EAG-ASM: Ranieri, l'entraîneur damné
En surface, Claudio Ranieri est l'entraîneur parfait. Comme Lippi, Ancelotti ou Spaletti, il est italien, renommé, et expérimenté. Comme Mourinho ou Guardiola, il est élégant et habitué aux rouages scoliotiques de la communication. Les journalistes l'aiment, car Ranieri est drôle, joueur, et fait des efforts pour parler la langue de sa terre d'accueil. Séducteur et talentueux, le Romain serait donc, a priori, le coach idéal. Sauf qu'une défectuosité vient salir cet alliage parfait : Claudio Ranieri, qui a eu sous sa coupe des clubs aussi prestigieux que Chelsea, l'Inter Milan ou le FC Valence, n'a (presque) pas remporté de titres. Cette saison, avec Monaco, il est distancé de 10 points par le PSG, et sait pertinemment que le titre de champion ne lui reviendra. Une nouvelle fois. Claudio Ranieri, ou l'histoire du tacticien damné.
Un "bricoleur", mais pas un gagneur
Claudio Ranieri a construit une partie de sa renommée sur un paradoxe. Il a entraîné quelques uns des meilleurs clubs d'Europe, mais son palmarès demeure d'une légèreté curieuse. En 26 ans de coaching, le technicien transalpin n'a remporté aucun championnat majeur - si ce n'est la Ligue 2 avec Monaco la saison passée -, se contentant de quelques coupes ici et là (Copa del Rey et Supercoupe de l'UEFA avec Valence, Coupe d'Italie avec la Fiorentina). Avec Chelsea, qu'il rejoint en 2000, le seul trophée arraché est celui du Charity Shield. Un bilan famélique, qui lui coûte sa place à la tête des Blues, au profit de José Mourinho. Mais l'Italien continue de faire tourner la tête des cadors européens : il coachera par la suite la Juventus, l'AS Rome et l'Inter Milan, sans plus de résultats.
Lorsqu'il s'agit de Claudio Ranieri, la question revient inévitablement sur le tapis : si son étagère à trophées demeure vide, pourquoi tant de "gros" s'en amourachent ? La réponse est simple : il y a le concret - les titres -, et il y a le travail de longue haleine, mené en profondeur. Un ouvrage impalpable et immatériel puisqu'il n'aboutit pas nécessairement à des titres, mais un ouvrage quand même. Le sobriquet peu qui lui est attribué lors de ses années à Chelsea - "The Tinkerman" (le bricoleur) - illustre à merveille sa capacité à inculquer aux formations qu'il reprend en main (souvent à la dérive) une mentalité de gagneur et une envie de bien jouer au foot. Ce n'est pas pour rien si certains lui attribuent une partie du succès de José Mourinho chez les Blues, compte tenu du travail de sape abattu par le tacticien romain. Toutefois, son surnom de "Tinkerman" revêt une deuxième acception, moins flatteuse : celle qui attribue à l'ancien coach valencian une fâcheuse tendance à tester tous les dispositifs et les choix tactiques possibles.
Dans le flou à Monaco
Un bricoleur, ça répare. Quand le richissime propriétaire de l'AS Monaco contacte Claudio Ranieri en 2012, le club princier sort d'une saison médiocre en Ligue 2. Le mécène attend du technicien italien, sur le marché après une expérience ratée à l'Inter Milan, qu'il ramène le club de la principauté jusqu'au sommet de la Ligue 1, si ce n'est plus. Pour l'instant, les objectifs affichés par le milliardaire russe sont remplis. Si la première place de l'élite semble promise à l'insatiable Paris Saint-Germain, l'AS Monaco pointe à une très honorable 2e place, et dispose d'une avance confortable sur le LOSC (6 points). Pourtant, ces considérations comptables ne garantissent pas l'avenir de Ranieri sur le Rocher. Le 14 avril dernier, l'Italien avait laissé planer le doute sur l'identité de l'éventuel futur coach de l'ASM: "je ne sais pas si je serai entraîneur de Monaco la saison prochaine". A la Turbie, il se murmure que les relations entre le Romain et certains joueurs ne seraient pas au beau fixe. En interne, son coaching, jugé parfois trop musclé, et sa gestion de certains cas (Abidal pour n'en citer qu'un), interpelle. Claudio Ranieri, lui, martèle à qui veut bien l'entendre que sa hiérarchie lui fait "confiance".
La meilleure réponse qu'il puisse apporter à ses détracteurs reste la conquête d'un titre. L'Italien le sait bien : le "clouage" de becs passe par une victoire contre Guingamp, ce mercredi soir en demi-finale de la Coupe de France.
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