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"L'OM n'est pas un club ingérable, mais…"

David Garcia, auteur de "L'histoire secrète de l'OM", revient sur quinze ans de coups tordus dans les coulisses du club phocéen. 

Article rédigé par Pierre Godon - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'attaquant de l'OM André-Pierre Gignac fête son but lors d'un match contre Troyes, le 3 mars 2013.  (VILLALONGA KARINE/SIPA)

"L'OM, c'est le concentré de toutes les dérives du foot-business." Voilà ce que répond David Garcia, journaliste et auteur de L'histoire secrète de l'OM (Flammarion, 2013), quand on lui demande pourquoi il a écrit ce livre, qui fourmille d'informations sur les coulisses tumultueuses du club préféré des Français. Entrons dans le détail.

Votre livre décrit quinze ans de coups tordus sous la présidence de Robert Louis-Dreyfus, avec des batailles en coulisses, des dirigeants qui conspirent les uns contre les autres, des millions de rétrocommissions de transferts qui se baladent dans la nature et des parrains mafieux qui gravitent autour du club… Comment en est-on arrivé là ?

Dès que Robert Louis-Dreyfus rachète le club, en 1996, il prend une série de mauvaises décisions, que le l'OM paie encore aujourd'hui. L'entraîneur Rolland Courbis met en place un véritable "système" – c'est le mot du procureur pendant le procès des comptes du club – avec les commissions sur les transferts, et l'entrée des parrains à la Commanderie, le siège du club. Il s'est ingénié à monter les hommes les uns contre les autres. Dans une interview surréaliste à France Football, en 2002, il explique avoir nommé Bernard Tapie, en charge du sportif, et Pierre Dubiton, en charge du financier, des personnalités antinomiques, pour se débarrasser des deux ! Mais ce qui marche dans le milieu policé du marketing, où on prend son chèque quand on s'en va, ne fonctionne pas dans le foot. Surtout au sein d'un club aussi volcanique que l'OM.

Comment s'en sort le président actuel, Vincent Labrune, selon vous ?

Les choses vont bien mieux en terme de management. Le montant des transferts a été divisé par quatre, par exemple. Le recrutement de l'entraîneur, Elie Baup, a été une excellente idée, et en terme de retour sur investissement, finir deuxième du championnat est exceptionnel. Mais Vincent Labrune a refusé d'assainir l'environnement du club. Il a peur. Peur de José Anigo, l'omniprésent directeur sportif du club, peur des supporters, peur de la mafia. Il ne le cache pas. 

Il a pourtant survécu à tous les présidents de l'OM. C'est un vrai animal politique, José Anigo ?

Je ne le diabolise pas. Il a beaucoup plus de substance que Labrune. Il n'est pas responsable de tous les tracas du club. Ce sont les gens au-dessus de lui qui sont responsables. Il a failli être viré à deux reprises, mais Pape Diouf [président de l'OM entre 2005 et 2009] l'a sauvé. José Anigo a pour lui sa "marseillitude" – comme s'il fallait être nantais pour gérer le FC Nantes. C'est une caricature. Jusqu'à preuve du contraire, celui qui a réussi à l'OM était un Parisien, un petit gars de Ménilmontant : Bernard Tapie [la première époque Tapie, entre 1986 et 1994, a été couronnée de succès sur le plan sportif, mais s'est terminée par une relégation administrative après l'affaire OM-VA]. Au crédit d'Anigo, il y a le recrutement de Valbuena, le meilleur joueur de L1, pour une bouchée de pain. D'un autre côté, il rend le climat délétère, notamment à la fin du règne de Didier Deschamps. Il est très lié aux journalistes et aux groupes de supporters.

Qu'est-ce qui manque à l'OM ? Un président à poigne ?

Ce qu'a dit Bernard Tapie récemment est juste : il faut un actionnaire présent. A Lyon, ça marche, car Jean-Michel Aulas ne gère pas le club depuis les Etats-Unis en accordant une interview aux Echos tous les trois mois. Ce qui ne fonctionnait pas avec Robert Louis-Dreyfus, ce qui ne fonctionne pas avec sa femme, Margarita, c'est qu'ils gèrent le club de loin. En plus, celle-ci ne cache pas qu'elle n'aime pas l'OM plus que ça, qu'elle fait ça pour ses enfants, tant que ça ne lui coûte pas trop cher. Ça manque d'ambition. Le club est quand même à vendre depuis 2006. Avec les travaux du Vélodrome, il paraît peu probable qu'un repreneur se manifeste avant 2014. L'image de Marseille peut faire peur aux investisseurs. Pourtant, on est très loin des imperméables et des borsalinos. L'OM n'est pas un club ingérable, mais difficile à gérer. Ce n'est pas tout à fait la même chose.

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