CAN 2024 : plus dense mais sans locomotive, où en est le football africain ?

La Coupe d'Afrique des Nations, qui débute samedi, voit de nombreuses nations porter le costume de prétendante au titre.
Article rédigé par Loris Belin, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
Mo Salah (Egypte) et Sadio Mané (Sénégal), duel entre deux poids lourds du football africain le 25 mars 2022 lors d'un match de qualification pour la Coupe du monde (KHALED DESOUKI / AFP)

Une décennie de surprises, de grands moments, mais surtout de bouleversements. Depuis 2010, aucune équipe n'est parvenue à conserver son rang de maître du continent africain. Les sept dernières éditions de la Coupe d'Afrique des nations ont vu triompher sept nations différentes avant l'opus 2023, qui débute samedi 13 janvier pour s'achever le dimanche 11 février. Et cette édition en Côte d'Ivoire ne dénote pas, avec pléthore d'équipes capables de soulever le trophée.

Depuis la fin des années 90 jusqu'au passage à la décennie 2010, l'Afrique semblait avoir trouvé dans le Cameroun et l'Egypte des nations phares, à même de régner sur le continent et de le tirer vers le haut. Mais après le triplé égyptien 2006-2008-2010, c'est au contraire une période de grand renouvellement que connaît le continent.

"C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a un nivellement par le milieu, décrypte pour franceinfo: sport Patrick Juillard, spécialiste du football africain pour Sport365 et consultant notamment pour RFI. Le niveau moyen progresse. Le niveau des petites équipes augmente nettement, on voit des sélections comme la Mauritanie, la Guinée-Bissau ou le Cap-Vert qui n’existaient pas il y a à peine 20 ans et qui aujourd'hui se qualifient régulièrement. Un match Egypte-Cap-Vert, il y a 20 ans, il y avait cinq buts d'écart. Ce n'est plus sûr du tout aujourd'hui."

Cette densité nouvelle offre à la Coupe d'Afrique des nations un supplément d'indécision, mais aussi moins de continuité, en particulier pour les nations espérées comme des locomotives pour tout un continent.

La Coupe du monde 2022, le symbole d'un renouveau ?

Le constat est aussi frappant sur la scène internationale lors des dernières Coupes du monde. Co-meilleure équipe africaine de la Coupe du monde 2014 (éliminée en huitièmes de finale), l'Algérie ne figurait pas dans le dernier carré de la CAN précédente ni de la suivante. Même chose lors du Mondial 2018 pour le Sénégal et le Maroc (quarts de finaliste de la CAN 2017) ainsi que pour l'Egypte (finaliste CAN 2017), tous éliminés au 1er tour en Russie (comme le Nigéria). Et le Maroc, demi-finaliste de la Coupe du monde en décembre 2022, avait buté en quarts de la Coupe d'Afrique des nations en janvier de la même année.

Cette même Coupe du monde au Qatar laisse néanmoins entrevoir des jours radieux au football africain, évoqué depuis de nombreuses années comme "l'avenir du football international". Pour la première fois de l'histoire, chacune des sélections africaines engagées a remporté au moins un match. Et quatre ans après une terne édition 2018 sans le moindre représentant sorti de la phase de groupes, le Maroc est devenu la première équipe africaine à se hisser en demi-finale d'une Coupe du monde, avant d'être éliminé par l'équipe de France.

"Il y a un plafond de verre qui a été brisé, c'est une vraie rupture dans le bon sens. On est peut-être au début de quelque chose de nouveau."

Patrick Juillard, journaliste spécialiste du football africain

à franceinfo: sport

Les Lions de l'Atlas s'ajoutent à la longue liste d'équipes africaines capables de briller - ne serait-ce que temporairement - au plus haut niveau international. Il leur reste désormais à confirmer ce statut naissant dans le contexte d'une Coupe d'Afrique des nations, ce que d'autres nouvelles places fortes n'ont pas su faire depuis près de 15 ans. "On a vu l'Algérie gagner en 2019 et se faire sortir de manière expéditive au premier tour deux ans après, rappelle Patrick Juillard. Ou le Cameroun gagner une CAN en 2017 et complètement se rater sur l'édition d'après. Le Nigeria avait remporté la compétition en 2013 et ne s'était même pas qualifié en 2015… Il y a une forme d'instabilité chez les grosses écuries."

"La CAN est une réalité différente qu'il faut appréhender, poursuit Patrick Juillard. De plus en plus d'équipes sont composées de joueurs qui évoluent, voire qui ont été formés en Europe. Ces joueurs-là ont souvent un petit temps d'adaptation en revenant dans un contexte africain, qui plus est en pleine saison avec un choc de climat. Cela rebat un peu les cartes, et c'est aussi pour cela que la hiérarchie est moins claire. D'autant que des équipes comme l'Egypte ou la Tunisie étaient surtout construites autour de joueurs des championnats locaux, qui connaissaient l'Afrique."

Le Sénégal pour un doublé, le Maroc pour confirmer

Le Maroc espère briser cette série, porté par ses vedettes évoluant dans les grands clubs européens comme le défenseur du PSG Achraf Hakimi, Noussair Mazraoui (Bayern Munich), Sofyan Amrabat (Manchester United) ou encore Hakim Ziyech (Galatasaray). Un deuxième titre après celui de 1976 cimenterait la place de la sélection comme un possible fer de lance pour toute l'Afrique. Le Sénégal, qui avait réparé une anomalie en décrochant enfin son premier titre continental lors de la dernière édition en 2021, peut aussi prétendre à pareil statut en cas de doublé.

"Il fait toujours partie des favoris, estime Patrick Juillard. Ils n'ont perdu qu'un seul match en 2023, et ils encaissent très peu de buts. Mais c'est une équipe un peu vieillissante, avec plusieurs cadres partis jouer en Arabie saoudite [Sadio Mané, Kalidou Koulibaly, Edouard Mendy], ce n'est pas l'idéal niveau rythme et ils jouent dans la chaleur de longs mois avant la CAN, cela peut être usant. Et cela manque peut-être un peu d'émulation, de nouveauté alors que le Sénégal est brillantissime en catégories jeunes."

Derrière, le Mali, demi-finaliste de la Coupe du monde U17 (sorti par la France) fin novembre dernier, l'Egypte, autour de la superstar Mo Salah, ou encore le régulier Burkina Faso - demi-finaliste de deux des trois éditions - continuent de grandir. De nouvelles locomotives prêtes à tirer le football africain vers l'avant.

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