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Comment devenir riche et célèbre en composant l'hymne de la Coupe du monde

Ne soyez pas si dur avec Shakira et Vangelis ! Ecrire un tube de Coupe du monde n'est pas à la portée de tout le monde. Pour comprendre pourquoi fête du ballon rond rime parfois avec malaise en chanson, francetv info a analysé les plus grands hits footballistiques. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La chanteuse Shakira dans le clip de son morceau "Dare (La La La)", sorti à l'occasion de la Coupe du monde 2014 au Brésil (capture d'écran). (YOUTUBE)

Pour la Coupe du monde, vous soutenez Jennifer Lopez (We are One) ou Shakira (Dare La La La) ? Outre les titres officiels promus par la Fifa, les marques, les chaînes de télévision, les pays ou les artistes eux-mêmes peuvent désormais tenter d'imposer leur tube à la radio pendant que d'autres se battent sur le terrain. Plutôt que de se moquer des ratés, de classer les succès ou de dénicher les perles de cette "autre Coupe du monde", francetv info a décidé d'étudier les chansons composées en l'honneur du Mondial. Objectif ? En extraire la recette et, pourquoi pas, faire de vous une star. 

Car il existe une logique derrière ces hymnes éphémères, composés depuis 1962 pour faire vibrer dans les pubs (de l'anglais "peubes"), les pubs (publicités) et les gradins. Une logique tordue, certes, mais une logique quand même. La preuve en cinq points.  

1Il faut parler de foot (figurez-vous que ce n'est pas limpide pour tout le monde)

Fondamentalement, un hit de Coupe du monde est un tube de l'été à l'intention des supporters. Ni plus ni moins, et ce jusqu'à ce que le Qatar ne déplace la Coupe en hiver. Exception révélatrice : Hot Hot Hot, l'hymne de la Coupe du monde 1986 (à Mexico) interprété par Arrow, n'aborde même pas la thématique footballistique, pour se concentrer sur les bienfaits de la météo. Sinon, lorsqu'ils sont chantés, ces hymnes (officiels ou non) doivent maîtriser deux champs lexicaux : le foot et le bonheur de faire la fête entre pays qui, d'habitude, se snobent mutuellement. Les règles sont ainsi établies depuis les premières paroles du premier titre officiel de la Coupe du monde (au Chili), interprété en 1962 par The Ramblers : "El mundial 1962 / es una fiesta universal / Como consigna general / Celebrando nuestros triunfos / Bailaremos rock and roll." 

La simplicité de la consigne autorise quiconque se sent l'esprit festif à prétendre remporter ce qui est devenu au fil des ans une autre féroce compétition : celle des charts. Ceux qui ne l'ont pas compris doivent en payer le prix (environ vingt ans de honte et d'insultes sur YouTube). Un exemple : l'Amérique de 1994 et son pompeux Gloryland, semblant dire à la terre entière : "Vous avez quand même de la chance de venir dans notre super pays pratiquer votre sport chelou. PS : AMERICA <3 ". Quant à The Time of our Lives (2006), duo étrange entre la chanteuse de R'n'B Toni Braxton et Il Divo, il est aussi vibrant que ce match de babyfoot entre un chaton et lui-même.

2Il faut s'adresser à la terre entière 

C'est bien beau de parler ballon rond, encore faut-il se faire comprendre. Car le public de la Coupe du monde est composé à la louche de 7 milliards de fans potentiels. Pour contourner la barrière de la langue, la pop pioche dans la très courte liste des mots assimilables par tous. Et, surtout, partout. Rappelez-vous le "Go go go, Allez allez allez" de Ricky Martin (1998). Le "Waka waka hey hey" de Shakira (2010) est-il plus accrocheur que son "La la la la la" de 2014 ? Quid du "Oooooh ooooh oooooh ooooh ooooh ooooowooowooh oooh (etc.)" du single Wavin' Flag de K'Naan (2010) ? Facile, même avec une vuvuzela dans la bouche. 

Astuce : vous pouvez aussi vous contenter de citer des noms de joueurs de foot célèbres, comme dans l'étrange Zinedine Zidane de Vaudeville Smash (2014), à condition de les retenir, bien sûr. A la pointe cette année, Coca-Cola a procédé différemment : la marque a convoqué 22 artistes pour interpréter 13 versions de sa chanson officielle The World is Ours.

