Evra, Cantona, Maradona : quand les footballeurs s'attaquent à la presse
Outre l'altercation verbale, des sportifs se sont risqués au boycott pur et simple, voire aux coups de fusil ou au passage à tabac.
Patrice Evra a déclenché une polémique dont l'équipe de France se serait bien passée, dimanche 20 octobre dans l'émission "Téléfoot". L'arrière gauche de Manchester United a réglé ses comptes avec plusieurs consultants, les affublant de surnoms ridicules et remettant en cause leur compétence. "Je peux comprendre sur le fond – on voit que c'est quelqu'un qui est à bout – mais c'est un problème de personne", a estimé Didier Deschamps sur Canal +. "Je suis désolé qu'il ait pu tenir de tels propos. Tout au plus, il aurait pu le penser, mais le dire..." Avant lui, d'autres footballeurs ont manifesté leur mécontentement vis-à-vis de la presse.
Le passage à tabac
Des joueurs de l'équipe nationale qui passent à tabac un journaliste "coupable" de les avoir mal notés ? C'est arrivé au Liberia, où le capitaine, le gardien de but et l'attaquant des Lone Stars ont roué de coups un journaliste, élu meilleur reporter sportif du pays l'année précédente. L'homme a été hospitalisé. "On voulait le tuer. Il a eu de la chance. Qu'il continue à écrire toutes sortes de choses sur nous. On le tabassera. Ce n'est que le début", ont insisté les trois complices dans un grand éclat de rire, rapporte le site Liberian Soccer (en anglais). Le joueur Francis "Grandpa" Doe n'en était pas à son coup d'essai : quelques mois plus tôt, il avait fracassé la caméra d'un journaliste d'Africa Frontpage sous le nez du président de la fédération libérienne – qui n'avait pas bronché, note IMS Soccer News (en anglais).
Les coups de fusil
Diego Maradona a toujours entretenu des relations compliquées avec la presse. Quand il se qualifie pour le Mondial avec l'équipe argentine, fin 2009, il demande aux journalistes qui l'ont vivement critiqué de le "sucer profond", joignant le geste à la parole. En 1994, il avait une méthode encore plus expéditive pour se débarrasser d'eux. Abrité derrière sa rutilante Mercedes, il avait déchargé un fusil à air comprimé dans leur direction, blessant quatre personnes. Le tout en direct à la télévision, racontait le Los Angeles Times (en anglais). "El Pibe de Oro" fut condamné en première instance à deux ans de prison, après quatre ans de procédure.
"Ce cas exemplaire montre qu'il y a une justice, déclarait Daniel Talamoni, l'un des plaignants, à la BBC (en anglais). Quand l'instruction a commencé, il y a quatre ans, qui aurait cru qu'on condamnerait l'idole de l'Argentine ?" Sauf qu'après plusieurs appels, Diego Maradona réussit à échapper à la prison et se borne à verser 11 000 euros de dommages et intérêts aux journalistes.
Les phrases ésotériques
Eric Cantona a plus d'une fois perdu ses nerfs face à la presse, notamment dans une émission de 2001 où il lance un "je vous pisse au cul" à un journaliste de L'Equipe.
Mais le footballeur n'a jamais mieux manifesté son mépris envers les journalistes que lors d'une mémorable conférence de presse, après qu'il a frappé façon kung fu un supporter de Crystal Palace, un soir de janvier 1995 : "Quand les mouettes suivent un chalutier, c'est parce qu'elles pensent que des sardines vont être jetées à la mer."
Sous-entendu : les journalistes sont les mouettes, qui espèrent grappiller quelques sardines de l'international tricolore. Pour la petite histoire, Cantona a demandé au service de presse du club comment on disait "mouette" et "chalutier" dans la langue de Shakespeare juste avant de rentrer dans la salle. Et même si le chargé de communication de Manchester United fait les yeux ronds lorsque Cantona lâche sa tirade, il était parfaitement prévenu du coup d'éclat du sportif. L'intéressé reprendra d'ailleurs sa réplique dans une publicité pour l'un de ses sponsors, qui le dépeint en ermite amoureux des sardines et des mouettes. En revanche, "il ne parlera plus jamais à un journaliste lors de son séjour à United", note Philippe Auclair dans sa récente biographie, Cantona, le rebelle qui voulait être roi.
Le boycott
La plus longue bouderie de l'histoire du football est à mettre à l'actif de Sir Alex Ferguson, le légendaire entraîneur de Manchester United. Profondément vexé par une enquête de la BBC sur les pratiques des agents dans laquelle son fils Jason est mis en cause, il cesse d'adresser la parole à la télévision publique en 2004. C'est son entraîneur adjoint qui s'y colle. Ne pas se présenter aux médias est passible d'une amende en Angleterre : en cumulé, le club aura versé 100 000 livres sterling (118 000 euros, selon une estimation du Guardian britannique) pour la croisade de son entraîneur. Le boycott prend fin en août 2011, quand le directeur de la BBC fait le déplacement dans le nord de l'Angleterre pour négocier une trêve. Reste maintenant à Ferguson de négocier la paix avec Alan Green, le commentateur vedette de BBC Radio Five : leur différend remonte à il y a plus de vingt ans...
A leur décharge, les footballeurs n'ont pas toujours des questions formidablement intéressantes pour mettre en valeur leur sens de l'analyse. Comme cette interview de Thierry Henry en 2011, fraîchement arrivé à New York :
- "Nouveau déclic, nouvelle saison, nouveau look. Pourquoi cette barbe, Thierry ?
- C'est les questions que vous me posez, sérieux ? La saison va être longue..."
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