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Ligue 1 : comment l'OGC Nice est devenu un candidat crédible au titre

Petit budget, joueurs méconnus, paris risqués, coachs malins : la recette détonnante du club azuréen.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La joie des joueurs niçois, après une victoire contre l'OM dans leur stade de l'Allianz Riviera, le 11 septembre 2016. (VALERY HACHE / AFP)

Il était une fois une équipe nantie d'un budget dix fois inférieur à celui du PSG, et qui ne bénéficiait pas des exemptions fiscales monégasques. Ces courageux joueurs tenaient la dragée haute aux deux favoris du championnat. Ce conte de fées, c'est celui que vit l'OGC Nice, leader de la L1 avant son déplacement à Paris dimanche 11 décembre. Comment une équipe vouée au milieu de tableau depuis des années s'est-elle transformée en candidat crédible au titre ? 

Un projet de long terme

De quand dater le renouveau niçois ? De 2012, l'arrivée de Claude Puel, un entraîneur de renom passé par Lille et Lyon ? 2011, l'arrivée du président Jean-Pierre Rivère, supporter du club ? Ou même 2007, quand le patron du centre de formation Alain Wathelet décide d'adopter un style de jeu fait de passes courtes chez les jeunes ? Un peu des trois, forcément. "Nous avons d’abord labouré puis semé. Maintenant, nous sommes en train de récolter", résume le président niçois au site Goal.com

Un président fidèle

Jean-Pierre Rivère était supporter des Aiglons avant de prendre la tête du club. "Ce n'est pas un financier, il n'allait pas nous vendre en pâture au premier milliardaire venu", se félicite Solange Claude, présidente du Club des supporters du Gym. Quand il a fallu trouver un repreneur, il a choisi la solution qui garantirait la pérennité du club. Après un flirt avorté avec un investisseur saoudien, il a porté son choix sur un consortium américano-chinois (si, si). "C'était ça ou avoir un destin à la Lorient, poursuit Solange Claude. Les bonnes saisons, on se mêle à la lutte en haut du ventre mou, les mauvaises, quand on a dû vendre tous nos bons joueurs, on lutte pour ne pas descendre." La volonté des nouveaux patrons d'offrir un bail de longue durée à Rivère à la tête du club a rassuré les derniers inquiets.

Un casting réussi sur le banc

Comment succéder à Claude Puel, l'entraîneur qui avait fait passer un palier au club azuréen, en quatre ans de construction de l'équipe ? Les dirigeants du club ont jeté leur dévolu sur Lucien Favre. Coach suisse, anciennement à Mönchengladbach, dont le nom revenait dès qu'un poste était vacant en Ligue 1. Un passionné, un vrai, élu trois fois meilleur entraîneur de Bundesliga. "Il faisait des dessins tactiques sur le pare-brise", se souvient, sur Canal +, le défenseur Ludovic Magnin, qui se rendait à l'entraînement en voiture avec son coach. Le technicien suisse a eu la prudence de ne rien promettre après la 4e place inespérée des Aiglons l'an passé. "Je ne veux pas parler de classement, car c'est une saison qui peut être très difficile", disait-il en début de saison. Une précaution qui fait sourire aujourd'hui.

Un ancrage régional

Il n'y a pas que le président qui est du cru. Beaucoup de jeunes pousses issues du centre de formation viennent de la région, détectées par une cellule de recrutement qui cible en priorité la région PACA. A commencer par le gardien, Yoan Cardinale, de La Ciotat, le défenseur Malang Sarr, de Nice même, ou encore le lutin du milieu de terrain (1,68 m, 58 kg) Vincent Koziello, de Grasse. Le patron du centre de formation Alain Wanthelet ne cache pas s'être inspiré du modèle lyonnais : "L’Olympique lyonnais bénéficie de centres de préformation dans toute la ville, qui les dispatchent dans tous les clubs du département selon leur niveau, les meilleurs allant à l’OL. On voit le résultat aujourd’hui…"

