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"Calinothérapeutes", mages, énergéticiennes... Quand les sportifs ont recours à des préparateurs un peu spéciaux

Pour aborder le tournoi de tennis de Bercy, Novak Djokovic a fait appel à un préparateur mental dont la spécialité est la gestion des émotions par l'amour. Un type de coaching en vogue chez les sportifs de haut niveau.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8 min
Le Serbe Novak Djokovic lors du tournois de Bercy à Paris le 2 novembre 2016. (ALFONSO JIMENEZ/SHUTTER/SIPA / REX)

Devenir un champion, ça se passe surtout dans la tête. Une fois arrivé à un certain degré d'excellence, il faut que le mental suive. Tous les sportifs de haut niveau savent qu'ils doivent relever ce défi. Et pour y parvenir, ils s'adjoignent parfois les services de coachs un peu spéciaux. Novak Djokovic en est le dernier exemple en date. Pour se préparer au tournoi de Bercy, organisé jusqu'au dimanche 6 novembre à Paris, le tennisman a fait appel à une sorte de "calinothérapeute". Mais c'est loin d'être le préparateur le plus gratiné du monde du sport.

Novak Djokovic et son coach de l'amour

Pepe Imaz, le préparateur mental de Novak Djokovic, dans les travées de l'Accorhôtels Arena, à Paris, le 2 novembre 2016. (CHRISTOPHE SAIDI/SIPA)

Avec son survêtement flanqué d'un immense cœur, Pepe Imaz ne passe pas inaperçu dans la loge réservée à Novak Djokovic au BNP Paribas Masters de Bercy. Le numéro 1 mondial travaille depuis plusieurs années avec lui, mais depuis la déprime du Serbe, qui a confessé après sa victoire à Roland-Garros ne plus se sentir "très bien au niveau émotionnel", il s'affiche de plus en plus avec ce coach mental dont la spécialité est la gestion des émotions par l'amour. Quand l'Espagnol quitte l'entraînement de "Djoko", il lance un bruyant "je l'aime" à l'adresse des journalistes et des curieux.

L'homme aiguise la curiosité du public, plus habitué à voir des anciens champions comme Boris Becker épauler le tennisman. Sur le site de Pepe Imaz, honnête joueur de la fin des années 1990 dont le principal fait d'armes est un deuxième tour à Roland-Garros, on peut lire : "Nous croyons réellement que l'amour est la façon dont il faut vivre sa vie". Ce chantre de la philosophie "Amor y paz" ("amour et paix") a poussé Novak Djokovic à décorer d'un cœur la porte du vestiaire du tournoi de Madrid. "Je ne fais rien, je ne lui apprends rien, décrit Pepe Imaz dans un portrait que lui a consacré le journal ABC (en espagnol). Je partage juste mon expérience, et je lui montre ce qui a marché pour moi."

Concrètement, quels conseils prodigue-t-il ? "Je ne détaillerai pas ce qu'on fait", réplique Novak Djokovic, très discret sur le sujet. La méthode, confidentielle, est suivie par plusieurs grands noms de la politique espagnole, le chanteur Julio Iglesias et plusieurs cracks des circuits de tennis masculins et féminins (comme la Slovaque Daniela Hantuchova). "Les joueurs de tennis ne représentent que 10% de ma clientèle", nuance-t-il. Vous avez dit "gourou" ? Un proche, cité par le Daily Mail (en anglais), préfère parler d'un "type charmant, mais qui a ce qu'on pourrait considérer comme des idées bizarres".

Le "travail crânien" de Didier Drogba

Didier Drogba a intégré tardivement le gratin du football mondial, découvrant la Ligue 1 à seulement 24 ans. Il joue toujours, en Major League Soccer à l'Impact Montreal, à 38 ans. Son secret pour rester au top malgré son âge ? La fasciathérapie, que le joueur a découvert quand il évoluait à Guingamp. Cette technique, cousine de l'ostéopathie et qui se concentre sur les tissus, serait à l'origine de sa longévité.

Selon son biographe Hervé Penot, "pendant au moins une heure, il s’astreint à des soins, des massages, des étirements, de la souplesse". Didier Drogba n'avait d'ailleurs pas hésité à détailler sa méthode lors d'une interview accordée à L'Equipe Magazine "Je fais du travail crânien afin d’atteindre le plus de relâchement possible. Il s’agit de mettre en route les différents systèmes de récupération du corps, à partir du psoas pour vidanger au niveau des jambes, du plexus mésentérique, de la citerne de Pecquet… Le fait d’activer ces zones permet un nettoyage accéléré de l’organisme." Petit lexique pour les profanes en anatomie : le plexus mésentérique se trouve grosso modo près de l’intestin et la citerne de Pecquet est en fait un sac où est stockée la lymphe situé à l’intérieur du thorax.

Christine Arron et sa "psy"

Dans les travées du stade olympique d'Athènes, on l'appelait la "psy", avec une pointe de mépris dans la voix. Les JO de 2004 devaient marquer le retour de Christine Arron. La sprinteuse guadeloupéenne, recordwoman d'Europe depuis 1998, allait retrouver les podiums après des mois de vaches maigres. La "psy", c'est Fanny Didiot-Abadi, "psychothérapeute énergéticienne", selon sa carte de visite. La sprinteuse s'en remet entièrement à elle pour retrouver les sommets. Pas question de parler pointes et foulées, mais plutôt paix et bonheur, les deux axes de la praticienne. Elle assure travailler avec des hommes politiques, d'autres sportifs, et affirme avoir serré une vingtaine de secondes Zinédine Zidane dans ses bras après la débâcle des Bleus au Mondial 2002. 

