par un champignon tenace... Et pourtant, vous suivez toujours le championnat de France. Parce qu'il peut toujours se passer quelque chose grâce à Mario Balotelli. L'attaquant italien de 26 ans, en perdition à Liverpool et à Milan, s'est relancé à Nice, et affiche le bilan remarquable de 5 buts en 3 matchs de L1.
Face à Lorient, le 2 octobre, il a réussi la prouesse de marquer un but fabuleux et de prendre deux cartons jaunes en moins de dix minutes. Sanction injuste, finalement annulée, qui lui vaut d'être aligné contre Lyon, vendredi 14 octobre, dans le choc de la 9e journée. Faites plus ample connaissance avec l'attraction du championnat de France.
"Quand j'étais petit, je me dessinais blanc"
A sa naissance à Palerme, en Sicile (Italie), Mario Balotelli s'appelle Mario Barwuah. Fils de Thomas et Rose, immigrés ghanéens, il souffre très jeune de sérieux problèmes intestinaux, liés à une malformation. Son père raconte au Daily Mail* : "Les docteurs craignaient qu'il ne survive pas, et on l'a même fait baptiser à l'hôpital au cas où il mourrait." Faute de pouvoir financer les soins, ses parents consentent à son placement dans une famille d'accueil, chez Silvia et Francesco Balotelli, qui vivent à Concesio, une petite ville située près de Brescia (région de Lombardie), au pied des Alpes. Mario en garde encore l'accent caractéristique de cette région du nord de l'Italie – en gros, parler comme si on mangeait du yaourt, sans détacher les syllabes. Il prend aussi le nom de Balotelli. Entre ses deux familles, son choix est fait : "Quand je vais voir mes parents biologiques, je leur dis 'Ciao Thomas, ciao Rose !' et quand je reviens à la maison, je dis 'Bonjour papa, bonjour maman !'"
Les biographies de Mario Balotelli regorgent d'anecdotes sur l'enfance du champion, seul Noir d'une petite ville de l'Italie rurale. Certaines sont parfois trop belles pour être vraies. "Quand j'étais petit, je me dessinais blanc pour ne pas être rejeté par mes camarades", raconte l'attaquant dans une biographie non autorisée intitulée A Cresta Alta (que l'on pourrait traduire par La crête haute) et que Balotelli a qualifié de "torrent de merde". Cela dit, il n'a pas fait modifier une ligne quand les auteurs lui en laissaient la possibilité. Un autre biographe le décrit comme un petit garçon ne se lavant les mains qu'à l'eau chaude pour enlever le noir de ses mains. Autre anecdote : quand le petit Mario demande à son institutrice "si son cœur aussi est noir". "Ça ne sonne pas comme du Mario", bougonne un vieux journaliste italien sur ESPN.
"Tu n'es pas un vrai Italien"
Les entraîneurs de l'attaquant en herbe esquissent un portrait qui ressemble bien au Mario Balotelli qu'on connaît aujourd'hui. Michele Cavalli, son coach à Lumezzane, club fréquenté par Balotelli pendant ses années collège, se souvient dans le Guardian d'un match en particulier : "Je l'ai mis sur le banc, il détestait ça. Je l'ai fait entrer alors qu'on perdait 1-0. Il a passé en revue la défense adverse et a marqué. Deuxième action, il s'est promené parmi les défenseurs, mais a vendangé complètement l'action. Le match s'est fini sur un nul 1-1, et j'étais sûr qu'il avait manqué son tir pour me punir. Quand je lui ai demandé, il n'a rien répondu, juste souri." Le président du club se rappelle d'une prédiction du jeune attaquant : "Quand il avait 11 ans, il disait qu'il serait le premier Noir à jouer pour l'Italie." Presque. Il sera le quatrième, et le seul à avoir durablement percé.
Car Mario Balotelli n'acquiert la nationalité italienne pour de bon qu'à ses 18 ans. Jusqu'au bout, les autorités ghanéennes tentent de le convaincre d'endosser leurs couleurs pour participer aux Jeux olympiques de Pékin. Balotelli tient bon. Et c'est tout sourire qu'il pose aux côtés de ses parents adoptifs lors de la cérémonie tenue à la mairie de Concesio. Sur son T-shirt confectionné spécialement pour l'occasion, on peut lire : "Non seulement, je suis parfait, et maintenant je suis italien." Ce n'est pas l'avis de tout le monde. Les tifosi de son premier club pro, l'Inter Milan, taguent sur un mur du stade San Siro : "Tu n'es pas un vrai Italien, mais un Noir africain." Le début d'une longue série d'incidents, des chants racistes aux jets de banane, qui suivront l'attaquant sur de nombreux terrains.
100% frasques
Balotelli entre dans une nouvelle dimension en débarquant à Manchester City, en Angleterre, dans les bagages du coach Roberto Mancini, à l'été 2011. Outre-Manche, il se fait autant remarquer par ses buts sur le terrain que par ses frasques en dehors, qui font les choux gras des tabloïds. Hit-parade :
- Il met le feu à sa salle de bains en tirant des feux d'artifices depuis l'intérieur de son domicile. Détail piquant : il venait de poser pour être l'égérie d'une campagne des pompiers de Manchester dont le but était d'alerter sur les dangers des pétards.
