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La famille Anigo, une histoire marseillaise

PORTRAIT | Au lendemain du meurtre d'Adrien Anigo, le fils du puissant directeur sportif de l'Olympique de Marseille, cette famille marseillaise "pur jus" revient une énième fois sous les feux de l'actualité. Souvent brocardé pour ses présumés liens avec le milieu du grand banditisme, José Anigo a toujours qualifié les "on dit" de rumeurs diffamatoires. Pour lui, comme il l'a un jour résumé dans un entretien au Journal du Dimanche, "Marseille est une ville qui mange ses enfants".
Article rédigé par franceinfo
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  (Karine Villalonga SIPA)

Il reste peu de temps avant que l'horloge n'affiche 16 heures, en ce jeudi après-midi embouteillé dans le XIIIe arrondissement de Marseille. Quand tout à coup, deux hommes circulant à moto tirent plusieurs balles à travers la vitre d'une Twingo noire, arrêtée sous la station de métro Frais-Vallon, tout proche de la cité du même nom. Le conducteur est touché. C'est le 15e règlement de comptes depuis le début de l'année à Marseille. 

Les nombreux passants qui se penchent pour apercevoir la scène entendent bientôt une rumeur, finalement confirmée : la victime de ce règlement de comptes n'est autre qu'Adrien Anigo. Un nom connu à Marseille : le jeune homme de trente ans était le fils de José, le directeur sportif de l'Olympique de Marseille. 

Les "braqueurs à la masse"

À Marseille, quiconque s'intéresse de près ou de loin à l'actualité de l'OM, connaît l'histoire d'Adrien Anigo. Tout commence à l'automne 2006, par un braquage commis au bureau de poste des Milles, près d'Aix-en-Provence. En remontant la piste des malfaiteurs, les enquêteurs découvrent que la voiture utilisée a été louée par le fils de celui qui vient alors d'être nommé directeur sportif de l'OM.

S'ensuivent pas moins de douze braquages de bijouteries dans la région marseillaise, pour un butin dépassant le million d'euros. La bande des "braqueurs à la masse" - réputés pour détruire violemment les vitrines des magasins dévalisés - est démantelée en mars 2007, quatre hommes sont incarcérés, dont Adrien Anigo.

Trois ans plus tard, le fils aîné de José Anigo est relâché, pour vice de procédure ; il devait passer devant la cour d'assises en mars 2014. Apparemment rangé, le père de famille - marié, deux enfants - avait ouvert une boutique de sport à Marseille. Son assassinat pose à nouveau beaucoup de questions sur une famille au centre de toutes les rumeurs.

José de Consolat

La figure paternelle, José Anigo, a toujours revendiqué ses origines modestes, ouvrières, son enfance passée dans la cité de Consolat avec ses parents, ses six frères et soeurs, et ses amis. Parmi eux, une figure du "Milieu" marseillais, Richard Deruda, avec lequel il passe ses journées à l'école, et dans la rue. Le même Richard Deruda qui, des années plus tard, alors qu'Anigo est au centre du jeu à l'OM, tentera de lui imposer son fils Thomas, footballeur, certains diront sous la contrainte.

Selon Jérôme Pierrat, journaliste et écrivain spécialiste du crime organisé, les relations d'enfance de José Anigo "ne font pas de lui un voyou ", mais il estime qu'"on peut croiser les voyous marseillais si on les cherche bien ".

Lors d'une interview accordée au Journal du Dimanche fin 2011, José Anigo ne renie d'ailleurs rien de son passé, écartant les rumeurs sur son compte qui courent du Vieux-Port à L'Estaque, lâchant cette phrase prémonitoire : "Marseille est une ville qui mange ses enfants ".

"Minot" puis numéro deux à l'OM

L'histoire personnelle de José Anigo est entremêlée avec celle de son club, l'Olympique de Marseille, où il entre en formation à l'âge de quinze ans. Il participera en 1984 à la remontée du club en Première division, après ce qu'il est de coutume aujourd'hui d'appeler l'épopée des "minots", une équipe constituée uniquement de jeunes joueurs formés au club.

Deux fois, il cède à l'appel du banc au début des années 2000. En 2004, il emmène - bien aidé par les exploits de Didier Drogba - l'OM en finale de la Coupe de l'UEFA, perdue face à Valence. En 2006, il devient directeur sportif, chargé notamment des transferts, un poste qu'il occupe toujours aujourd'hui et qui lui vaut du côté des supporters une image entre amour et haine, alimentée par des rumeurs insistantes sur ses rapports avec le milieu et la porosité supposée des murs du club aux intrigues des bandits marseillais.

Côté judiciaire, José Anigo a été mis sur écoutes - dont le contenu, démenti par le club, a été rendu public par RMC Info - mais il n'a jamais été condamné dans une seule affaire.

Non sans malice, toujours dans cet entretien accordé au JDD en 2011, José Anigo avait révélé que l'un de ses fils officiait au sein... de la police municipale.

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