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Euro 2016 : "Il faut aller brûler des cierges à Lourdes si on ne veut pas d'incidents" dans la "fan zone" de Paris

A la fin mai, le préfet de Paris envisageait de fermer le site les jours de matchs en Ile-de-France, pour éviter qu'elle devienne le lieu d'affrontements entre hooligans. Depuis, les effectifs policiers ont été renforcés.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Un agent de sécurité observe l'installation de la "fan zone" de Paris, sur le Champ-de-Mars, le 3 juin 2016. (ALAIN JOCARD / AFP)

Pas d'inquiétude, la "fan zone" de Paris ne sera pas fermée pendant l'Euro : c'est en substance le message envoyé par la préfecture de Paris, jeudi 2 juin. Dans son édition du même jour, Le Point révélait pourtant que le préfet de Paris n'a pas toujours été aussi confiant. Dans un courrier envoyé le 26 mai au ministre de l'Intérieur, le préfet, Michel Cadot, "propose de demander [cette fermeture] à la mairie de Paris", bien qu'il ait le dernier mot sur la question. Depuis, des effectifs supplémentaires ont été mis à sa disposition, et l'idée a été abandonnée. Pas suffisant, cependant, pour atténuer les craintes des policiers interrogés par francetv info.

L'alcool en vente libre, "une hérésie" pour SGP Police

Selon Libération, les sources d'inquiétude du préfet étaient nombreuses, et pas seulement liées au risque d'attentat qui pèse sur la compétition. Deux matchs focaliseraient des craintes d'affrontements entre hooligans : Turquie-Croatie, dimanche 12 juin à 15 heures au Parc des Princes, et Allemagne-Pologne, jeudi 16 juin à 21 heures au Stade de France, pour lequel la "fan zone" de Saint-Denis sera fermée mais pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la sécurité.

"Il suffit de repenser à la Coupe du monde. On sait que certaines équipes drainent un public alcoolisé à certains moments de la journée, et qu'il est difficile à gérer", constate Philippe Capon, du syndicat Unsa-Police. "Sur l'alcool, on est dans les contradictions les plus complètes", s'étonne-t-il : si, dans les stades, l'alcool restera interdit, il sera en vente libre dans les "fan zones". Un point relevé par le préfet de Paris dans son courrier. "C'est une hérésie, s'alarme Yves Lefebvre, du syndicat SGP Police. Le lobbying commercial de Carlsberg prend le pas sur la nécessité d’assurer la sécurité." La marque de bière danoise, sponsor de l'Euro, tiendra en effet un grand stand dans la "fan zone".

A Marseille, deux écrans pour séparer les supporters rivaux

La crainte des policiers, ce sont que des bagarres déclenchent des mouvements de foule. Le Champ-de-Mars pourra accueillir plus de 92 000 supporters, dont parfois des hooligans, et "il suffit d'une altercation pour déclencher une bagarre générale, s'inquiète Philippe Capon. Il faut aller brûler des cierges à Lourdes si on ne veut pas d'incidents." Marseille, qui accueille Pologne-Ukraine et Angleterre-Russie, a choisi d'installer deux écrans séparés pour éviter les mélanges explosifs de fans adverses. Mais à Paris, le préfet estime dans son courrier que "les supporters antagonistes de deux équipes pourront difficilement être sectorisés pour les éloigner les uns des autres".

Le hooliganisme n'est pas un problème nouveau pour la police française. Les forces de l'ordre y sont régulièrement confrontés lors des matchs de Coupe d'Europe. De plus, les policiers français seront épaulés, à l'occasion de cet Euro, par leurs homologues étrangers, chargés de les aider à repérer des éléments perturbateurs déjà connus dans leurs pays. Mais la "fan zone" pose des questions inédites. "Dans un stade, on peut faire en sorte de compartimenter, d'isoler des groupes, ce qui est plus difficile dans un lieu ouvert", explique Patrice Ribeiro, du syndicat policier Synergie.

Et si la police sécurisera les abords des "fan zones", ce seront des agents de sécurité, qui n'ont ni l'expérience du hooliganisme, ni de la gestion des mouvements de foule, qui s'occuperont de l'intérieur de ces sites, s'inquiète-t-il. Vendredi 3 mai, un nouvel acteur s'est joint au concert des critiques : le chef des urgences de l'hôpital Georges-Pompidou, le plus proche du Champ-de-Mars, qui assure, dans le Figaro, avoir appris l'existence de "fan zones" dans la presse. Il regrette notamment n'avoir "aucune information sur les moyens sanitaires mis en place dans la fan-zone pour éviter que toutes les blessures légères ne se pressent dans notre hôpital et ne le paralyse".

"Les effectifs supplémentaires, on les prend ailleurs"

Les objections des policiers dépassent la simple sécurité des matchs les plus à risque, et portent sur le principe même des "fan zones", qui représentent une charge supplémentaires pour les policiers. Déjà éprouvés par les manifestations contre la loi Travail, par le dispositif de sécurité lié à la menace terroriste, ou encore par l'encadrement de la "Jungle" de Calais, les forces de l'ordre sont "au bout du rouleau", estime Yves Lefebvre. "Si des effectifs supplémentaires ont été alloués à la 'fan zone' de Paris" pour calmer les craintes du préfet, "c’est qu’on les prend ailleurs", rappelle Patrice Ribeiro. D'autres missions de sécurité pourraient du coup en pâtir.

Pour autant, ces syndicalistes ne croient pas à la fermeture, même ponctuelle, de la "fan zone". "Je pense que ni le préfet, ni la maire de Paris n'ont la capacité de prendre cette décision, elle est entre les mains de l'Elysée ou Matignon, estime Yves Lefebvre. Les retombées financières étant ce qu'elles sont, j'imagine qu'elles prendront le pas sur la sécurité". 

Contactées, la mairie de Paris et la préfecture assurent que la question est réglée depuis que des renforts ont été alloués au préfet. Le ministère de l'Intérieur n'a pas, lui, répondu. Philippe Capon confie qu'il n'emmènera pas ses enfants dans la "fan zone" : "On fait la publicité d'endroits où les gens pensent pouvoir venir en sécurité. Mais je conseillerais de bien réfléchir avant d'y aller."

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