- Il est interpellé par la police, qui découvre 5 000 livres en liquide dans ses poches. Les policiers lui demandent pourquoi il a tant d'argent sur lui. Réponse désarmante : "Parce que je suis riche !"
- Il poste cette blague d'un goût douteux sur Instagram au sujet du héros de jeu vidéo Super Mario : "Ne soyez pas racistes ! Soyez comme Mario. Un plombier italien, créé par des Japonais, qui parle anglais, a l'air d'un Mexicain, saute aussi haut qu'un Noir et collecte les pièces d'or comme un juif." Tollé général... Et dire que la mère adoptive de Balotelli, d'origine juive, a perdu une grande partie de sa famille à Auschwitz, qu'elle garde leurs lettres précieusement sous son lit dans un petit coffre de bois. Avec l'équipe d'Italie, l'attaquant avait visité le camp de concentration et en avait été durablement marqué, rappelle le Times of Israel.
Mike Tyson, Donald Trump et un fer à repasser
Autant de frasques qui font entrer Balotelli dans ce que la presse anglo-saxonne qualifie de "Tyson zone", du nom du boxeur américain. Comprenez un statut où n'importe quelle anecdote, aussi improbable soit-elle, paraît vraie accolée à son nom. Par exemple, "Donald Trump a parlé de son pénis dans un débat présidentiel" sonne juste parce que le candidat républicain est en pleine Tyson zone. Mario Balotelli a énormément souffert de cette catégorisation. Interrogé par Vanity Fair sur un article détaillant ses (nombreuses) conquêtes, il s'arrête sur une photo : "Qui c'est celle-là ? Je ne l'ai jamais vue !" La biographie qu'il a choisie pour son compte Twitter résume bien la situation : "Ne croyez à rien de ce que vous lisez me concernant, sauf si ça sort d'ici."
Un porte-parole de l'équipementier Umbro a ainsi fait courir le bruit que Balotelli, envoyé par sa mère acheter un fer à repasser, serait revenu du supermarché sans la station vapeur, mais avec une Vespa et un trampoline géant. C'est faux, assure le Daily Telegraph. Sauf que quelques semaines plus tard, le joueur se met en scène, fer à repasser à la main, en train de lire la biographie de Zlatan Ibrahimovic – avec qui il a joué à l'Inter Milan. Le lecteur ne peut pas manquer le logo de son équipementier, qui apparaît sur quatre produits bien visibles à l'écran. Qu'est-ce qui relève du marketing calibré et de sa douce folie ?
Histoire de chaperons
Mario Balotelli ne parle que très peu à la presse. La dernière phrase de l'interview qu'il accorde à Vanity Fair, qui le fait poser en couverture juste revêtu du drapeau italien en 2010, c'est "Bon, je peux partir maintenant ?" Dans Sports Illustrated, il reconnaît qu'il déteste les interviews et prend ses distances avec ses amis qui parlent aux journalistes, même pour dire du bien de lui. "Mario aime se sentir entouré de gens qui ne le jugent pas", explique à l'Irish Examiner sa sœur, Cristina, qui a couvert la guerre en Afghanistan avant de prendre en main les relations publiques de son fantasque frangin. Un autre membre de la fratrie joue le rôle d'agent.
Certains de ses clubs ont décidé de polir le diamant brut en le renvoyant à l'école. Manchester City lui a ainsi recruté une série de professeurs pour parfaire sa grammaire. Sans résultats. "Je n'en ai pas vraiment profité", reconnaît le cancre à Sports Illustrated. Au Milan, Silvio Berlusconi lui a collé un chaperon pour l'empêcher de déraper. Un ancien policier milanais qui a été condamné pour brutalité au début des années 2000...
Devenu "un homme" à 25 ans
Mario Balotelli quitte Manchester City à l'été 2013, et sa carrière sombre rapidement. Les fans ont pardonné ses frasques à l'enfant prodige qui a contribué à ramener le premier titre de champion des Citizens depuis quarante-quatre ans. Ils ont été beaucoup moins indulgents à Milan ou à Liverpool, deux clubs où il a ensuite traîné son spleen. L'attaquant a déclaré à la Gazzetta dello Sport être devenu "un homme" en 2015, à 25 ans. Et il semble avoir besoin de confiance pour retrouver son meilleur niveau. "Les équipes où je me suis senti le mieux ? Nice, pour la teneur du début de saison, et puis Manchester City. C'est tout." Dans la même interview à Sky Sports il explique avoir choisi Nice "pour le soleil". Un bon début.
Que son passage sous le soleil de la Côte d'Azur se passe bien ou se solde par un nouvel échec, Mario Balotelli n'est pas spécialement inquiet pour la suite de sa carrière. La seule chose qui lui fait peur, ce sont "les fantômes", comme il le confiait à Vanity Fair.
* Tous les liens de médias renvoient sur des articles en anglais.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.