Droits TV: Canal + conteste la LFP
Canal + est en colère. En concurrence avec BeIn Sport pour l'obtention des droits de rediffusion du football français depuis l'émergence du média qatari en 2012, la chaîne cryptée conteste la décision surprise de la LFP de lancer l'appel d'offres pour les droits TV sur la période 2016-2020 le 4 avril prochain, soit un an plus tôt que prévu. La filiale de Vivendi a donc lancé deux procédures mardi pour retarder l'échéance et avoir le temps de défendre son dossier. D'abord une demande de référé déposée devant le TGI de Paris pour suspendre l'appel d'offres, avec une audience le 24 mars, et d'autre part une saisine de l'Autorité de la Concurrence. Son argument? Une distorsion de concurrence entre elle et la chaîne qatarie, financée par le fonds souverain du Qatar, aux ressources considérables.
L'avenir de Canal + dépend du foot
Canal+ détient actuellement les droits exclusifs de diffusion en direct des deux meilleurs matches de chacune des 38 journées du championnat de L1, jusqu'en 2016. Elle avait acquis ces droits en 2011 pour 420 millions d'euros. BeIn Sports avait acquis ceux du troisième choix de match et d'un lot de rencontres moins prestigieuses, pour 150 millions. Canal craint que si le 4 avril BeIn Sports rafle tous les matches de L1, un amateur de football hésitera à s'abonner, avec l'impression, deux ans à l'avance, que tout se passera sur les fréquences de sa concurrente.
La chaîne trentenaire veut donc avoir le temps de convaincre les autorités du football de ne pas vendre tous les droits à sa jeune rivale. Si Canal+ disparaissait, BeIn, seul acquéreur possible, pourrait réduire ses offres à l'avenir, une menace pour tous les clubs français, largement financés par les droits télés, fait notamment valoir la chaîne cryptée. Alors que la Ligue veut voir monter les enchères, les droits des matches de L1 avaient été vendus en 2011 à Canal+ et BeIn Sports pour 2012-2016, pour un total de 607 millions d'euros, contre 668 millions pour 2008-12. Face à cette levée de bouclier, le patron de la LFP Frédéric Thiriez a fait état de sa détermination à mener l'appel d'offres comme il l'entend. "Aucune disposition n'interdisait à la Ligue d'avancer le lancement de l'appel d'offres." En outre, le dirigeant à la moustache n'a pas manqué d'égratigner Canal + "qui multiplie les procédures judiciaires depuis plusieurs années contre tous les acteurs de l'audiovisuel ou du marché des droits sportifs".
Thiriez: "La LFP est sereine et déterminée"
Face à ce comportement, Thiriez assure que les "services" (juridiques) et "conseils" (avocats) de la LFP sont "parfaitement sereins et déterminés". Le patron du football professionnel français a également expliqué cette modification du calendrier pour l'obtention des droits de rediffusion de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Le foot pro français "a décidé unanimement, dans un contexte économique difficile pour nos clubs, de lancer cet appel à candidatures vital pour son avenir" pour combler un "retard en matière de droits audiovisuels par rapport aux autres pays européens", ajoute encore le dirigeant. Et de conclure sur l'enjeu "d'améliorer la compétitivité de notre football et d'offrir le meilleur spectacle possible".
Cette décision subite des autorités du foot ressemble à celle de leurs cousines du rugby. En janvier, la LNR a rompu son accord historique avec Canal+ et relancé un appel d'offres. Au dernier moment, elle a repris des négociations de gré à gré avec Canal+ et lui a vendu les droits pour 5 saisons, pour 355 millions d'euros, soit 71 millions par saison, contre 31 millions jusque-là. En rétorsion aux actions intentés par Canal + concernant le football, BeIn a annoncé avoir saisi l'Autorité de la concurrence contre ces conditions d'attribution. Une autre bataille se prépare sur les droits de la Ligue des champions et de l'Europa League, également prévus pour début avril. Canal+ est de plus en plus concurrencé par BeIn, qui a déjà séduit 1,7 million d'abonnés. La filiale de Vivendi lui a réclamé en justice près de 300 millions d'euros pour concurrence déloyale et perte d'abonnés. Avant ces combats acharnés sur le foot et le rugby, deux sports d'importance dans la grille de Canal +, la chaîne cryptée avait cédé ses droits sur une partie du tennis, le handball, l'Euroligue et la NBA. La lutte acharnée entre les deux mastodontes du sport dans le paysage audiovisuel français ne fait que commencer.
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