Le débat : Kylian Mbappé se comporte-t-il comme un enfant gâté ?
• OUI
Mbappé trahit l'image de joueur mature et humble qu'il s'applique à construire, par Émilien Diaz
Revenons quelques années en arrière, lors de la saison 2016-2017, à Monaco. En plus d’être un jeune joueur au talent hors du commun, Kylian Mbappé se distingue aussi par sa maturité précoce. Lucidité, clarté, humilité dans ses analyses d’après-match et ses interviews, le gamin de Bondy en devient presque agaçant tant il semble parfait sur comme en dehors du terrain.
Trois ans, une étoile de champion du monde et un transfert à 145 millions d’euros plus tard, la chanson n’est plus tout à fait la même, et la maturité du prodige semble parfois s’être envolée. En adoptant une attitude désinvolte à sa sortie du terrain - scène qui devient trop régulière pour ne pas dire habituelle - l’attaquant parisien est en train d’écorner assez largement l’image de saint qu’il s’est appliqué à construire depuis son éclosion sur le Rocher. Le talent ne l’a pas quitté, les ambitions non plus, mais cela ne justifie en rien un tel comportement.
La déception au moment d’être remplacé est un sentiment normal pour un compétiteur ivre de la gagne et du terrain. La transformer en colère systématique est en revanche beaucoup moins compréhensible. En s’insurgeant de sa sortie comme il l’a fait face à Montpellier ou à Nantes, Kylian Mbappé se place, qu’il le veuille ou non, au dessus de ses coéquipiers et de son entraîneur, forcé de jouer les psychologues en public. Une telle scène est d’autant plus dommageable qu’elle révèle non seulement un certain égocentrisme chez le joueur, mais traduit aussi l’incapacité du coach à gérer les egos.
Mbappé est un joueur intelligent et sa renommée internationale devrait l’inciter à canaliser ce genre d’émotions. Le fait de manifester son agacement de la sorte ne coïncide pas avec l’image de champion qu'il cherche désespérément à entretenir. De fait, l’humilité à laquelle il nous avait habitués disparaît petit à petit au profit d’un individualisme préjudiciable pour le collectif et pour lui-même. On ne serait sans doute pas si dur avec le génie parisien s’il n’avait pas un passif aussi exemplaire, aussi vertueux. La maturité n’a pas d’âge, mais n’est valable que si elle dure. Attention à ne pas inverser la tendance...
• NON
Mbappé est un compétiteur dont le niveau d'exigence dépasse l'entendement en raison de son âge, par Denis Ménétrier
Aux trophées UNFP en mai dernier, à l'occasion desquels il avait reçu le titre de meilleur joueur de la saison, Kylian Mbappé l'avait annoncé de but en blanc : à 20 ans à peine, il se déclarait prêt à être considéré, à l'instar de Neymar, comme l'atout numéro 1 du PSG. Huit mois plus tard, et alors qu'il est le joueur le plus décisif du club de la capitale cette saison, cette ambition dérange à travers ce comportement qui ne révèle pas une attitude d'enfant pourri gâté, mais une frustration liée à un niveau d'exigence extrêmement élevé pour un joueur de son âge.
Le changement effectué par Thomas Tuchel contre Montpellier est logique et Mbappé doit le comprendre, au vu des échéances qui attendent le PSG dans les prochaines semaines. Gêné en début de saison par des blessures, il se sent à présent en pleine possession de ses moyens physiques. Il est donc logique de comprendre que Mbappé, compétiteur né, puisse faire part de sa frustration dans ce genre de rencontres où il pourrait briller encore quelques minutes de plus. D'autant plus lorsque l'attaquant parisien n'est pas satisfait de sa performance.
Ce geste d'agacement, déjà perçu contre Nantes et à Montpellier en décembre dernier, n'est donc pas l'apanage d'un enfant pourri gâté, mais d'un gamin ambitieux qui ne se fixe aucune limite, quitte à irriter les spectateurs et, parfois, son entraîneur. La problématique serait différente si Mbappé se montrait individualiste, que ses performances étaient médiocres et que son comportement sur le terrain n'était pas irréprochable. Davantage sollicité défensivement depuis plusieurs semaines, le champion du monde français se met bel et bien au diapason de l'équipe comme tous ses coéquipiers.
Mais que les personnes qui s’inquiéteraient de voir Mbappé développer un "boulard" incommensurable se rassurent, ce genre d'événements n'est pas inhérent au PSG ou aux prodiges français. Le Borussia Dortmund, futur adversaire du club de la capitale en Ligue des champions, a connu le même genre d'événements ce week-end lors de la large victoire contre l'Union Berlin (5-0). Achraf Hakimi, jeune latéral de 21 ans, et Marco Reus, attaquant ô combien expérimenté de 30 ans, ont tous les deux fait part de leur exaspération à leur sortie. Le deuxième, buteur sur penalty mais frustré par sa prestation, a même jeté son brassard de capitaine au sol. "Ce n'est pas une mauvaise chose si les joueurs sont en colère", a désamorcé Michael Zorc, le directeur sportif du club, après la rencontre. Ce genre de comportement, qui ne doit évidemment pas devenir récurrent, n'est peut-être donc pas un problème de maturité, mais davantage une question d'exigence.
Éric Roy : "L'attitude est condamnable même si la déception peut se comprendre"
Je pense qu’on en fait beaucoup avec toute cette histoire. Malheureusement, ce genre d’attitude est devenu quelque chose de courant sur les terrains de football. On voit des joueurs mécontents de devoir sortir tous les week-ends, et parce que c’est Kylian Mbappé, cela prend des proportions démesurées selon moi. Son attitude est évidemment condamnable. Il n’avait pas à réagir comme cela même si sa déception peut s'entendre, plus difficilement se comprendre. Mbappé est un joueur exceptionnel de par sa jeunesse, son talent, sa précocité, et j’aurais aimé qu’il le soit aussi dans ce genre de situations, c’est-à-dire qu’il se différencie des autres en agissant différemment, et en ne manifestant pas sa frustration comme il a pu le faire.
Loin de moi l’idée de donner des conseils à Thomas Tuchel, je ne me le permettrai pas mais je pense qu’il n’aurait certainement pas dû parler tout de suite à son joueur, aux yeux de tous. Il aurait pu attendre que l’équipe soit rentrée aux vestiaires pour lui expliquer son choix et la polémique aurait sans doute été moindre. Dans tous les cas, quelque soit la décision prise, les joueurs doivent bien avoir conscience que c’est toujours le coach qui a raison. C’est lui qui a le dernier mot et qui donne des consignes qui doivent être respectées.
Donc oui, l’attitude de Kylian Mbappé est condamnable mais encore une fois, je crois que cela ne révèle en rien un mal-être ou une jalousie entre coéquipiers. Il ne faut pas créer des polémiques là où il n’y en a pas. De grosses échéances approchent pour Paris et le club doit rester une famille dans ces moments-là. Les joueurs doivent être soudés et je ne crois pas que le comportement du Français ce week-end soit révélateur de tensions ou même de crise comme on peut le dire.
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