Cet article date de plus de dix ans.

Sang de veau, rebouteux et cachets par dizaines : les astuces pour remettre un joueur sur pied pendant le Mondial

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Franck Ribéry, la jambe dans le plâtre, avec le maillot du Bayern, le 25 juillet 2008 à Munich (Allemagne).  (LENNART PREISS / DDP / AFP)

Franck Ribéry, si tu nous lis…

Franck Ribéry, forfait, n'est pas au Brésil, mais il continue de faire parler de lui pendant la Coupe du monde. Samedi 14 juin, l'ailier du Bayern Munich a pris position dans la querelle qui oppose le médecin de l'équipe de France à son homologue du club bavarois. Il explique avoir refusé une piqûre de cortisone pour apaiser son dos douloureux, parce qu'elle n'était pas prodiguée par le médecin de son club, un spécialiste des injections. Avis au médecin de l'équipe de France, les moyens de remettre un joueur sur pied en moins de deux ne manquent pas. Inventaire non-exhaustif. 

Les injections de corticoïdes, la routine

On présente les footballeurs comme des athlètes d'exception à l'écoute de leur corps... et c'est faux. A très haut niveau, ils traînent des blessures, parfois des mois durant. "25% des blessures ne sont pas soignées correctement. Surtout en Ligue des champions, où jouent toutes les grandes stars. Il est certain que 60% des footballeurs ne récupèrent pas suffisamment", estime le docteur Ingo Froböse, de l'université de Cologne, cité par le site allemand Fussballdoping.de. "Ça désactive le système d'alarme du corps. Les dégâts sur les tissus peuvent être irréversibles", renchérit le docteur Hans Geyer, n°2 de l'agence mondiale antidopage, sur le même site.

Comment fait-on jouer un footballeur sur une jambe ? Avec des infiltrations de corticoïdes, qui calment la douleur. Michel Platini a ainsi disputé la Coupe du monde 1986 sous infiltrations. Cette pratique est institutionnalisée dans le foot, au point que dans le jeu vidéo Football Manager, où vous incarnez un entraîneur, vous avez la possibilité d'administrer des infiltrations à l'un de vos joueurs s'il est blessé. Problème : en cas de rechute, l'indisponibilité n'en sera que plus longue. Pour Michel D'Hooghe, le médecin en chef de la Fifa, "le pire problème médical du football n'est pas le dopage, mais l’abus d'anti-inflammatoires", déclare-t-il à Sports Illustrated (en anglais).

Six pilules au petit déjeuner

Un café, un croissant, et six pilules. C'était le menu du petit déjeuner des joueurs de l'équipe d'Angleterre au Mondial 2002, se souvient l'ancien international Danny Mills dans une interview au Telegraph (en anglais) : "Avant la préparation pour le Mondial 2002, nous avons eu pendant six mois des tests salivaires, d'urine, sanguins. Quand nous sommes arrivés, on nous a donné des pilules correspondant à nos carences. Je descendais pour le petit déjeuner, et il y avait un verre de pilules à mon nom. Six le matin, six le soir. Je n'ai jamais demandé ce qu'il y avait dedans. Je faisais confiance, on m'a dit que c'était du magnésium et du ginseng."

Pourtant, une semaine après l'élimination de l'Angleterre, le retour de bâton est rude, raconte Danny Mills : "J'étais en vacances en Espagne, et j'ai subi un contrecoup terrible. Je ne m'étais jamais senti aussi mal. Mon corps était habitué à ces pilules et était en manque. Quand je me suis réveillé ce matin-là, je n'arrivais pas à respirer correctement. Mon corps me faisait mal partout. Ça a duré une semaine."

Le défenseur anglais Danny Mills face au milieu suédois Freddie Ljungberg, lors de la Coupe du monde 2002, à Saitama (Japon), le 2 juin. (REUTERS)

Une étude menée par la Fifa pendant la Coupe du monde 2010 et publiée dans le British Journal of Sports Medicine (en anglais) montre que 40% des joueurs participant au Mondial ont pris au moins un antalgique avant chaque match, en augmentant les doses au fur et à mesure de la compétition. 

Opération plasma

Le nec plus ultra pour soigner un patient est de lui injecter dans une région douloureuse ses propres cellules sous forme de plasma riche en plaquettes (PRP), un concentré de plaquettes obtenu par centrifugation du sang. Ce n'est pas prouvé scientifiquement, mais la méthode paraît relever du bon sens : les plaquettes favorisent la croissance, et comme il s'agit des plaquettes de la personne blessée, ça ne peut pas lui faire de mal.  

