Ligue 1 : "On peut s'attendre à des droits largement en dessous de ceux de 2018", estime Pierre Maes, consultant en droits TV du sport

La Ligue de football professionnel (LFP) a lancé, mardi, son nouvel appel d'offres des droits télévisés de la Ligue 1, qui se terminera le 16 octobre. Les cartes sont redistribuées entre des médias bien installés et des nouvelles plateformes.
France Télévisions - Rédaction Sport
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Un caméraman lors d'une rencontre de Ligue 1 au stade Bollaert-Delelis, le 20 août 2023. (MATTHIEU MIRVILLE / AFP)

Le début d'un nouveau feuilleton. L'appel d'offres des droits de diffusion TV de la Ligue 1, pour la période 2024-2029, pour le marché français, a été lancé mardi 12 septembre. Deux lots sont proposés pour une durée de cinq ans, au lieu de quatre. Le premier, dit "premium", est composé des trois rencontres phares (choix 1, 2 et 4) de chaque journée du championnat, le second propose les six autres matchs. Prime Vidéo et Canal+ détiennent actuellement les droits, mais les cartes pourraient être redistribuées d'ici le 16 octobre au soir, date de clôture de l'appel d'offres. Pierre Maes, auteur du livre Le business des droits TV du foot - Enquête sur une bulle explosive et ex-gestionnaire des droits sportifs pour Canal + Belgique a répondu aux questions de franceinfo: sport.

Quels sont les diffuseurs candidats à cet appel d'offres ? 

Pierre Maes : Dans l'ordre de probabilité, on a Canal+, BeIN Sports, Amazon et DAZN. Certains parlent aussi d'Apple TV+. Le groupe Eurosport Discovery semble avoir jeté l'éponge sur les achats de droits ambitieux, tout comme RMC Sport, qui après la période assez flamboyante des années 2010, a rangé ses ambitions à cet égard au placard. 

Pourquoi n'y a-t-il que deux lots cette année ? 

Je pense que c'est une bonne décision, on va vers de la simplification. Ces constructions un peu alambiquées de lots à moitié "premium", ça peut fonctionner lorsqu'il y a une grosse concurrence, les acteurs seront contents même avec des lots moyens. Aujourd'hui la concurrence n'est pas au rendez-vous, la ligue en a pris conscience et a constitué des lots plus simples, surtout avec celui, incontestablement, à caractère premium (le choix 1, 2 et 4). 

La valeur de la Ligue 1 a-t-elle diminué depuis 2018 ? 

Ce n'est pas tellement la valeur intrinsèque de la Ligue 1 qui a diminué. Le facteur principal qui fait augmenter ou non les droits TV, c'est à 95% la concurrence entre les opérateurs pour acquérir les droits. En 2018, on avait une bonne concurrence grâce à l'arrivée inattendue de Mediapro, plus maintenant. C'est pour cette raison que l'on peut s'attendre à des droits TV largement en dessous de ceux de 2018.

Kylian Mbappé lors du match Lyon - PSG en Ligue 1, le 3 septembre 2023. (MATTHIEU MIRVILLE / AFP)

Le départ des stars comme Messi, Neymar et potentiellement de Kylian Mbappé en fin de contrat en 2024, peut avoir des conséquences sur le montant ? 

Oui mais ça reste mineur, on est dans les 5% qui restent pour déterminer le prix. Ça a certainement une influence mais c’est plus du prestige. Ce n’est pas le facteur numéro un. Pour le grand public ça parait être un élément important mais dans les faits, dans les négociations ça ne l’est pas.

L'affaire Mediapro peut-elle avoir des conséquences sur cet appel d'offres ? 

Avec Mediapro, on était à plus d'1,2 milliard d'euros, cette année les ambitions sont déjà inférieures à ce niveau-là. Atteindre le milliard, je ne suis pas sûr que ce soit possible. Si DAZN gagne un lot, je pense qu'il y aura une attention très particulière au niveau du paiement et à sa sécurité financière. C'est un acteur avec une belle position mais avec six milliards de pertes cumulées. C'est gigantesque. 

Est-ce que Canal+ et DAZN peuvent s'associer pour tout rafler ? 

Je ne pense pas que Canal+ ait besoin de s'associer. Canal+ va faire une offre sur le lot numéro 1 et va laisser les autres se débrouiller sur le second. Il n'y a pas de nécessité pour eux de s'allier en amont. Si DAZN obtient le second lot, les abonnés de Canal+ y auront accès moyennant un supplément, qui sera l'abonnement à DAZN. 

"Canal+ est dans une position confortable, on peut quasiment parler d'un monopole. Ils ont travaillé pour être dans cette position, ce n'est pas un cadeau du ciel."

Pierre Maes, consultant en droits TV du sport

à franceinfo: sport

Négocier des droits pour cinq ans au lieu de quatre, qu'est-ce que cela change ?

Ça montre que le rapport de force s'est déplacé vers les diffuseurs. Déjà, quatre ans en France c'était assez inhabituel : dans les quatre autres grands championnats européens, c'est trois ans. Les ligues étaient bien contentes de retourner sur le marché tous les trois ans pour remettre leurs droits en vente par appel d'offres, parce que la concurrence augmentait, les prix aussi et tous les trois ans, c'était la divine surprise. Tout cela a changé. Par conséquent, les ligues proposent de nouvelles idées dont celle de rallonger les cycles à cinq ans, pour permettre potentiellement aux nouveaux entrants d'avoir plus de temps pour rentabiliser. 

Comment vont se passer les négociations jusqu'au 16 octobre ? 

Si les offres sont satisfaisantes pour LFP Media, ce sera soumis aux clubs et ils décideront. Ce qui est le plus probable, c'est que les offres ne soient pas satisfaisantes. Dans ce cas, les ligues mettent parfois un prix de réserve, c'est-à-dire un prix en dessous duquel elles n'attribueront pas les droits. Pour l'instant, je n'ai rien vu à cet égard, mais je suis persuadé qu'il y en a déjà un. Le choix appartiendra donc à la ligue de faire un deuxième tour. Je ne pense pas qu'elle le fera donc elle devra passer aux négociations de gré à gré avec ceux qui ont fait une offre. C'est exactement ce qui se passe en ce moment en Italie. Ils ont lancé un appel d'offres qui s'est révélé infructueux, en dessous des attentes de la Ligue. Depuis ils sont en négociations de gré à gré depuis plusieurs mois avec DAZN et Sky Italia.

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