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Euro 2016 : "les fan zones" à l’épreuve de la menace terroriste

Un entraînement antiterroriste grandeur nature était organisé à Nîmes (Gard), à trois mois du début de la compétition en France. 

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les services de secours se déploient après la simulation d'explosion dans une "fan zone", recréée à Nîmes (Gard), le 17 mars 2016.  (SYLVAIN THOMAS / AFP)

Massée entre un camion à pizzas et une buvette, une foule de supporters compacte danse et entonne la Marseillaise, quand soudain... Une explosion, des cris, avant la panique. Ce scénario catastrophe, encore difficilement imaginable avant les attentats de 2015 à Paris, était, jeudi 17 mars, le point de départ d’un exercice exceptionnel organisé à l’école de police de Nîmes (Gard). Objectif : tester le dispositif de secours déployé autour des "fan zones", ces périmètres destinés à accueillir les supporters dans les dix villes hôtes lors de l'Euro 2016. A Marseille, par exemple, elle pourra accueillir jusqu'à 80 000 personnes sur la plage du Prado.

Pour incarner les supporters visés, près de 1 200 "plastrons", de futurs policiers en formation qui avaient laissé leurs uniformes aux vestiaires pour enfiler des maillots de foot et perruques colorées. Sous les yeux du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et de celui des Sports, Patrick Kanner, ils jouent le jeu et se précipitent sur les barrières encadrant cette "fan zone" fictive. Ceux en état de marcher sont évacués, les autres, gémissant à terre, sont immédiatement pris en charge par des équipes de la Croix-Rouge, avant d'être secondés par des pompiers ou des membres du Samu pendant que des démineurs sécurisent la zone.

Tester les secours et la chaîne de commandement

Car c'est là tout l'intérêt de cet entraînement : "Préparer et coordonner les services de secours pour faire face à toutes les menaces terroristes. Des premiers secours jusqu'aux hôpitaux", explique le commandant Gil Dopierala devant un portique de détection de matière radioactive. Au total, 700 acteurs opérationnels sont mobilisés sous le regard de 65 observateurs, qui débrieferont ensuite les manœuvresLe but étant également de tester en grandeur nature la chaîne de commandement.

Pourtant, un maillon essentiel de la chaîne manque à l'appel : les équipes de sécurité privées qui seront chargées de maintenir l'ordre au sein même de la zone durant toute la compétition, alors que les forces de l'ordre seront postées tout autour. "C'est aux municipalités de les choisir via des appels d'offres, nous n'intervenons pas dans leurs choix", se défend un responsable de l'entraînement. "Mais de toute manière, au moindre problème dans la fan zone, nous interviendrons. C'est ce à quoi nous travaillons aujourd'hui."

"Ce sera compliqué dans la chaleur de l'été"

La musique qui couvre depuis le début de l'opération le bruit des talkies-walkies s'arrête brutalement. "Gel du tableau 1", annonce une voix. L'exercice est à refaire, mais avec un changement dans le scénario : la propagation d'un faux produit chimique, "simulant une attaque au gaz sarin", explique un des coordinateurs de l'opération. Car la menace d'une bombe sale est prise très au sérieux. "Le principe de précaution est d'envisager toutes les hypothèses", avait rappelé le ministre de l'Intérieur juste avant le début de l'opération, faisant écho aux déclarations de Manuel Valls en novembre sur les menaces d'une attaque chimique qui pèsent sur la France.

Mais dans les rangs, pour certains, l'exercice est pénible. Peu habitués au port de la combinaison, des policiers râlent sous leurs masques à gaz. "C'est irrespirable et je ne vois rien avec la buée. Ce sera encore plus compliqué dans la chaleur de l'été", se lamente l'un d'eux, en cherchant désespérément de l'air frais. "Reprenez vos ceinturons !"A côté de lui, son supérieur est obligé de s'y reprendre à deux fois et d'élever la voix pour se faire entendre. "Ils n'entendent rien sous leur masque", note-t-il pour lui-même. 

Les gendarmes mobiles répètent eux aussi leurs gammes et passent à leur tour dans les différents sas de décontamination, sous les yeux de dizaines de journalistes. Certains sont étrangers, car chez nos voisins aussi la sécurité de cet Euro est dans toutes les têtes. Une équipe de la chaîne de télévision allemande ARD assiste aux manœuvres. "Évidemment que la sécurité préoccupe les Allemands, ça parasite l'événement, confirme la journaliste Kathrin Wildbagen, mais on ne va pas traiter que cela et oublier l'aspect festif de l'Euro."

  (SYLVAIN THOMAS / AFP)

La nuit tombe sur l'école de police et la sono, qui crachait de la musique techno, s'est tue. Sur la zone de l'explosion, quatre ombres scrutent le sol. En combinaisons jaune et bleu, ce sont des pompiers et des membres de l'unité Constox de la direction centrale de la police judiciaire. Des scientifiques qui ont pour mission de récolter les premiers indices dans cette zone contaminée. Un travail minutieux, scruté par deux autres silhouettes, en retrait derrières les grilles qui délimitent le périmètre. "Alors que l'exercice est terminé pour presque tout le monde, le nôtre commence", souligne Eric Arella, le directeur interrégional de la police judiciaire de Marseille. A ses côtés, Estelle Davet, chef du service central d'identité judiciaire. Ce sont ses hommes en combinaisons bleues. Combien sont-ils pour une mission de ce genre ? "C'est confidentiel", souffle-t-elle sans quitter des yeux le petit groupe. 

Un peu plus loin, une difficulté imprévue s'invite dans les discussions d'un groupe de CRS. "Je veux bien fouiller les rescapés avant de les libérer, mais il y a un tiers de femmes. Moi et mes hommes on n'est pas contre, mais ça va poser problème", s'amuse-t-il. Ils ont encore trois mois pour trouver une solution. 

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