Les médecins espagnols sont en pointe dans ce domaine. Une de leurs réalisations les plus spectaculaires est la remise sur pied du milieu de l'équipe d'Espagne Xavi, en deux mois à peine, alors qu'on pensait que sa saison 2010-2011 était compromise à cause d'une blessure au tendon d'Achille. D'autres joueurs de foot ont fait congeler des cellules du cordon ombilical de leur enfant, riche en cellules souches : "En tant que footballeur, si vous êtes sujet aux blessures, ça peut signifier la fin de votre carrière. Stocker ces cellules souches - comme un kit de réparation, si vous voulez - n'est pas idiot", confie l'un d'eux au Sunday Times (article abonnés, en anglais). Thierry Henry, le plus célèbre d'entre eux, a précisé que ce ne serait qu'à l'usage de l'enfant.

Le sang de veau du "docteur Frankenstein"

Le médecin du Bayern Munich, vilipendé par le staff des Bleus et défendu mordicus par Franck Ribéry, c'est Hans-Wilhelm Müller-Wohlfahrt, surnommé "Frankenstein" par l'Usada, l'agence antidopage américaine, souligne ESPN (en anglais). Il consulte dans une maison gothique du XIIe siècle, et ses remèdes sont à base de… sang de veau (le fameux Actovegin) ou de sang de bouc - c'est comme ça qu'il a soigné un attaquant du club écossais de St Johnstone. Ambiance Moyen-Age garantie quand vous verrez ses seringues de 8 cm de long s'enfonçant dans votre corps... Parmi la liste de ses clients, Bono, Usain Bolt, les joueurs du Bayern donc, mais aussi Steven Gerrard, le capitaine de l'équipe d'Angleterre... 

Le docteur Müller-Wohlfahrt soigne le joueur de l'équipe d'Allemagne Mario Götze, à Nuremberg (Allemagne), le 26 mars 2013.  (MICHAELA RELE / REUTERS)

L'Actovegin est devenu très célèbre en France lors de l'Euro 2008. Blessé, Patrick Vieira veut un remède ultrarapide pour pouvoir participer à la compétition. Il demande au médecin des Bleus, Jean-Pierre Paclet, de lui injecter cette préparation à base de sang de veau, mais aussi d'antioxydants, ainsi que de l'acide hyaluronique, qui aide les cellules à proliférer. Personne n'a prouvé l'efficacité de l'Actovegin, mais personne n'a prouvé le contraire non plus. Le docteur Wohlfahrt affirme que son produit permet de réduire le temps de régénération des tendons de 70%. On ne le saura jamais pour Patrick Vieira : le médecin des Bleus refuse, car l'Actovegin est interdit en France, et le milieu défensif passe l'Euro sur le banc.

Un traitement de cheval à base de placenta de jument

Samedi 17 mai 2014. L'attaquant vedette de l'Atletico Madrid Diego Costa se blesse aux ischio-jambiers, ce qui entraîne d'habitude deux mois d'absence. Catastrophe : la finale de la Ligue des champions a lieu dans une semaine. Qu'à cela ne tienne. L'attaquant espagnol affrète un avion privé pour se rendre de toute urgence à Belgrade. Où sévit la docteur Marijana Kovacevic, une spécialiste qui utilise un traitement à base de placenta de jument et de chocs électriques, et qu'on surnomme "la guérisseuse des Balkans". Las ! Diego Costa est sur pied pour le coup d'envoi de la finale, le 24 mai, mais doit céder sa place après neuf petites minutes de jeu.

L'ex-joueur de Liverpool Yossi Benayoun affirme même dans le Telegraph (en anglais) que le docteur Kovacevic utilise à l'occasion du placenta humain.

Une rebouteuse dans le staff de l'équipe d'Angleterre

Dans les bagages du sélectionneur anglais Glenn Hoddle au Mondial 1998, une guérisseuse, Eileen Drewery, sa compagne à la ville. Elle aurait réussi à convaincre Paul Gascoigne, un joueur aussi talentueux qu'alcoolique, d'arrêter (un temps) la boisson. Hoddle avait instauré un rituel d'avant-match inspiré de ces méthodes : "Avant chaque match, Glenn tournait autour des joueurs, leur serrait la main, et les touchait juste au-dessus du cœur. On n'a jamais su si ça avait eu un quelconque effet", se souvient l'international Gary Neville dans le Guardian (en anglais).

Son influence s'est très vite ressentie, pas sur la santé des joueurs, mais dans les compositions d'équipe. Prenez Ray Parlour, qui raconte cette anecdote au magazine FourFourTwo (en anglais) : "J'avais mal au mollet, et Glenn m'a envoyé la voir. Je m'assieds dans son fauteuil, elle place ses mains sur mes épaules. J'avais les cheveux longs à l'époque. Je lui dis : 'Raccourcissez bien les côtés et l'arrière s'il vous plaît Eileen.' Elle a ri... mais elle a tout raconté à son mari, et ça s'est retrouvé dans le Sun. Je n'ai plus jamais été sélectionné."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.