Une vedette américaine

L'attaquant Mario Balotelli lors du match de son équipe, l'OGC Nice, à Caen (Calvados), le 6 novembre 2016. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Ou plutôt italienne. Mario Balotelli, le coup du mercato niçois. Le fantasque attaquant italien s'était plus signalé par ses frasques et ses incendies dans sa salle de bains que par ses performances sur le terrain. N'empêche. Nice a réussi son pari. "Super Mario", parfois blessé, parfois en petite forme, a déjà marqué 6 buts en 6 matchs de Ligue 1. Il n'est pas affûté, il joue en marchant, mais l'équipe mise sur ses qualités de finisseur. Le club écoule tous les jours environ 100 maillots floqués à son nom à la boutique. De quoi doubler le total de 8 000 maillots vendus l'année dernière (année où Hatem Ben Arfa faisait déjà chavirer les foules). Vous avez dit "tête de gondole" ? "J'étais au déplacement que l'on perd à Caen (0-1, le 6 novembre, unique défaite niçoise en championnat), raconte Grégory Massabo, porte-parole du groupe de supporters Populaire Sud. Après le match, Balotelli et Dante [ancien défenseur du Bayern Munich] sont venus donner leur maillot aux supporters du parcage niçois. Les enfants caennais bavaient..."

Des recruteurs qui ont l'œil 

Mis à part Mario Balotelli, le recrutement niçois de cet été est tout sauf bling-bling. La recrue la plus chère du mercato ? Wylan Cyprien, méconnu sauf chez les supporters du RC Lens, où le milieu de terrain a fait ses classes. Qui connaissait le fulgurant défenseur Dalbert Henrique, pêché dans un club de seconde zone portugais ? Qui a osé relancer Younès Belhanda, en perdition au Dynamo Kiev après le sacre montpelliérain ? Une tradition au club : on dépense peu, mais bien. En 2011, un recruteur confiait carrément avoir découvert un défenseur serbe grâce au jeu vidéo Football Manager.

Un public fidèle (mais qui n'aime pas payer des contraventions)

Depuis trois ans, le Gym a quitté le vétuste (mais un rien coupe-gorge) stade du Ray pour le flambant neuf Allianz Riviera. Résultat : des tribunes qui sonnent souvent creux. "On était 17 000 contre Toulouse dimanche soir. On aurait été quoi, 7 000, au Ray ?, relativise Solange Claude. L'accès au stade est un problème récurrent avancé par les locaux pour préférer rester au chaud les soirs de match.

Le stade de l'Allianz Riviera lors du match Nice-Lorient, le 2 octobre 2016. (VALERY HACHE / AFP)

"C'est culturel, c'est comme ça, le Niçois voudrait garer sa voiture dans la tribune, soupire Grégory Massabo. Je peux comprendre qu'on perde définitivement un gars qui retrouve une prune à 135 euros sur sa voiture mal garée un soir de match." La police municipale sévit même... quand l'ancien maire Christian Estrosi a prononcé le discours d'inauguration aux abords du stade.

Une ville qui frémit

Pas une ville de foot, Nice ? Vous n'y êtes pas. Les plus anciens se rappellent avec émotion les exploits de l'équipe qui a dominé de la tête et des épaules les années 1950. Mais après une décennie 1970 encore honorable, le club a connu une traversée du désert de trente ans. Nice est désormais cernée par le Var – "où ils sont tous pour l'OM" –, les Alpes – "où c'est compliqué de faire une heure sur les petites routes pour aller au stade" – et l'Italie – "on commence à voir des Italiens au stade pour Balotelli." La reconquête sera longue. "Mais les maillots de l'OM ou du PSG ont disparu du centre-ville, c'est déjà ça", sourit Solange Claude. 

Un rêve européen

Nice a goûté aux joies de la Coupe d'Europe après treize ans d'attente. Et bat tous ses records de déplacement lors des affiches européennes. Près de 1 700 personnes à Salzbourg, 1 300 à Schalke – alors que Nice était pratiquement éliminé de la Ligue Europa – les chiffres impressionnent. "Je serais allée à pied à Salzbourg", confesse Solange Claude. Deux supporters des Aiglons ont même fait le déplacement en Harley Davidson jusqu'en Autriche. "Quand j'étais petit, j'ai appris la géographie française grâce à la deuxième division, avec Louhans-Cuiseaux ou Amiens, sourit Grégory Massabo. Mon fils de 8 ans, il découvre l'Europe bien avant moi."

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