Mi-tube de l'été, mi-chanson de stade, un hit de Coupe du monde version 2014 doit encourager le brassage culturel. Du coup, les artistes ont appris à mixer onomatopées, artistes internationaux, langues et sonorités étrangères. Exemple : une intro à l'accordéon, des trompettes mexicaines, une rythmique carnavalesque d'inspiration brésilienne, de la mandoline et des rythmes cubains… si Carnaval de Paris, le titre composé par le trio dance anglais Dario G pour la Coupe du monde 1998 était un plat, il ne se servirait que sur "Koh Lanta". Et pourtant, les Anglais en ont mangé jusqu'à la troisième place du hit-parade.

3Mais sans perdre son âme, évidemment

Nous l'avons vu plus haut, la mondialisation a fait son œuvre. Mais l'humain et son dérivé, le supporter, aiment faire les difficiles. Ainsi, il faut distinguer les hymnes nationaux des hymnes internationaux. Si votre ambition est nationale, rien ne vous empêche de faire de la chanson française en France, comme Mickey 3D, du raï en Algérie, de la pop en Angleterre (comme New Order en 1990, The Lightning Seeds en 1994 et Embrace, en 2006).

A l'international, c'est logiquement la culture du pays d'accueil qui domine. A tel point que la colère des Brésiliens face à la chanson de Pitbull et Jennifer Lopez, jugée trop aseptisée, a poussé les producteurs à en produire un remix, bardé de batucadas.  

4Miser sur des valeurs sûres 

Qui se souvient de l'hymne du Mondial 2002, signé Vangelis ? Quel supporter s'est reconnu cette année-là dans la chanson officielle mollassonne d'Anastasia ? Personne. Pourquoi ? Parce qu'en face, Nike avait sorti l'artillerie lourde : un remix d'Elvis Presley par le DJ néerlandais JXL. Depuis 1998, la Coupe du monde est la saison de tous les revivals. Plus précisément depuis l'irruption de Gloria Gaynor dans les tribunes françaises avec I Will Survive. La Coupe du monde 2006 a même engendré une rencontre entre Queen et Crazy Frog (We are the Champions, Ding a Dang Dong). Si l'édition 2010 a fait preuve de créativité, 2014 promet quelques bijoux : mention spéciale aux auteurs de ce Macarooney, remake anglais de la Macarena à la gloire de l'attaquant Wayne Rooney. 

Quant à Magic System, ils ont à peu de chose près copié-collé le C'est la vie de Khaled sur leur Magic in the Air. Une seule chanson peut même espérer faire plusieurs Coupes du monde : cette année, un DJ anglais milite pour que la chanson parodique Noble England, interprétée dans l'indifférence générale par l'humoriste Rik Mayall en 2010, retente sa chance, raconte The Evening Standard. Et ce pour célébrer la mort de l'acteur, survenue mardi. Les Monty Pythons, qui tentent de refourguer leur hymne The Bright Side of Life à chaque occasion touchant de près ou de loin la Grande-Bretagne, l'ont remise au goût du jour pour le Mondial, note The Independant.

Enfin, bizarrement, plus il existe de titres spécial Coupe du monde, plus le milieu de leurs interprètes s'avère consanguin : Shakira, Pitbull, Ricky Martin, Jennifer Lopez, la Brésilienne Claudia Leitte, les Spice Girls (enfin ce qu'il en reste) mais aussi Stevie Wonder ont tous interprété plusieurs titres en hommage au Mondial. Parfois la même année.

5Mais, comme dans le foot, il y a des surprises

Attention toutefois : en musique comme en sport, le match n'est jamais gagné d'avance. Les géants, comme Johnny Hallyday en 2002, ne sont pas à l'abri d'une performance décevante, voire un peu humiliante.

A l'inverse, des outsiders peuvent créer la surprise. En 1998, les Anglais s'étaient enflammés pour Vindaloo du groupe Fat Les : un morceau-blague, parodique, pondu par le bassiste de Blur, Alex James, le comédien Keith Allen et le plasticien Damien Hirst. Un tube de mauvaise foi ("on est l'Angleterre, on va en marquer un de plus que vous"), moqueur et chauvin.

Comme quoi, vous n'êtes pas obligé de reprendre Gangnam Style avec Sean Paul en costume d'Indien d'Amazonie pour marquer des points dans le cœur des supporters mélomanes. 

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