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Domenech pressenti à Lyon : dur, dur de redevenir entraîneur après avoir été sélectionneur

Demandez aussi à Louis van Gaal, qui va s'asseoir sur le banc de Manchester United après un passage à la tête des Pays-Bas.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Raymond Domenech, alors sélectionneur de l'équipe de France, lors d'un match contre la Bosnie-Herzégovine, à Rennes (Ille-et-Vilaine), le 18 août 2004. (SICHOV/SIPA)

Y a-t-il une vie après le job de sélectionneur ? Il faut croire que oui. Raymond Domenech, quatre ans après son départ de l'équipe de France, est pressenti à Lyon pour succéder à Rémi Garde. Et de l'autre côté de la Manche, Louis van Gaal, sélectionneur des Pays-Bas, va reprendre en main Manchester United après la Coupe du monde au Brésil. Pourtant, redevenir entraîneur après un passage à la tête d'une sélection nationale constitue un sacré défi. Certains grands noms l'ont appris à leurs dépens. 

Sélectionneur, un job très ingrat

"Je n'en peux plus d'être sélectionneur", a confié Louis van Gaal au journal néerlandais Algemeen Dagblad. Deux ans à la tête des Pays-Bas et un parcours quasi sans faute en qualifications ne suffisent plus à rassasier l'appétit de terrain du technicien néerlandais. Sélectionneur est un travail intermittent : les années sans grande compétition internationale, les coachs ne disposent de leurs joueurs qu'une vingtaine de jours. Un peu court pour bâtir une tactique. Fabio Capello, qui a tout gagné notamment avec le Milan AC, se plaint régulièrement de son job de sélectionneur, de l'Angleterre puis de la Russie : "Le mieux que vous puissiez faire, en tant que sélectionneur, c'est de créer une mentalité de vainqueur dans le groupe", confie-t-il au magazine FourFourTwo (en anglais). Interrogé sur son poste préféré au cours de sa carrière, Gérard Houllier n'a pas hésité un instant : "entraîneur de club". Forcément, là, on a les joueurs sous la main 300 jours par an.

Sélectionneur, une planque ? Parlez-en à Raymond Domenech, six ans passés à la tête de l'équipe de France. Quand son équipe atteint la finale de la Coupe du monde, tout le mérite en revient aux joueurs qui ont pris en main l'équipe. Et quand les Bleus se crashent au premier tour de l'Euro 2008 et du Mondial 2010, tout est de sa faute. Zidane a résumé, cruel, ce qu'il pensait de Domenech, sur Canal +, en 2010 : "Ce n'est pas un entraîneur. Je pense qu'il a fait une sélection, il a sélectionné des joueurs et, à un moment donné, il faut que cette équipe arrive à jouer ensemble." 

C'est sans doute pour cela que la fonction de sélectionneur est considérée comme un job de fin de carrière, voire même une "petite mort". Alex Ferguson, le légendaire entraîneur de Manchester United, avait déconseillé à Laurent Blanc, alors à Bordeaux, de s'occuper des Bleus en 2010 : "Il a encore beaucoup de choses à apprendre en club." 

Redevenir entraîneur en club, un pari très risqué

Quand Luiz Felipe Scolari débarque à Chelsea, à l'été 2009, il vient relever un challenge. Prouver que le sélectionneur vainqueur de la Coupe du monde avec le Brésil en 2002 et qui a ensuite accumulé les accessits avec le Portugal peut triompher en club. Son CV d'entraîneur comporte aussi deux Copa Libertadores - l'équivalent de la Ligue des champions en Amérique du Sud - et une poignée de titres nationaux en club. L'expérience durera sept mois, confortant le cliché qu'un sélectionneur habitué à gérer son équipe de loin - il a été 10 ans sélectionneur - ne vaut plus rien quand il faut gérer un effectif au quotidien. "Le pire, c'est que mon passage à Chelsea n'était pas aussi mauvais que ce dont se souviennent les gens", regrette l'intéressé, interrogé sur le site de la Fifa. Licencié de Chelsea, il débarque ensuite dans le club phare d'Ouzbékistan - "pour l'argent", reconnaît-il sans fard dans une interview à FourFourTwo. Re-échec, re-licenciement, et re-indemnités record. Appelé fin 2012 comme pompier de service pour sauver un Brésil qui se cherche à deux ans de sa Coupe du monde, il fait à nouveau des merveilles...

La reconversion d'un ex-sélectionneur est particulièrement difficile. Henri Michel, sélectionneur des Bleus en 1986 après avoir arrêté sa carrière de joueur en 1982 et mené l'équipe de France au titre olympique aux Jeux de Los Angeles en 1984 peut en témoigner : "J'ai fait le chemin à l'envers, confiait-il au Parisien. J'ai commencé par le plus haut et le plus fort avec un titre olympique et la troisième place au Mondial mexicain. Après, je me suis construit. Aujourd'hui, mon CV vaut bien celui de n'importe quel autre." Pas aux yeux des dirigeants de Ligue 1 : Henri Michel n'a connu qu'une expérience comme entraîneur de club en France, un éphémère passage au PSG au début des années 90. Il n'a pas eu de deuxième chance, et mène désormais une carrière entre Afrique et Moyen-Orient.

Dans des registres différents, le PSG et Sochaux ont beaucoup hésité avant de faire appel à Laurent Blanc et Hervé Renard. Le premier, malgré un bon bilan à la tête des Bleus, était considéré comme un dixième choix face à des entraîneurs n'ayant pas la moitié de son palmarès. Et le second était catalogué "sélectionneur africain", auréolé de son sacre en Coupe d'Afrique des nations avec la Zambie. Les deux ont réussi au-delà de toute espérance : Laurent Blanc en décrochant le titre avec le PSG, Hervé Renard en redonnant espoir et beau jeu à Sochaux.

Faire les deux en même temps, seul Guus Hiddink le peut

Guus Hiddink, alors sélectionneur de la Turquie, lors d'une conférence de presse à Zagreb (Croatie), le 14 novembre 2011.  (DARKO BANDIC / AP )

L'entraîneur ultime, c'est Guus Hiddink. Le coach néerlandais alterne depuis une trentaine d'années des résultats probants avec ses sélections et des titres avec ses clubs. La demi-finale incroyable de la Corée du Sud au Mondial 2002 ? C'est lui. La Russie qui s'invite dans le dernier carré de l'Euro 2008 en éliminant les Pays-Bas, pourtant grandissimes favoris ? C'est encore lui. Il a aussi redressé avec succès le PSV Eindhoven (l'année où le club élimine Lyon en quarts de finale de la Ligue des champions) ou Chelsea (avec une Cup à la clé). Lors de son passage chez les Blues, il était aussi sélectionneur de la Russie, un cas rarissime au très haut niveau. "Je me sens plein d'énergie, j'ai envie de travailler tous les jours, en faire plus", déclarait-il en 2011, dans le Telegraph (en anglais), alors qu'il dirigeait la Turquie.

Repassé depuis février au PSV Eindhoven pour redresser l'équipe en perdition - avec succès, il a accroché une place européenne -, il est déjà acquis qu'il reprendra les commandes de la sélection hollandaise après le Mondial. Ce sera sa septième alternance club-sélection.

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