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Pourquoi les violences entre supporters au Brésil n'ont rien à voir avec la Coupe du monde

Vous avez été horrifié par le lynchage d'un supporter de Vasco de Gama par ceux de l'Atletico Paranense ? Rassurez-vous, on ne verra jamais pareille scène en juin.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un blessé est évacué sur un brancard à l'issue des incidents opposants fans de l'Atletico Paranaense à ceux de Vasco de Gama, dans le championnat brésilien, le 8 décembre 2013 à Joinville (Brésil). (REUTERS)

Dimanche 8 décembre, à Joinville (Brésil). Le club de Vasco de Gama affronte l'Atletico Paranaense. Résultat final : 3 personnes dans le coma, 70 minutes d'interruption, un homme lynché devant les caméras, un hélicoptère qui atterrit sur le terrain, des joueurs en pleurs. "J'ai vu un jeune au sol, passé à tabac, à coups de bâton. On leur a dit d'arrêter, ils ne l'ont pas fait", raconte, hébété, le défenseur de l'Atletico Luiz Alberto, cité par le Daily Mirror (en anglais). Faut-il pour autant en conclure que le Brésil est un pays rempli de hooligans qui vont mettre le pays à feu à et sang pendant la Coupe du monde ? Sans doute pas.

Le hooliganisme, un vrai problème au Brésil

Depuis 1988, 234 personnes ont perdu la vie dans les violences liées au football, note le site Inside World Football (en anglais). Quand il était ministre des Sports, Pelé avait déclaré : "Les hooligans sont en train de tuer notre sport." Il avait aussi ironisé sur le niveau de violence des hooligans européens, sans commune mesure avec ce qui se passe au Brésil. "Je suis arrivé ici il y a 12 ans en me disant que ce n'était pas aussi terrible que ce qu'on raconte, se souvient le journaliste britannique Tim Vickery dans un documentaire de Discovery Channel. Effectivement, ce n'est pas comme ce qu'on raconte : c'est pire." Ce dernier prend l'exemple des fans de Flamengo, considérés comme les plus dangereux du pays : "S'ils ne trouvent personne pour se battre, alors ils se battent entre eux."

Curieusement, une rixe entre supporters de Fluminense et Vasco de Gama, qui a fait un mort et entraîné 21 arrestations, en 2012, a fait beaucoup moins de bruit en France. Un adolescent de 14 ans a été tué, début 2013, par un fumigène lancé par des supporters de l'équipe brésilienne des Corinthians, lors d'un match de Copa Libertadores, l'équivalent de la Ligue des champions. Marta Rocha, responsable  de la police de Rio, déclarait déjà : "On ne peut plus tolérer toute cette violence. Ce n'est pas le genre d'exemple que nous voulons montrer lors de la Coupe du monde". "C'était mieux avant, renchérit Paulo, un des leaders des supporters de Flamengo sur Discovery Channel. Avant les supporters s'affrontaient avec les poings, pas avec des armes à feu."

Reste aux autorités à prendre leurs responsabilités : les dirigeants des clubs ferment les yeux, espérant y gagner un crédit politique. Les clubs ne sont jamais sanctionnés pour les exactions de leurs supporters. Et sur la centaine de hooligans impliqués dans l'incident du dimanche 8 décembre, seul trois ont été arrêtés.

Mais la Fifa a un plan

Les incidents du stade de Joinville ne risquent pas de se reproduire lors du Mondial. Lors de la rencontre, aucun policier n'était présent dans le stade, à peine quelques stadiers dépassés, alors que le match était classé à hauts risques. Lors de la Coupe du monde, la Fifa compte avoir recours à des sociétés de sécurité privées, mais avec dix fois plus de stadiers (900 contre 80) et 200 caméras de surveillance, laissant la police brésilienne sécuriser les abords des stades. "Notre concept a très bien marché lors de la Coupe des confédérations", sorte de répétition générale du Mondial, qui s'est déroulé en juin, s'est défendu la Fifa dans un communiqué. Surtout, le public de la Coupe du monde sera bien différent des habitués du championnat brésilien à cause du prix des tickets, deux à trois fois plus chers.

Depuis 2005, la FIFA privilégie la lutte contre le terrorisme à l'endiguement du hooliganisme, remarque ESPN (en anglais). Les autorités brésiliennes suivent particulièrement l'activité des gangs, très puissants à Rio. Début décembre, le Daily Mail (en anglais) relevait que les parrains mettaient en garde le gouvernement. Si leurs membres sont trop durement traités en prison, il y aura des représailles. Sans doute une menace plus prégnante que les hooligans.

Comme le remarque justement Grantland (en anglais), à l'approche chaque de Coupe du monde, Jeux olympiques ou Euro de football, les médias étrangers surinterprètent le moindre fait-divers pour affirmer que cet incident fait craindre le pire pour les supporters du monde entier attendus six mois plus tard. Sans qu'il ne se passe jamais rien.

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