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La Coupe de France, une tradition présidentielle

Depuis sa création pendant la Première Guerre mondiale, la Coupe de France a toujours eu les faveurs des politiques, en particulier du chef de l'Etat. Retour sur une compétition où il faut être vu et se faire voir.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nicolas Sarkozy, entre Jean-Pierre Escalettes, alors président de la FFF, et Roselyne Bachelot, ex-ministre des Sports, lors de la finale de la Coupe de France Guingamp-Rennes, en mai 2009. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

La tribune présidentielle du Stade de France aura rarement aussi bien porté son nom samedi 28 avril, puisque les deux finalistes de l'élection suprême y prendront place vers 20h30, pour assister à la finale de la Coupe de France, qui oppose Lyon à Quevilly. Nicolas Sarkozy a lourdement insisté la veille sur RTL sur la différence de statut entre les deux participants : "Je serai là en tant que président. Lui sera là en tant que spectateur. Je dis ça sans arrogance." François Hollande ne cache pas qu'il soutiendra l'US Quevilly, équipe de sa région : "Quevilly, c'est une histoire qui me parle."

Retour sur une compétition qui a toujours fait partie du paysage politique français, au même titre que le 14 juillet ou le 8 mai. 

La compétition favorite des présidents

La Coupe de France a été créée pendant la Première Guerre mondiale, en mémoire de Charles Simon, qui dirigeait l'ancêtre de la Fédération française de football, tombé au champ d'honneur. Calquée sur le modèle de la FA Cup anglaise, elle devient rapidement une institution républicaine. Le président y assiste depuis 85 ans, un record puisque même le Tour de France, épreuve la plus populaire dans les années 1920-60, n'a pas cet honneur.

En 1927, la finale opposait l'Olympique de Marseille… à l'US Quevilly (3-0) en présence de Gaston Doumergue, locataire de l'Elysée. "Le président qui se fait présenter les joueurs sur le terrain avant de remettre la Coupe au capitaine de l’équipe victorieuse rend donc hommage à ces vertus. Tout en donnant un lustre officiel à une épreuve qui était aussi la vache à lait de la fédération", écrit l'historien du football Paul Dietschy sur son blog. Le journal L'Auto, ancêtre de L'Equipe, écrivait dans son édition du lendemain une supplique à ce chef d'Etat qui daignait s'intéresser au sport : "Revenez nous voir, Monsieur le Président". Il tiendra parole.

Autant la finale du championnat de France de rugby ne concerne, grosso modo, que le Sud-Ouest, autant la finale de Roland-Garros dégage un parfum chic assez éloigné des préoccupations populaires, autant la Coupe de France, elle, résout l'équation sport populaire + terroir + méritocratie. Pas étonnant qu'on s'y bouscule.

De Gaulle et Sarkozy, les rebelles

Tous les présidents français ont brillé par leur présence à Colombes, au Parc des Princes puis au Stade de France. Le Général de Gaulle n'était pas toujours au rendez-vous, mais quand il venait, il arrivait même à toucher le ballon pendant le match, comme en 1967 avec un renvoi devenu légendaire (voir la vidéo sur le site de l'INA). Retour en arrière en images.

Nicolas Sarkozy n'a pas dérogé à la tradition, même s'il s'en est fallu de peu. Le président de la République, annoncé absent de la finale 100% bretonne opposant Guingamp à Rennes, en 2009, avait finalement réussi à se libérer in extremis, entre une célébration du 8 mai dans le Var et une réunion avec Angela Merkel le lendemain matin. "C'était important pour moi d'être là", explique-t-il au Télégramme de Brest.

Mais le quotidien breton ne manque pas de relever que Sarkozy a esquivé le protocole en n'allant pas saluer les joueurs avant le coup d'envoi. De peur d'être sifflé "parce qu'il avait été désagréable à l'égard de la Bretagne durant la campagne présidentielle ?", se demande la députée socialiste Marylise Lebranchu. Sur son blog, Jean-Michel Aphatie note que jamais il n'apparaît à l'écran. "De peur d'être sifflé ?", s'interroge aussi l'éditorialiste de RTL.

Les politiques votent Quevilly

Aucune personnalité politique ne s'est affichée en faveur de Lyon, hormis son maire, Gérard Collomb. François Hollande a affirmé son soutien à Quevilly, Nicolas Sarkozy s'est drapé dans la neutralité que lui confère sa fonction. Le Front national, lui, a carrément trouvé des similitudes entre son programme qui exalte la France des invisibles et l'épopée des joueurs amateurs.

Le parti s'est fendu d'un communiqué sur le club normand juste après sa qualification en demi-finale, tandis que le candidat FN aux législatives dans la ville y va de couplets anti-puissants : "Loin du football business et des salaires indécents, les joueurs de Quevilly, entourés de dizaines de bénévoles, démontrent que les petits clubs peuvent faire jeu égal, voire être victorieux face aux multinationales du football français, bien souvent financées par des intérêts étrangers !" Comme le note Rue89, l'épopée de Calais en 2000 avait déjà déchaîné l'enthousiasme de Jean-Yves Le Gallou, un proche de Bruno Mégret, l'ancien délégué du FN : "La France réelle, c’est la petite équipe de football de Calais qui met en échec les grands clubs de mercenaires multicolores."

Vivement le second tour, pardon, la finale !

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