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Equipe de France : Adrien Rabiot, le succès programmé par une carte mère

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Adrien Rabiot en conférence de presse, le 8 novembre 2016 à Clairefontaine (Yvelines). (FRANCK FIFE / AFP)

A 21 ans, le milieu de terrain du PSG vient d'être convoqué en équipe de France dans le cadre des éliminatoires de la Coupe du monde 2018. Grâce à son talent, son caractère... et sa maman.

A 13 ans, il partait à Manchester City. A 17 ans, il effectuait ses débuts en L1 avec le PSG. A 21 ans, il compte déjà plus de 100 matchs parmi l'élite française et 20 rencontres de Ligue des champions. Et Didier Deschamps vient de le convoquer pour la première fois en équipe de France pour le match de qualification pour le Mondial 2018 face à la Suède, vendredi 11 novembre, et la rencontre amicale face à la Côte d'Ivoire, quatre jours plus tard. Franceinfo vous propose de faire plus ample connaissance avec Adrien Rabiot, auteur d'une des progressions les plus fulgurantes du foot français. 

"Je sentais qu'il finirait en équipe de France"

Adrien Rabiot, c'est avant tout un surdoué. Un ado dégingandé à la tignasse fournie que s'arrachent les recruteurs et éducateurs qui se pressent à Clairefontaine. Il n'a pas encore l'âge de conduire un scooter quand il signe à Manchester City. A l'époque, le club du nord de l'Angleterre ne dispose pas encore du chéquier d'un cheikh émirati. C'est une équipe de bas de classement de Premier League, qui fait miroiter au clan Rabiot un passage en pro automatique quand le jeune homme fêtera ses 17 ans, des cours d'anglais, une maison tous frais payés... "Ce qui le distinguait, c’est qu’il avait une super mentalité. Il était poli, respectueux, ce qui est très inhabituel pour un jeune Français", se souvient Barry Payton, recruteur de City, dans L'EquipeL'aventure anglaise tourne court, le clan Rabiot évoquant des "promesses non tenues". Retour à la case départ et au centre de préformation de Castelmaurou (Haute-Garonne), en 2010.

Yannick Stopyra, 33 sélections en équipe de France pendant les belles années Platini, le dirige à l'époque. "J'ai découvert un garçon formidablement doué, discret, qui a tout de suite fait l'unanimité, se souvient l'ancien international, contacté par franceinfo. Je sentais qu'il finirait en équipe de France. Il avait toutes les qualités, il suffisait de les réveiller." Il s'impose naturellement au milieu de terrain, fait briller les autres sans esbroufe ou dribbles en trop. Quand La Dépêche du Midi interroge plusieurs jeunes du centre sur la Coupe du monde sud-africaine à venir, Adrien Rabiot a une réponse de premier de la classe : "Je vais regarder, mais sans plus… On a le brevet au même moment, c’est quand même plus important !" 

Le regard pesant des stars du vestiaire

Au tour du PSG de dérouler le tapis rouge à l'enfant prodigue, né dans le Val-de-Marne et qui a débuté à l'US Créteil, revenu au bercail. Au point de lui organiser un match amical entre la réserve parisienne et celle d'Auxerre, en Bourgogne, pour que son père, paralysé à cause d'un "locked-in syndrome" et suivi dans la région, puisse le voir jouer. Adrien Rabiot marque deux fois ce jour-là. "Quand je lui ai annoncé que j’allais passer pro, j’ai quand même compris dans son regard qu’il était très fier de moi", confie le jeune homme au Parisien.

S'il passe pro aussi jeune, c'est grâce au coach du PSG, Carlo Ancelotti. Le gamin de 17 ans lui tape dans l'œil lors de l'été 2012. "Adrien mérite de jouer", décrète le technicien italien. Le souci, c'est qu'au PSG, les places au milieu de terrain sont chères, dans un vestiaire où certains, comme Zlatan Ibrahimovic, gagnent 200 fois plus que lui. Sa stratégie première est de se faire prêter pour engranger du temps de jeu. Quand il arrive à Toulouse, au mercato d'hiver, le gamin de 18 ans clame haut et fort qu'il est là pour "prouver ce qu'[il] vaut." A son retour à Paris, il laisse entendre que le regard des stars du vestiaire "a changé". 

"Si on veut me punir..."

