OM : Les mauvais comptes de Frank McCourt avec les Dodgers
"Il n'y a pas d'autre façon de le dire : Frank McCourt est une vile merde qui n'a pas seulement ruiné ce qui était la franchise la plus classe du sport américain mais devrait également affronter la justice pour avoir siphonné 105 millions de dollars des Dodgers pour son usage personnel sans payer de taxes" Buzz Dissinger, journaliste vainqueur du Prix Pulitzer en 1987, ne mâche pas ses mots quand il s'agit de parler de Frank McCourt, alors propriétaire des Los Angeles Dodgers. Au moment où il écrit ces lignes sur le site Daily Beast, en avril 2011, la franchise de baseball vient d'être placée sous tutelle de la Ligue Majeure de Baseball (MLB), procédure rare utilisée uniquement en cas de risque de faillite. "Impitoyable. Litigieux. Vicieux. Malhonnête", les mots sont particulièrement violents, même si le site américain est connu pour ses tribunes incendiaires.
Une utilisation suspecte des fonds
L'histoire de McCourt avec les Dodgers a débuté en 2004. Après une tentative ratée de racheter les Red Sox de Boston, l'entrepreneur récupère la franchise angelino, alors gérée par la Fox de Rupert Murdoch. Prix d'achat : 430 millions de dollars, payés grâce à des prêts. 150 millions de Bank of America, 75 millions de la MLB et les 200 millions restants de... la Fox. Pour le blogueur spécialisé Larry Behrendt, McCourt n'a pas seulement "acheté les Dodgers avec une carte de crédit, il a acheté les Dodgers avec la carte de crédit des Dodgers". Sur le plan sportif, les débuts sont plutôt réussis : McCourt investit dans l'équipe et elle se qualifie pour les playoffs. Mais en coulisses, des zones d'ombres apparaissent. Il a séparé la billetterie et le parking du stade de la franchise pour en faire des compagnies à-part, contrat lucratif avec les Dodgers. Il en profite pour s'attribuer un salaire annuel de 5 millions de dollars, ainsi qu'un de 2 millions pour sa femme, nommée vice-présidente, tandis que ses fils touchent 600 000 dollars chacun. Il a également financé un jet privé et quatre maisons avec l'argent du club.
Un divorce et une revente
Progressivement, ses dépenses personnelles prennent le pas sur celle du club. Il réduit la masse salariale des Dodgers et laisse partir des joueurs-clés. Sept ans après son acquisition, la franchise est au bord de la faillite, les fans désertent le stade en signe de protestation. McCourt, obligé d'emprunter pour payer les salaires, a criblé le club de dettes. Son divorce en 2011, alors que sa femme est co-propriétaire de l'équipe via l'entreprise familiale, rajoute un peu plus de bazar dans l'affaire. Jamie McCourt finit par renoncer à ses prétentions sur l'équipe contre 130M de dollars. La même année, la MLB décide de nommer un gestionnaire pour s'occuper de la franchise au quotidien à cause de "graves inquiétudes sur les finances et les activités" des Dodgers. En réaction, McCourt déclare l'entreprise en banqueroute auprès de la justice, afin de court-circuiter le pouvoir d'action de la MLB. Après plusieurs mois de négociation, McCourt et la MLB trouvent un accord pour la revente du club à un consortium formé notamment par Guggenheim Partners et la légende des Los Angeles Lakers Magic Johnson. Les enchères sont montées jusqu'à deux milliards de dollars, record de vente d'une franchise sportive, mais sans compter les dettes à éponger. McCourt, classé deuxième pire propriétaire de l'histoire de la MLB par ESPN, empoche non seulement le magot mais continue également à toucher de l'argent grâce à l'exploitation du parking du stade, dont il reçoit la moitié des revenus.
Un autre monde
Ces éléments ont de quoi inquiéter les supporters de l'Olympique de Marseille, mais rien ne dit que la même situation se reproduira. Le sport américain évolue dans un autre monde que l'Olympique de Marseille. Rien que la masse salariale (245 millions d'euros cette saison) et deux fois plus élevé que le budget estimé de l'OM (125 millions). Les finances marseillaises sont plus facilement gérables par McCourt que celles des Dodgers, et l'Américain a sans doute appris de sa précédente mésaventure. Ensuite, la surveillance en France est beaucoup plus poussée aux Etats-Unis, aussi bien dans le monde sportif (la direction national du contrôle de gestion) qu'extra-sportif (administration fiscale). Chaque année, les clubs français doivent présenter leurs comptes devant la DNCG pour une validation. Des garde-fous qui peuvent laisser espérer aux Marseillais un aventure avec McCourt moins trouble que celle des Dodgers.
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