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Ces hommes de l'ombre qui peuvent faire gagner un Euro : le préparateur physique

En 2014, lors de la Coupe du monde, le Français Jean-Paul Ancian s'est chargé de remettre en forme les 23 Ivoiriens. Il nous explique comment aborder la préparation d'une grande compétition.

Article rédigé par Louis Boy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les joueurs de l'équipe de France à l'entraînement avant l'Euro, le 25 mai 2016, à Clairefontaine (Yvelines). (FRANCK FIFE / AFP)

Avec son doublé contre l'Irlande, dimanche 26 juin, Antoine Griezmann a véritablement lancé son Euro 2016. Mais longtemps, l'état de forme de l'attaquant de l'Atlético Madrid, auteur d'une saison en club éprouvante, qui s'est achevée par une défaite en finale de la Ligue des champions, a été scruté de près.

C'est le cas de tous les Bleus, mais particulièrement d'Antoine Griezmann. Dès les semaines qui précèdent un tournoi, la préparation physique est dans toutes les têtes : il faut ménager les plus fatigués, relancer ceux qui ont peu joué et laisser le temps de respirer à ceux qui ont joué parfois plus de 50 matchs dans l'année.

Si la France a eu beaucoup de temps pour récupérer entre ses matchs, disputer sept rencontres en quatre semaines n'est pas une mince affaire. Mais une bonne préparation et un bon suivi physique peuvent-ils vraiment faire gagner une compétition ? Comment s'y prendre ? Francetv info a interrogé le Français Jean-Paul Ancian, préparateur physique de la Côte d'Ivoire lors du Mondial 2014.

Son but : des joueurs tous au même niveau

Au départ d'une préparation, Jean-Paul Ancian a un objectif : "homogénéiser le plus possible le groupe, rapprocher les extrêmes". En 2014, il récupère ainsi son groupe de joueurs ivoiriens en deux fois, à cinq jours d'intervalle, plusieurs étant retenus par des échéances tardives. Certains, et pas seulement dans le deuxième wagon, arrivent "sur les rotules", épuisés par une longue saison, comme a pu l'être le Français Antoine Griezmann. L'attaquant madrilène a en effet joué plus de 60 matchs dans la saison.

Si les 23 Bleus pour l'Euro sont quasiment tous titulaires en club, certains Ivoiriens ont le problème inverse : ils n'ont pas assez joué et manquent de rythme. Le suivi des joueurs en amont et des tests médicaux parfois sophistiqués – la Côte d'Ivoire a utilisé des tests salivaires pour jauger la fatigue musculaire des joueurs – permettent de déterminer les besoins de chacun et les risques de blessures. Au coup d'envoi de la compétition, il faut que les 23 joueurs répondent présents en cas de besoin.

Pour y arriver, le travail est complètement personnalisé. Certains joueurs, qui ont surtout besoin de récupérer, échappent à une des deux séances d'entraînement par jour. Les exercices, choisis par le préparateur autant que par le sélectionneur, peuvent se concentrer sur des tâches spécifiques. "Un joueur qui joue sur le côté dans un 4-4-2, par exemple, va devoir attaquer et se replacer. Il faut qu'il soit capable d'enchaîner les efforts, donc s'il a du mal à récupérer, on va travailler la répétition des courses", explique Jean-Paul Ancian.

Pour ménager le mental des joueurs, Jean-Paul Ancian recommande aussi de varier les activités. "Un grand classique, c'est la sortie en vélo, fait-il remarquer. C'est une activité qui permet une respiration, elle a un côté ludique et en même temps on fait un effort nouveau." "On ne peut pas séparer la tête et les jambes", poursuit ce spécialiste de la sophrologie, qui vante les mérites de la méditation. Il s'agit aussi pour le préparateur physique d'être proche des joueurs, ce qui permet à l'entraîneur de garder de la distance avec eux, quand le préparateur devient leur confident. Chacun son rôle.

Son petit secret : des entraînements après les matchs

Dès que la compétition commence, l'état de forme des joueurs redevient un problème : il y a, d'un côté, ceux qui jouent 90 minutes tous les cinq jours et, de l'autre, ceux qui n'entreront peut-être jamais en jeu. En 2014, pour faire face à cette situation, la Côte d'Ivoire avait fait un choix étonnant : juste après les matchs, les joueurs partaient... à l'entraînement. "On organisait une séance de 30 minutes, pour tous ceux qui avaient joué moins de 30 minutes, ou pas joué du tout, ce soir-là. L'idée était de leur donner la dose d'effort qu'ils n'avaient pas eue en match", explique Jean-Paul Ancian. Et de continuer : "Une compétition dure un mois, il ne faut perdre personne en route. La France pourrait avoir besoin de son 23e joueur en finale." Mais avant de retourner s'entraîner, les Ivoiriens avaient quand même droit à une pizza dans le vestiaire.

Son conseil : ne pas s'épuiser pour autant

"Il faut vraiment que le préparateur physique ait en tête l'équilibre entre la charge d'entraînement et la récupération", avertit Jean-Paul Ancian. N'ayant que quelques semaines pour faire progresser son équipe, au niveau physique ou tactique, le staff peut être tenté de travailler toujours plus. "Charger les entraînements peut sécuriser l'entraîneur et les joueurs", leur donner le sentiment du travail bien fait, "mais si on ajoute 15 minutes à un entraînement d'une heure et quart, c'est l'équivalent d'une séance de plus dans la semaine. Ça peut mettre tout le monde dans le rouge."

"Entre l'arrivée du premier groupe et le moment où tout le monde arrive sur un pied d'égalité, il faut une dizaine de jours", estime Jean-Paul Ancian. Commencent alors les matchs de préparation et la compétition, où le sélectionneur reprend les rênes de l'entraînement pour travailler d'avantage la tactique, même si la récupération reste importante. Recharger les batteries d'une équipe en quelques semaines est donc possible.

Mais difficile d'être aussi ambitieux que dans les clubs, où la préparation physique d'avant saison, plus intense et plus longue, est calibrée pour que les joueurs soient au top à un moment précis de la saison. Un club qui veut gagner une coupe d'Europe, par exemple, va travailler pour que ses joueurs tiennent la longueur, au risque qu'ils soient épuisés par ces efforts en début de saison. "Pour moi, ça n'aurait pas de sens de calibrer une préparation de cette façon" en sélection, estime Jean-Paul Ancian. Chaque joueur se prépare dans son club, et le préparateur ne peut que les ramener au meilleur niveau possible.

Le chiffre : 44

Le travail du préparateur physique ne concerne pas que le temps de la compétition et ne débute pas au premier jour du stage : pour mieux s'assurer de la forme des joueurs ivoiriens au Mondial, Jean-Paul Ancian et le reste du staff ont suivi, sur la saison qui précède, l'état de forme de tous les joueurs susceptible d'être sélectionnés. Soit un panel de 44 joueurs (environ quatre pour chacun des onze postes de l'équipe).

Une liste qui s'affine au fur et à mesure : "A trois mois du Mondial, on avait une triplette sur chaque poste avec en tête, leurs temps de jeu respectifs, les blessures qu'ils avaient eues, les compétitions qu'il leur restait à jouer..." Le staff des Bleus savait sans doute depuis longtemps que Griezmann arriverait à l'Euro avec plus de 60 matchs dans les pattes ou que les pépins physiques de Jérémy Mathieu pourraient lui coûter sa place.

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