Ligue 1 : Sylvinho, échec d'un pari risqué ou nouvelle politique avortée ?
"Je voudrais du fond du cœur remercier Juni, parce que sa venue change beaucoup de choses dans le développement de ce que nous souhaitons faire. Il a tous les pouvoirs sportifs. Sylvinho, c’est son choix. C’est vrai que nous avons pris des risques mais nous sommes convaincus que c’est un choix gagnant". Jean-Michel Aulas semblait sûr de son fait au moment de prononcer cette phrase, en mai dernier, lors de la présentation du duo brésilien qui devait mener son Olympique Lyonnais vers les sommets.
Quatre mois et neuf journées de Ligue 1 plus tard, le constat est tout autre. La donne a changé et le boomerang vient de lui revenir en pleine tête : le président de l’OL n’a eu d’autre choix que de se séparer de Sylvinho, premier entraîneur à quitter le bateau rhodanien aussi tôt dans une saison. L’échec d’un casting trop risqué, ou celui d’une nouvelle politique avortée ? La question se pose. Car au-delà de l’aspect purement comptable qui entoure le départ de l’entraîneur brésilien (9 points en autant de matches), c’est bien la réforme de tout un système qui interroge.
Habitué à diriger d’une poigne de fer le navire dont il tient la barre depuis plus de trente ans, Jean-Michel Aulas avait surpris son monde en fin de saison dernière, arguant haut et fort que l’heure était venue pour lui de se mettre en retrait, et de "totalement déléguer" le sportif à Juninho. Un choix qu’il pensait payant, et qui devait marquer le début d’une nouvelle ère à Lyon. Comment le dire autrement quand on sait que le patron des Gones a remué ciel et terre pour convaincre son ancien joueur de revenir dans la peau du directeur sportif.
Confiance réelle ou confiance aveugle ?
"Il y a deux ans j’ai essayé de le faire revenir, en vain" avouait-il. "Mais nous sommes tenaces, et après force de conviction, nous avons fait en sorte que cela se fasse", poursuivait même Aulas, au bord des larmes en évoquant le retour de Juninho comme celui du fils prodigue. Malgré son manque d’expérience dans le management, l’ancien milieu de terrain a aussitôt bénéficié d’une confiance totale, presque aveugle, du président de l’OL, ce dernier n’étant quasiment pas intervenu dans le choix du futur entraîneur. Une nouveauté.
C’est ainsi que le public français a pu redécouvrir Sylvinho l’ancien joueur passé par Arsenal et Barcelone, mais surtout faire la connaissance du Sylvinho entraîneur, arrivé dans le Rhône avec pour seul bagage un passif d’entraîneur adjoint aux côtés de Tite, sélectionneur du Brésil depuis 2016. Un CV bien maigre et un pari risqué, sur le papier, mais cela n’a jamais fait peur à Jean-Michel Aulas : "Sans vouloir le comparer à Zidane, on a vu que des anciens joueurs pouvaient s’inscrire dans des projets ambitieux en tant qu’entraîneur" avançait le patron des Gones. Le nouveau décor était planté. Le duo Juninho-Sylvinho devait incarner le futur de l’OL. Les fondations à l’identique, la façade transformée.
Quatre mois plus tard, le constat d’échec est sans doute bien plus dur à encaisser pour JMA que les 14 buts concédés par la défense rhodanienne depuis le début de saison. Malgré un départ canon – victoires 3-0 et 6-0 contre Angers et Monaco – le Lyon de Sylvinho s’est enfoncé petit à petit dans la crise, victime d’un projet de jeu bancal, souffrant d’un collectif approximatif. "J’aime le 4-3-3, j’aime la possession de balle, j’aime jouer dans le camp adverse. Notre équipe ne manquera pas d’inspiration, et pas d’âme" avait dit le Brésilien, interrogé sur ses idées lors de sa première conférence de presse.
"Je lui laisserai du temps"
Autant de promesses dont les supporters des Gones n’ont jamais vu la couleur. Ou presque. Le temps de deux journées. Puis plus rien. Les coéquipiers d’Houssem Aouar ont sombré, prenant moins de points en l’espace de 7 matches (3) que lors de leurs deux premiers (6). Incapables de proposer du jeu, incapables de se projeter vers l’avant, incapables de s’appuyer sur leurs forces, les Lyonnais ont coulé avec leur nouveau coach, touchant le fond lors de la défaite à Saint-Etienne (1-0) dimanche, synonyme de 14e place au classement.
La goutte d’eau pour Jean-Michel Aulas, qui se disait pourtant prêt à laisser une marge conséquente à Sylvinho lors de son arrivée, "Son expérience de joueur et sa personnalité me laissent penser qu’il faut lui donner un peu de temps, ce que l’on va faire". Du temps, le Brésilien en voulait aussi, il l’avait dit, "J’ai toujours dit que le chemin serait long et difficile" admettait-il après la défaite face à Nantes. Mais il n’en a finalement pas eu.
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Ecarté après 11 matches, le plus faible total pour un entraîneur lyonnais à ses débuts, l’ancien adjoint de Tite incarne d’abord l’échec d’un choix, celui de Juninho, mais aussi et surtout celui d’une politique osée, friable, qui a émergé de l’esprit de Jean-Michel Aulas après l’épisode rocambolesque du départ de Genesio.
À trop vouloir le retour de celui qui fut adulé dans son antre, à trop idéaliser le Juninho du passé dans son nouveau costume, le président rhodanien s’est pris les pieds dans le tapis. Contrairement à ce qu’il a pu laisser entendre, il n’a finalement pas laissé le temps escompté à son duo. Juninho semblait intouchable, Sylvinho ne l'était pas. Il s'en va en ayant bénéficié d'une marge infime comparée aux Genesio et Claude Puel avant lui, et paye une politique sévère. mais voilà qui pose question : peut-on réellement avoir le temps à Lyon ?
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