Bundesliga : la menace des ultras
"Nous assumerons de nouvelles interruptions de matches", a mis en garde vendredi le groupement d'ultras "Fanszenen Deutschland", en référence aux arrêts temporaires des rencontres Hoffenheim-Bayern et Union Berlin-Wolfsburg le week-end dernier. Les arbitres avaient stoppé le jeu, comme ils en ont l'instruction, après le déploiement de banderoles injurieuses ("fils de p...") ou menaçantes (sa tête au milieu d'une cible) visant le richissime propriétaire de Hoffenheim, Dietmar Hopp, incarnation pour les fans d'un foot-business contraire à la culture allemande du foot populaire.
L'étincelle qui a mis le feu aux poudres est une décision disciplinaire touchant les fans de Dortmund, interdits de déplacement à Hoffenheim pour les deux prochaines années, pour avoir injurié Hopp et l'avoir menacé de mort. Vent debout depuis des années contre les "sanctions collectives", les ultras de toute l'Allemagne se sont solidarisés avec ceux du "Mur Jaune". Et les insultes contre Hopp, la Ligue et la Fédération ont fleuri dans tous les virages de Bundesliga.
Un conflit idéologique
Les ultras "traditionalistes" allemands refusent l'arrivée d'investisseurs tout puissants dans les clubs de Bundesliga, sur le modèle du Paris SG ou de Manchester City: Hopp, un milliardaire qui a permis à Hoffenheim de monter en deux décennies de la 8e à la première division, est devenu leur bête noire, tout comme Red Bull à Leipzig. "Que quelqu'un avec des moyens financiers illimités s'achète un club en Bundesliga, certains trouvent ça OK. Mais les fans ne trouvent pas ça OK, c'est ça le fond du problème. Ces clubs-là ne jouent pas avec les mêmes moyens que les autres", résume Holger Keye, un représentant des ultras de l'Union Berlin, un club farouchement attaché à ses racines associatives.
Sur le fond, la Ligue allemande partage cette vision. Elle a même instauré en 1998 la fameuse règle dite "50+1", qui interdit à quiconque de détenir la majorité absolue des actions dans un club. Mais, soucieuse de ses revenus, la Ligue a aussi fait preuve de pragmatisme. Wolfsburg et Leverkusen, par exemple, étaient détenus depuis l'origine par Volkswagen et le chimiste Bayer. Une clause dérogatoire a été ajoutée, qui permet à un investisseur d'être majoritaire s'il finance le club de façon continue depuis au moins 20 ans. C'est bien le cas de Dietmar Hopp. Mais les tenants de la tradition voient dans le modèle de Hoffenheim une atteinte à la sacro-sainte "Fankultur" allemande, la "culture des fans".
Car avant d'être un spectacle, le foot en Allemagne est une activité sociale, et citoyenne. Les membres des clubs ont le droit de vote aux assemblées générales et sont associés à la gestion. Le Bayern Munich ne compte pas moins de 293.000 membres, Dortmund et Schalke près de 155.000 chacun !
Les ultras déterminés à poursuivre leur mouvement
"A Hoffenheim et au RB Leipzig, les fans n'ont aucun pouvoir de cogestion", note Michael Gabriel, responsable d'un organisme national de supporters, alors que ce sont les associations de fans qui animent les stades, et font de la Bundesliga un championnat réellement populaire. "Le problème fondamental", déplore Sig Zelt, actif également à l'Union Berlin, "c'est que les instances ne voient les fans que comme des spectateurs, et ne reconnaissent pas qu'ils sont partie prenante dans la vie du football et veulent aussi être associés aux décisions". Les "instances", Ligue et Fédération, sont poussées à trouver une sortie de crise par les clubs, qui ont besoin de leurs supporters.
"Les interruptions de matches et les sanctions collectives ne peuvent pas être une solution", plaide Stefan Reuter, directeur exécutif du FC Augsbourg, "il faut un dialogue d'égal à égal, dans lequel toutes les parties sont responsabilisées". Les ultras, eux, ne semblent pas prêts à reculer. En prononçant "des sanctions collectives pour protéger un milliardaire, la DFB montre son vrai visage", accusent-ils dans leur communiqué: "Il s'agit ni plus ni moins qu'une attaque contre notre +Fankultur+ et contre nos valeurs".
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