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Coupe du monde : un bon tirage peut en cacher un autre

A l'approche du tirage au sort des poules du Mondial, relativisons les notions de "groupe de la mort" et de "groupe ultra-facile".

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Pelé tire au sort les équipes participant au Mondial 2006, à Leipzig, le 9 décembre 2005. (CHINE NOUVELLE/SIPA)

Enfin, on va savoir. L'équipe de France connaîtra, vendredi 6 décembre, le nom de ses trois adversaires lors de la phase de poule du Mondial, au terme d'une procédure de tirage au sort un rien compliquée. Fatalement, la composition du groupe des Bleus sera LE sujet de conversation de la soirée pizza-foot du samedi soir et devant le gigot-flageolets chez belle-maman dimanche midi. Il n'est jamais trop tôt pour battre en brèche quelques idées reçues. La preuve. 

Suisse - Equateur - Honduras - France, un bon tirage ? Pas forcément

La Suisse, c'est la tête de série rêvée. L'équipe supposée la plus faible du chapeau des cracks (avec la Colombie). L'Australie veut à tout prix tomber sur elle. L'Angleterre aussi. En France, on en rêve. Mais est-ce à ce point un bon tirage ? On parle quand même de la dernière équipe à avoir battu l'Espagne en Coupe du monde (un 1-0 en tout début du Mondial sud-africain) qui s'est aussi offert le scalp du Brésil et de l'Allemagne en amical. La bande à Didier Deschamps ne peut pas en dire autant, 1-2 face à l'Allemagne puis 0-3 au Brésil. L'équipe est jeune et talentueuse, à l'image de ses deux pépites : le milieu de terrain de Naples, Gokhan Inler, qui en a fait voir de toutes les couleurs à l'OM en Ligue des champions, et l'ailier du Bayern, Xherdan Shaqiri. 

L'Equateur n'effraie personne sur le papier. Même un bon connaisseur du foot européen serait bien en peine de vous citer plus d'un nom de joueur, excepté Antonio Valencia qui joue (rarement) à Manchester United. L'Equateur est surtout connu pour disputer ses matchs à domicile à Quito, à 2 500 m d'altitude, ce qui peut s'avérer très handicapant pour des joueurs non-habitués. Surtout quand on y ajoute les 80% d'humidité qui règnent dans le coin. Un avantage pour les Equatoriens, plusieurs matchs du Mondial se dérouleront dans des circonstances analogues, notamment à Manaus. Lors d'un match amical contre l'Allemagne, perdu 4-2, ils ont fait forte impression au sélectionneur adverse Joachim Löw a reconnu "avoir eu peur". Toujours aussi confiant ?

Les joueurs équatoriens se réunissent pour fêter un but contre le Paraguay, à Quito (Equateur), le 26 mars 2013.  (GARY GRANJA / REUTERS)

Le Honduras ne paye pas de mine au premier coup d'œil, avec son maillot floqué d'un gros H sur l'épaule gauche des joueurs. Pourtant, l'équipe a réussi la prouesse de reléguer le Mexique, le cador de la région, à la place de barragiste. La qualification acquise, le président Porfirio Lobo Sosa a annoncé en direct à la radio que le lendemain serait férié pour les fonctionnaires, afin qu'ils puissent faire la fête. Nul doute que l'administration tout entière sera derrière les Catrachos. En 2010, les Honduriens n'avaient pas été ridicules, résistant longtemps à l'Espagne (0-1) et tenant en échec la Suisse (0-0). Le genre d'équipe solide devant son but qui peut compliquer la vie de l'équipe de France...

Argentine - France - Japon - Angleterre, un mauvais tirage ? Pas forcément 

L'Argentine est tête de série. Comme en 2010, où elle avait été piteusement éliminée par l'Allemagne 4-0 en quarts de finale. Lionel Messi avait pleuré dans le vestiaire. Comme en 2006, où l'Allemagne (encore elle) lui avait montré la sortie en quarts de finale. Lionel Messi avait (déjà) pleuré à la fin du match. Comme en 2002, où elle s'était autodétruite dès le premier tour. Comme en 1998, où elle était tombée sur plus fort qu'elle, les Pays-Bas, lors des quarts. Cela fait 25 ans que l'Argentine est favorite, et 25 ans qu'elle déçoit. Même la présence de Lionel Messi, quadruple Ballon d'or, n'est pas un gage de qualité. En sélection nationale, l'attaquant du Barça n'arrive pas à reproduire ses performances en club. Du coup, les supporters l'accusent de jouer pecho frío, petit bras. Vous rappelez-vous d'un seul exploit de Lionel Messi sous le maillot bleu et blanc ? Sans parler que l'équipe fait peur en attaque, certes, mais aucun défenseur n'évolue dans un grand club, et le gardien titulaire en sélection cire le banc à l'AS Monaco. 

Les joueurs japonais célèbrent leur qualification pour le Mondial 2014, à Saitama (Japon), le 4 juin 2013.  (YUYA SHIHO / REUTERS)

Le Japon se voit-il trop beau ? Regardez l'attitude des joueurs lorsqu'ils ont décroché leur qualification pour le Mondial : de la joie et des t-shirts avec un smiley imitant (mal) le drapeau brésilien. Comparez avec les Coréens, le mètre-étalon du foot en Asie : une réjouissance pour le moins contenue, le poing levé et les mâchoires serrées. Si le Japon s'est qualifié facilement pour le Mondial, "il a encore beaucoup à apprendre", tempère Zico, leur ancien sélectionneur, sur Eurosport Australia. Certes, l'équipe a survolé la zone Asie, mais manque encore d'un tueur dans la surface, son défaut récurrent. Shinji Okazaki peut être celui-là, mais il y a un monde entre commencer à percer en Bundesliga (15 buts en 95 matchs) et briller lors d'un Mondial. Même Arsène Wenger pense, sur le site d'Arsenal, que cette équipe est encore un peu tendre. "Je ne pense pas qu'ils puissent viser la victoire aujourd'hui. Mais grâce à leur jeune équipe, ils pourront atteindre un nouveau palier  les demi-finales ou la finale  dans quelques années."

L'Angleterre, pour une fois, aborde le Mondial sans pression. Les supporters n'y croient guère, le sélectionneur non plus. La faute à la météo, estime ce dernier. Roy Hodgson a expliqué que "les équipes africaines ont plus de chances que l'Angleterre de remporter la Coupe du monde en raison des conditions climatiques." Pour l'ex-milieu de Manchester United Paul Scholes, c'est à cause des autres équipes. "Si on arrive en quart de finale, ce sera déjà très bien", juge-t-il dans le Telegraph (en anglais). Il est loin le temps où les supporters mettaient un poids terrible sur les épaules de son équipe. "Quand nous nous sommes qualifiés pour la Coupe du monde 1998 en décrochant un match nul à Rome, tout le monde pensait que c'était le meilleur résultat de tous les temps pour l'Angleterre. On nous mettait déjà dans les trois-quatre favoris. Cette année, l'Angleterre n'a pas cette pression", remarque Gary Neville, ex-défenseur international. Quant à la vieille gloire Glenn Hoddle, il annonce la couleur à la BBC : "on devrait déjà préparer l'Euro 2016."

Zinedine Zidane, interrogé sur Europe 1, a déjà fait son choix : "Ça serait bien que les Bleus tombent sur de grosses équipes pour qu'ils se mettent d'entrée dans le vif du sujet." Le héros de 1998 est bien placé pour parler de la composition du groupe de la France puisque c'est lui qui effectue le tirage au sort.

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