Foot : la Ligue 1 prend-elle enfin au sérieux la Coupe de France ?
Contrairement aux hécatombes des années précédentes, les clubs de l'élite ne sont (presque) pas tombés dans le piège des clubs amateurs.
"C'est un scénario classique d'un 32e de finale de la Coupe France", a déclaré l'entraîneur de Lorient Christian Gourcuff, après l'élimination de son équipe de Ligue 1 sur la pelouse d'Yzeure (Allier), équipe amateur évoluant trois divisions plus bas, samedi 4 janvier. Pourtant, son cas est une exception, et les 32es de finale de Coupe de France ne sont plus vraiment un coupe-gorge pour les clubs de l'élite.
Les entraîneurs utilisent moins d'excuses bidons
Il n'y a pas que les politiques qui se préparent des éléments de langage. Les entraîneurs des clubs de L1 surpris en Coupe de France aussi, à l'image de Christian Gourcuff. Mais le disque commence à se rayer, tant ces arguments sont usés.
- Les terrains, souvent qualifiés de champs de patates mal entretenus éclairés par des projecteurs défaillants : "Vu la mauvaise qualité du terrain et la circulation du ballon, je ne peux pas en vouloir aux joueurs", se défendait ainsi Rémi Garde, entraîneur de Lyon, après l'élimination de son club à Epinal (CFA) en janvier 2013.
- Le froid, et oui, c'est la tradition, les 32es de finale de la Coupe de France ont toujours lieu le premier week-end de janvier. Pablo Correa, coach de Nancy, après une élimination à Romorantin (Loir-et-Cher) en 2009 : "Il faudra qu'on m'explique comment on peut programmer un match à 21 heures le 3 janvier." Parce qu'à Nancy, il ne fait pas froid à 21 heures de novembre à mars ?
- La règle de l'inversion du tirage au sort, à savoir qu'un club ne peut pas recevoir une équipe située deux divisions au-dessous de lui. Cette règle a mis hors de lui Guy Roux pendant vingt ans... mais perdure.
- Le "on n'est pas les premiers", refrain entonné par l'ex-entraîneur d'Auxerre Jean Fernandez, après une défaite surprise à Wasquehal (Nord) un soir de janvier 2011 : "un 32e de finale de Coupe de France est toujours un match piège pour une équipe de Ligue 1. On n'est pas les premiers à tomber face à une équipe de CFA2." Christian Gourcuff a précisément choisi ce thème après l'élimination face à Yzeure (Allier).
- L'argument des échéances plus importantes à préparer. "Je n'ai pas pu aligner la vraie équipe parce que les échéances sont proches et qu'on a déjà un gros match qui nous attend à Marseille, mercredi, en Coupe de la Ligue", s'est défendu Rudi Garcia après une défaite à Colmar en 2010.
- Sans oublier le "c'est la faute aux médias", argument avancé en 2011 par l'entraîneur de Monaco de l'époque, Guy Lacombe, après une défaite à Chambéry (CFA) : "On va vers une dérive populiste. Les médias sont là, donc il faut que les petits passent."
2013 est le meilleur cru pour la L1 depuis des lustres
Chiffres à l'appui, le record d'écrémage des clubs de Ligue 1 en 32e de finale de la Coupe de France a été établi en 2011, avec dix clubs boutés hors de la compétition dès leur entrée en lice. Mais beaucoup d'éliminations étaient dues à des rencontres entre clubs de L1. Les clubs de l'élite ont tendance à moins se faire surprendre par des équipes amateurs ces dernières années. Lorient a certes chuté à Yzeure en 2014, Lyon aux tirs au but face à Epinal en 2013, mais aucune équipe de l'élite n'est tombée en 2011-2012. Il faut remonter à 2003 pour trouver trace d'une hécatombe, une vraie. Avec trois équipes de l'élite au tapis, Strasbourg, Troyes et le champion de France en titre Lyon, tous sortis par des amateurs.
La Coupe est redevenue un objectif
De l'histoire ancienne ? Depuis quelques années, on sent que les clubs de L1 ont décidé de traiter leur adversaire, amateur ou pas, comme si c'était un autre club de l'élite. Avant son match contre Romorantin, l'entraîneur toulousain, Alain Casanova, s'est livré à une analyse détaillée de son adversaire, qui évolue en CFA. Une analyse qui a payé, puisque les Violets ont inscrit le but de la victoire à la 94e minute sur coup de pied arrêté. Même Claudio Ranieri, l'actuel entraîneur monégasque, a disserté sur le 4-1-4-1 "plutôt défensif" adopté par Vannes, l'adversaire d'un soir, évoluant en National (3e division).
Ainsi, la trêve pour les joueurs pros n'a été que de courte durée. Seize des vingt clubs de L1 avaient repris au 1er janvier, note L'Equipe. A Nantes, on avait donné des instructions précises aux joueurs pour ne pas qu'ils se relâchent en s'empiffrant de dinde aux marrons à Noël : "La trêve a été courte. Chacun avait le même programme de course avec du gainage et du renforcement musculaire, explique l'entraîneur Michel Der Zakarian, cité par Ouest Médias. Nous sommes sur une mini-préparation pour la Coupe de France."
Pour beaucoup de clubs, la Coupe de France est (re)devenue un objectif depuis que les deux places directement qualificatives pour la Ligue des champions sont amenées à être trustées par le PSG et Monaco. Manque de chance, le PSG veut lui aussi garnir son armoire à trophées : "Notre ambition, cette année, est de gagner le championnat et l'une des coupes", affirme Nasser Al-Khelaïfi, le président du club.
Peut-être même qu'un jour, la Coupe de France ressemblera à la FA Cup anglaise. La dernière fois qu'une équipe évoluant sous la 2e division y a sorti un club de l'élite, c'était en... 1989.
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