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Le Bluedo du Mondial : mais qui a tué l’équipe de France à Knysna en 2010 ?

Il y a quatre ans, lors du Mondial en Afrique du Sud, la planète foot assistait à la mort en direct de l’équipe de France, éliminée dès le premier tour après une grève des joueurs. Retour sur les causes de ce fiasco.

Article rédigé par Pascale Boudeville, Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
  (FRANCETV INFO / PASCALE BOUDEVILLE)

17 juin : la France s’incline contre le Mexique (0-2) et compromet ses chances d’accéder aux 8es de finale.
19 juin : L’Equipe titre “Va te faire enculer, sale fils de pute”, avec un photomontage de Raymond Domenech et Nicolas Anelka sur fond d’orage.
19 juin : Nicolas Anelka est exclu de l’équipe de France.
20 juin : les joueurs décident de faire la grève de l’entraînement, en restant enfermés dans le bus.

Que s’est-il passé entre ces évènements ? Quels éléments ont fait basculer les joueurs dans la grève et la paranoïa ? Quatre ans après, à l’aide de nombreux témoignages et de livres publiés sur l’affaire, voici la liste des suspects et des armes du crime.

Bluedo de Knysna (franceinfo)

Le camp de base des journalistes

C'est la presse qui a tué l'équipe de France, avec la une du journal L'Equipe relatant les injures lancées par Nicolas Anelka à Raymond Domenech. Le 17 juin, après la défaite des Bleus contre le Mexique, un journaliste de L'Equipe reçoit dans la nuit un SMS : "Rappelle-moi, j'ai quelque chose qui peut t'intéresser". C'est un proche d'un témoin de la scène - joueur ou membre du staff - qui vend la mèche. Les journalistes parviennent à se faire confirmer l'incident par un membre de la délégation : "Je vois que tu es bien informé." (qui parle ?) Leur conclusion : "Tous les joueurs ne parlent pas forcément aux journalistes. Mais tous parlent. A leur famille, leurs amis, leur entourage."

L'aéroport

C'est Raymond Domenech qui a tué l'équipe de France. La préparation de la Coupe du monde avait très mal commencé. Thierry Henry s'est plaint de la qualité de ses entraînements, William Gallas de son management erratique, François Manardo, le chef de presse des Bleus, de sa façon de fuir ses responsabilités et Nicolas Anelka de son entêtement tactique. "Je joue comme une merde dans son système. C'était ma seule chance de jouer une Coupe du monde avec l'équipe de France. Même ça, je n'ai pas pu en profiter, il a tout gâché."

Le moment où tout bascule a lieu après la défaite finale contre l'Afrique du Sud. Patrice Evra, le capitaine des Bleus, est déterminé à se rendre en conférence de presse pour s'excuser. Mais Raymond Domenech ne l'entend pas de cette oreille, descend de l'avion en quatrième vitesse pour prendre une voiture et abandonne Evra sur le tarmac. Domenech balance à François Manardo : "Tu n'as qu'à lui dire qu'on ne pouvait pas l'attendre, qu'on était pressés."

Le resto de luxe

Ce sont les dirigeants de la FFF qui ont tué l'équipe de France. Ceux qui sont venus au Mondial, à commencer par le président de la FFF, Jean-Pierre Escalettes. "Il me soutenait comme la corde soutient le pendu", écrit Raymond Domenech dans son livre, Tout seul. Cet ancien prof d'anglais est totalement dépassé par les évènements. Quand la une de L'Equipe se transforme en scandale d'Etat, "aucune cellule de crise n'est mise en place", regrette Robert Duverne.

Les vrais dirigeants à poigne sont prudemment restés en France. Jean-Michel Aulas, l'influent patron de l'OL, n'a pas fait le déplacement. Noël Le Graët, devenu depuis le patron incontesté de la FFF, est rentré en France après le premier match face à l'Uruguay. Domenech exprimera ce regret dans son livre : "Je regrette d'avoir dit à Le Graët que sa présence n'était pas indispensable."

La suite à 600 euros

Ce sont les politiques qui ont tué l'équipe de France. Le défilé des ministres au chevet des Bleus s'est avéré contre-productif : Roselyne Bachelot, arrivée au milieu de la compétition, cherche surtout à sauver Roselyne Bachelot. Manque de chance : contrairement à Rama Yade, sa secrétaire d'Etat, elle avait misé sur un bon parcours des Bleus pendant la compétition. Une fois sur place, elle la joue "maîtresse d'école". Elle ne se fait pas prier pour raconter que son discours a provoqué les larmes chez les joueurs. En guise de punition collective, elle annonce l'organisation d'états généraux du football, qui accoucheront d'une souris.