Fanny Didiot-Abadi et son athlète, Christine Arron, lors d'une conférence de presse précédant les Jeux olympiques d'Athènes, le 18 août 2004. (MILLEREAU/DPPI-SIPA / SIPA)

A la Fédération d'athlétisme, on n'a pas vu, dans un premier temps, l'affaire d'un mauvais œil. Tout ce qui peut remettre dans le droit chemin la tête de gondole de l'athlétisme français est bon à prendre. La "psy" affirme s'être rendue à Athènes afin de "chasser les ondes négatives" du stade olympique en avril ? Pas de problème. Elle explique même au Parisien que le retour des Jeux à Athènes 108 ans après la première édition est un bon présage : "108, comme le nombre de réincarnations de Bouddha. C'est un événement empli d'espoir pour la paix dans le monde." 

Mais quand Christine Arron s'effondre en demi-finales du 100 m, le charme est rompu, raconte L'Equipe. Encore plus quand Fanny Didiot-Abadi se lève de son siège, quitte sa travée du stade olympique, en déclarant tranquillement : "Je vais au terrain d'échauffement préparer la finale avec Christine." Signe qu'elle ne comprenait rien à l'athlétisme. Après coup, les dirigeants ont beau jeu de tempêter, comme Bernard Amsalem, président de la Fédération : "Si elle avait été entourée d’un vrai spécialiste de la préparation mentale, un spécialiste qui connaît l’athlétisme, ce ne serait certainement pas arrivé !"

Le mage qui murmurait à l'oreille de Guy Roux

Guy Roux, alors entraîneur de l'équipe de l'AJ Auxerre, lors d'un match à Lille, le 30 mars 1996. (AFP)

Savez-vous à quoi est dû le formidable doublé Coupe-championnat de l'AJ Auxerre de Guy Roux, en 1996 ? Au recrutement de Laurent Blanc, défenseur central qui claquera tout de même 11 buts cette année-là ? A l'éclosion d'une génération où figurent les futurs champions du monde Lionel Charbonnier et Bernard Diomède ? A la science du coach, recordman de longévité sur un banc de L1 ? Vous n'y êtes pas. Des forces surnaturelles sont venues en aide aux Bourguignons pour terrasser l'armada de stars du PSG. 

Tout commence par un coup de fil. Une voix : "Voulez-vous être champion de France ? Je suis un mage, je dirige le ballon avec les yeux…" Une personne sensée aurait raccroché. Pas Guy Roux. Il faut dire qu'à l'époque, le foot français est superstitieux. Luis Fernandez répand du sel devant les buts adverses. Montpellier, qui évolue habituellement en bleu et orange, a joué en jaune un match de Coupe d'Europe sur les conseils d'un sorcier...

Pour Auxerre, le deal est simple : Guy Roux fournit les billets de train, les places de matchs et les nuits d'hôtel, et le mage a pour mission de marabouter le PSG, qui compte alors cinq points d'avance en championnat. A la clé, une prime plus substantielle en caisses de Chablis. Le miracle se produit : le PSG enchaîne deux contre-performances face à deux mal-classés, Martigues (0-0) et Lille (0-1), alors qu'Auxerre fait le plein de points dans le même temps. Le but lillois, inscrit au Parc des Princes dans un angle impossible, laisse songeur Guy Roux.

L'entraîneur bourguignon raconte, dans son livre, son retour chez lui, après le sacre obtenu sur la pelouse de Guingamp : "Le temps de revenir à Auxerre, je me couchais à 5h30. Une heure et demie plus tard, on sonne à ma porte : le mage qui attendait son dû."

La rebouteuse de l'équipe d'Angleterre

  (GERRY PENNY / AFP)

Quand Glenn Hoddle est nommé sélectionneur de l'équipe d'Angleterre, il parvient à inclure dans son staff Eileen Drewery, en tant que préparatrice. Dans les faits, c'est une guérisseuse. Glenn Hoddle, qui croit dur comme fer à ses pouvoirs, y envoie chaque international qui souffre d'un petit bobo. C'est dans son cabinet que se fera la sélection.

"Tu n'étais pas obligé d'aller la voir, mais tu sentais très bien qu'il le fallait. C'était subtil", se souvient Graeme Le Saux, cité dans le livre Three Lions Versus the World. Ray Parlour sait qu'il a perdu sa place pour la Coupe du monde en France pour une plaisanterie. "J'avais un mollet douloureux, et Glenn m'a envoyé chez elle, raconte l'ancien joueur d'Arsenal à FourFourTwo (en anglais). J'étais assis dans son fauteuil. Je ne la voyais pas. Je me demandais même si elle allait arriver à poil... Elle a placé ses mains sur mes épaules. J'avais les cheveux longs à l'époque. Alors, j'ai juste dit : 'Bien dégagé sur les oreilles s'il vous plaît Eileen'." 

Paul Gascoigne raconte dans son livre une autre consultation surréaliste : "Elle a mis sa main sur ma tête, lui a marmonné des petites phrases, avant d'énoncer doctement que j'avais beaucoup de mauvais esprits dans la tête. Elle m'a expliqué qu'ils se répandaient désormais dans sa maison. Elle a ouvert la fenêtre pour les faire sortir. Ça a duré 45 minutes, avec Eileen me tripotant la tête et grommelant des trucs." Il se murmure que Darren Anderton a été sélectionné parce qu'il a été voir la guérisseuse pour soigner une inflammation du tendon, ce qui lui vaudra le surnom de "sicknote", soit "certificat médical" en français.

Glenn Hoddle justifiera l'élimination anglaise dès les huitièmes de finale du Mondial par l'absence d'Eileen Drewery. Le fait qu'il demande à son staff de marcher autour du terrain dans le sens contraire des aiguilles d'une montre "pour impulser de l'énergie positive" à ses joueurs n'a pas suffi...

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