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Foot : guide à l'usage des présidents pour virer leur entraîneur

Après Sochaux et Valenciennes, c'est au tour d'Ajaccio de se séparer de son technicien, Fabrizio Ravanelli. Mais comment les présidents de club se décident-ils ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
L'ex-entraîneur de l'AC Ajaccio, Fabrizio Ravanelli, remercié au soir de la 12e journée, le 2 novembre 2013.  (PASCAL POCHARD CASABIANCA / AFP)

"Un entraîneur ne pose jamais tous ses bagages quand il arrive. Il vient avec seulement un pantalon et une chemise." C'est le conseil de base pour les entraîneurs... au Burkina Faso. Mais il pourrait aussi s'appliquer à la Ligue 1. Les trois derniers du classement, Sochaux, Valenciennes et Ajaccio, ont déjà remercié leur entraîneur après la 12e journée. Le dernier en date, c'est celui d'Ajaccio, Fabrizio Ravanelli, éconduit samedi 2 novembre après une nouvelle défaite. Essayons de nous mettre à la place des présidents, qui ont le licenciement facile...

Faut-il virer l'entraîneur ?

Il est loin le temps où l'entraîneur et le président étaient dans le même bateau toute la saison. "Plutôt que de vrais patrons d'entreprise, les présidents de clubs sont devenus des directeurs généraux que les mauvais résultats fragilisent aussi", remarquait déjà en 2000 Claude Le Roy, entraîneur remercié de Strasbourg, dans L'Humanité. Rares sont ceux qui sont propriétaires de leur club, l'heure est aux gestionnaires. Et ces derniers ont la gâchette facile. Plusieurs études, dont celle de l'universitaire britannique Chris Hope, montrent qu'une série de cinq mauvais matchs est fatale à un entraîneur fragilisé. Dans le cas de Ravanelli, une petite embellie (victoire contre Lyon, nul contre Montpellier) a précédé une série de cinq défaites. 

Et pourtant, des études statistiques menées en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas, en France et en Espagne montrent qu'il n'en est rien. Après une rapide embellie en terme de points et de buts marqués, on retombe à la même moyenne de points. "Une baisse à court terme des performances n'est pas une bonne raison pour virer son entraîneur", tranche David Sally, auteur du livre The Numbers Game, sur la BBC. D'autant plus que le pompier de service - l'entraîneur remplaçant - n'a qu'une durée de vie moyenne de 39 matchs sur le banc en Ligue 1, note Sport24.com. Soit une saison, avant d'être remercié à nouveau... parce que le club se retrouve encore dans une situation difficile.

Quand trancher ?

Question stratégique s'il en est. Remercier son entraîneur tôt, c'est se rendre compte rapidement que la saison va être difficile. Le gros des licenciements a lieu au cœur de l'hiver, à la mi-saison, quand la situation n'est pas encore tout à faire irrécupérable.

Sur les cinq dernières années, 50% des changements d'entraîneurs ont permis de sauver l'équipe. Mais ce n'est pas forcément ceux qui sont intervenus très tôt dans la saison qui ont porté leurs fruits. Ainsi Evian-Thonon-Gaillard a remercié son entraîneur, Bernard Casoni, dès la 4e journée en 2012-13, pour une opération maintien réussie. Mais Arles-Avignon, lors de son bref passage dans l'élite, avait changé d'entraîneur et de président avant la fin du mois d'août, pour un exercice catastrophique (20e et dernier). 

Comment procéder ?

Dans le cas de l'AC Ajaccio, plusieurs médias se sont fait l'écho de conversations entre le président du club, Alain Orsoni, et des joueurs cadres. Ces derniers expliquaient ne pas comprendre les méthodes de leur entraîneur. Bien souvent, les joueurs sont les premiers informés du sort du coach, qui est quand même leur patron. Le Daily Mail (en anglais) racontait en juin dernier la fin de règne pénible de Roberto Mancini, ex-entraîneur de Manchester City. Une majorité du vestiaire était impatiente de le voir partir. Un international anglais annonce à quelques journées de la fin du championnat, dans le vestiaire, à la cantonade, que l'entraîneur sera démis de ses fonctions le soir-même. Il n'en est rien. Intrigués, les joueurs se renseignent auprès des journalistes : "Peut-on mettre le champagne au frais ?", envoie l'un d'eux par SMS à un journaliste quelques jours plus tard. Oui, malgré une saison décevante, le départ de l'entraîneur se fête au champagne...

Combien ça coûte ?

Cher. La convention collective des entraîneurs français prévoit le versement des salaires prévus jusqu'à la fin du contrat. Pour Fabrizio Ravanelli, compter 22 000 euros mensuels jusqu'à juin 2015, soit 440 000 euros. Le président de l'ACA compte négocier avec l'entraîneur italien, et a fait ses comptes : "Si on descend en Ligue 2, c'est une perte de 14 millions d'euros", dit-il au Point. Les 14 millions représentent le manque à gagner en billetterie et en droits télé d'une éventuelle descente.

Peut-on pour autant parler de calcul rationnel ? Parfois, la séparation se passe plus mal. Le divorce entre Claude Puel, remercié en juin 2012 de l'Olympique lyonnais, est toujours entre les mains des prud'hommes. L'actuel coach de Nice réclame 6 millions d'euros d'indemnités. 

Une fois qu'il a pesé le pour et le contre, le président tranche. Conséquence : les 20 entraîneurs de Ligue 1 sont en poste, en moyenne, depuis moins de deux ans.

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