Son envie dévorante de jouer va le mettre plus d'une fois en posture délicate. Sa mère, qui est aussi son agent, va régulièrement menacer le PSG d'un départ (à l'AS Rome, au Milan AC...) faute d'une place de titulaire. En 2013, de retour de Toulouse, il déclare : "Je ne veux pas passer par là où Mamadou Sakho est passé", comprenez du terrain au banc puis en tribunes. En juillet 2014, le clan Rabiot ambitionne de jouer l'Euro avec les Bleus et le fait savoir au Parisien : "Adrien ne peut pas se permettre de passer une saison sur le banc." D'après le JDD, Véronique Rabiot aurait même demandé à l'équipementier de son fils de sonder un club comme Manchester United pour se positionner en vue d'un transfert. Cerise sur le gâteau : en novembre 2015, le joueur déclare crânement dans Téléfoot : "Le président m’aime bien. Partir sera mon cadeau de Noël." Plus d'un téléspectateur fan du PSG a avalé son café de travers devant le poste.

Plusieurs fois, Adrien Rabiot est envoyé au placard, brocardé sur les réseaux sociaux (son compte Twitter est d'ailleurs muet depuis un an et demi), mais il revient toujours. "Si on veut me punir, ce n'est pas comme ça qu'il faut faire, parce que moi, venir à l'entraînement, m'entraîner, et jouer même en CFA, je prends du plaisir à faire ça. Ce n'est pas une punition pour moi", rétorque-t-il lors d'une interview sur Canal+.

Le joueur du PSG Adrien Rabiot lors d'un match au Parc des Princes face à Rennes, le 6 novembre 2016. (CHRISTOPHE SAIDI/SIPA)

"Un gamin qui veut jouer"

La mère du joueur - chez qui il habite encore, selon L'Equipe - est une redoutable négociatrice : elle a obtenu une place pour elle au camp d'entraînement hivernal au Qatar, quand le club refusait catégoriquement que les joueurs partent avec des proches, et a été ouvertement mentionnée dans le communiqué se félicitant de la prolongation d'Adrien Rabiot jusqu'en 2019 (peu après une énième bouderie) : "Je sais combien sa famille partage avec Adrien cette joie de faire partie du Paris Saint-Germain", écrit ainsi Nasser Al-Khelaïfi, le président du club. 

Rien de choquant pour Yannick Stopyra : "Tout ce que j'ai vu, c'est un gamin qui veut jouer. Il n'a manqué de respect à personne, contrairement à d'autres qui évoluent sous les mêmes couleurs que lui [allusion très claire à l'affaire Serge Aurier et à sa vidéo sur Periscope où il insultait Laurent Blanc]. Quand il était chez nous, sa maman était très présente. Mais c'est quand même plus sain qu'un agent qui veut faire de l'argent sur le dos de son joueur, non ?" D'autant plus que le gamin a assuré derrière : "Son principal handicap, c'était son âge et sa relative inexpérience. Aujourd'hui, il affiche de solides références", poursuit l'ex-attaquant tricolore.

Docteur Adrien et Mister Rabiot

Côté pile, Adrien Rabiot n'est plus le jeune qui se fait tout petit dans un vestiaire de stars. Il apparaît dans la communication institutionnelle du club. Nasser Al-Khelaïfi, qui rêve d'en faire le Xavi du PSG, y va gaiement avec la brosse à reluire dans L'Equipe : "Adrien Rabiot est jeune, intelligent, grand, beau gosse." Ses coéquipiers ne tarissent pas d'éloges à son sujet, à l'image de Marco Verratti : "A l’avenir, ce sera l’un des meilleurs milieux au monde." 

Côté face, le vestiaire a dû digérer les 400 coups du jeune impétrant, qui a moqué un coéquipier en direct à la télévision - "il faut arrêter de faire des passes bêtes comme celles de Javier [Pastore]" - ou qui a raté la finale de la Coupe de France 2015 faute d'être arrivé à l'heure pour le départ du bus. Le jeunot, boudeur, ne s'est même pas rendu au Stade de France pour voir ses partenaires battre (laborieusement) Auxerre 1-0. Ce qui lui a valu une belle amende et une remontée de bretelles en prime.

Vous avez dit "capricieux" ? "Je ne le suis pas, a répondu le néo-international en conférence de presse à Clairefontaine, mardi 8 novembre. Avoir du caractère, c'est être capricieux pour vous ? (...) Ce n'est pas de l'arrogance, mais je sais où je veux aller."

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