Mêmes ratés chez Nicolas Sarkozy. Le président de l'époque dépêche Roselyne Bachelot sur place pour faire croire qu'il a passé un savon à Domenech au téléphone (ce qui est faux). Et reçoit en catimini Thierry Henry après la débâcle, à l'Elysée. Rien n'a jamais filtré de leur entretien.

Les vestiaires du stade Polokwane

C'est Nicolas Anelka qui a tué l'équipe de France par ses insultes envers le sélectionneur prononcées le 17 juin, à Polokwane, à la mi-temps de France-Mexique. "J'ai été moins choqué par l'insulte que par le tutoiement, qui cassait une barrière", écrit Domenech dans son livre. Rétrospectivement, il reproche au joueur d'avoir "tué le groupe" par cette saute d'humeur. Anelka l'a peut-être encore plus tué en lâchant à ses équipiers, avant de partir : "J'espère que vous allez faire un geste pour moi."

Il existe différentes versions de l'après-insultes. Celle de Jérémy Toulalan, rapportée par Jean-Michel Aulas, le patron de Lyon : "Quand ils ont su qu'Anelka risquait de quitter le groupe, ils ont voulu discuter avec Domenech. Il n'est pas venu." Version de Domenech : "J'ai laissé une chance à Nico de se rattraper. Au déjeuner, je me suis posté à l'entrée des joueurs. J'attendais de Nico qu'il vienne s'excuser, et j'aurais passé l'éponge. Mais il n'a pas bronché. Rien."

Le terrain d'entraînement "Field of dreams"

C'est la taupe qui a tué l'équipe de France. Une heure après l'exclusion de Nicolas Anelka, Patrice Evra lance la chasse à la taupe en conférence de presse. "Le problème de l'équipe de France, ce n'est pas Nicolas Anelka, mais le traître qui est parmi nous." Cette taupe est accusée de prévenir les journalistes des moindres faits et gestes des Bleus pendant la compétition. L'un d'eux a même envoyé ce SMS à un journaliste de L'Equipe qui a sorti l'info : "S'il te plaît, donne-moi le nom du traître."

Le fantôme de la taupe va durablement perturber le groupe France. Seront soupçonnés : Yoann Gourcuff, le préparateur physique Robert Duverne, voire Raymond Domenech. Certains joueurs, intrigués par sa gestion de l'affaire Anelka, se demandent : "Si c'était lui, la taupe de L'Equipe ?"

Le bus

Ce sont les meneurs qui ont tué l'équipe de France, dans le fameux bus de la honte. Quatre ans plus tard, on ne sait pas exactement ce qui s'est passé à l'intérieur du véhicule. Raymond Domenech aurait passé un pacte de silence avec les intéressés, à leur retour à Paris. Un membre du staff raconte dans La Décennie décadente du football français : "Les mecs semblaient maraboutés. Même Sarkozy n'aurait pas pu les faire descendre." Anelka donne sa version de l'affaire dans France Soir : "Il n'y avait pas de meneurs et de suiveurs, de gentils et de méchants. On est tous responsables à partir du moment où personne n'a rien dit."

Personne n'a rien dit, et tout le monde a assumé le communiqué des joueurs, relu par le conseiller de Jérémy Toulalan et un grand nom du football français, resté anonyme. "Par ce communiqué, tous les joueurs de l'équipe sans exception souhaitent affirmer leur opposition à la décision prise par la fédération d'exclure Nicolas Anelka..."

La salle de réunion des joueurs

Ce sont les joueurs qui n'ont pas bougé qui ont tué l'équipe de France. Stéphane Ruffier, le gardien appelé de dernière minute, a confié : "Ce ne sont que quelques joueurs qui ont décidé de boycotter l'entraînement. Tous n'étaient pas d'accord." Certains joueurs ont affirmé qu'ils ne savaient pas qu'Anelka avait refusé de s'excuser, information filtrée par les meneurs. Sans cela, ils n'auraient pas forcément fait grève. C'est ce qui ressort du rapport de la commission d'enquête de la FFF.

Pourtant, seuls quelques joueurs ont emporté avec eux des chaussures à crampons, au cas où ils s'entraîneraient finalement. L'un d'eux, Sidney Govou, aurait été le seul à remettre en cause la décision de la grève, dans le bus : "Je suis solidaire du groupe, mais c'est une belle connerie, ce qu'on est en train de faire."

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