Cet article date de plus de quatre ans.

Fabrice Amedeo, le journaliste engagé sur l'océan

Confiné mais déterminé et enthousiaste. À quelques jours du départ du Vendée Globe, la motivation du skipper Newrest - Art & Fenêtres est intacte. "Je préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide", explique-t-il. "Les derniers jours avant un départ, il y a le monde, l’agitation et ça booste, ça donne de l’énergie. Mais le fait d’être au calme permet aussi de se reposer, de se préparer avec sérénité." Alors au calme et tranquille il nous a confié quelques secrets qui vont lui permettre de boucler ce deuxième tour du monde, à commencer par son livre, publié chez Plon, Loin de la terre surgit le monde. L’ex-journaliste du Figaro se confie.
Article rédigé par Eric Cintas
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Fabrice Amedeo

Fabrice, Loin de la terre surgit le monde, est ton huitième livre. C’est quelque chose qui est important pour toi d’écrire de raconter, de partager ?
Fabrice Amedeo
: "Ecrire pour moi c’est indissociable de la course au large, quand j’ai fait mon Vendée Globe il y a quatre ans je partais pour vivre une grande aventure, et raconter et partager avec celles et ceux qui avaient envie de me suivre. Je continue à avoir cette envie de raconter et de partager la magie de ce que l’on fait et la chance que j’aie de vivre ces aventures au large. Ce livre est une déclaration d’amour à l’océan qui m’a tout donné car il me fait vibrer, rêver, il se fait désirer, il me met à l’épreuve. Ses récompenses sont parmi les meilleurs moments de mon existence. Face à l’océan on est comme face à soi-même. J’ai voulu partager cette reconnexion à l’essentiel qu’offre le large, là où loin de la terre surgit le monde. J’ai voulu aussi dévoiler ce qui fait la puissance de nos aventures sur les océans et expliquer pourquoi je pars … Et que je ne cesserai de repartir."

 

Tu embarques à bord un chef d’œuvre philosophique, Ainsi parlait Zarathushtra de Nietzsche. Est-ce dans un but précis ?
FA:
"J’essaie d’emmener des lectures que je n’ai pas eu le temps de lire quand j’ai fait mes études. J’emmène ce livre qui est un grand classique car même si j’ai fait des études de philo, le paradoxe veut que je ne l’ai jamais lu. Il y a quatre ans j’avais emmené quatre livres mais je n’avais pas eu le temps d’en ouvrir un seul, je me suis dit que cette année ce pourrait être le cas. Seulement voilà, vu que mon bateau est plus extrême, que je vais aller plus vite et que j’ai plus d’ambitions, je ne sais pas si je pourrais le faire. Mais je me réserve cette possibilité de combler cette « lacune » à bord. Je pars aussi avec deux drones, des caméras et de quoi faire de belles photos. Et quand le vent sera trop fort, c’est un cerf-volant, sur lequel sera fixée une caméra, qui captera ces moments uniques. Montrer la force du vent, l’effet des vagues et le bateau aux prises avec les éléments, c’est aussi ça, faire rêver."

Selon nos sources tu serais un fin gourmet et amateur de bon vin ?
FA
: "Mon vin préféré est le saint Joseph, un Côtes du Rhône, mais je n’emmène pas de bouteille à bord, juste des petites bouteilles de champagne pour le symbole, pour les passages des caps. Mais je ne vais pas les boire car je déteste boire de l’alcool en mer. Sinon oui j’ai un petit faible pour un plat régional typique l’aligot. J’ai découvert la voile sur le lac de Pareloup en Aveyron sur le plateau du Lévézou, d’où est originaire ma grand-mère. Elle faisait de l’aligot aveyronnais, c’est à base de purée, de tome fraîche, de crème, de beurre et d’ail, j’adore ça car ça me rappelle mon enfance. Petite adaptation sur le bateau… l’aligot aveyronnais lyophilisé j’adore aussi."

Tu vas aussi t’accorder quelques moments pour pécher ?
FA
: "Malheureusement la pêche risque d’être miraculeuse, avec pas mal de micro plastiques. C’est une pêche scientifique car j’ai à bord de mon bateau des filtres et un capteur qui va marcher H24. Je vais changer mes filtres chaque jour, les scientifiques vont récupérer ces filtres, et ça permettra de voir l’état de l’océan, il faudra repartir dans quatre ans pour comparer c’est évident. Il y a deux choses qui me poussent à faire cette expérience à bord. L’ancien journaliste qui vibre intellectuellement à l’idée d’aller là où les scientifiques ne vont pas avec leur bateau et ramener des données pour eux. Et après il y a une prise de conscience que notre planète va mal, que les océans sont en danger et si chacun peut apporter une petite pierre à l’immense édifice, il faut le faire. C’est ma manière de contribuer humblement à cette démarche."

Sur le podium de 2017 on se souvient de l’étreinte avec Arnaud Boissières, les hommes se révèlent face à l’océan ?
FA
: "On est une grande famille, on sait très bien que s’il y a une difficulté dans le Pacifique sud, on ne peut compter que sur les uns et les autres car les secours sont à plus d’une semaine de nous. Après il peut y avoir des histoires d’amitiés qui se nouent autour du monde, et c’est le cas avec Cali (ndlr Arnaud Boissières) on s’est connu en mer et on ne se connaissait pas, on s’est échangé plein de messages et on était devenu franchement copains au bout de notre tour du monde. Oui il y avait de l’émotion, mais dimanche matin, au moment où je monterai à bord de Newrest – Art & Fenêtres, le chenal sera vide. Ce sera très particulier, quasi mystique. On sait déjà que ce départ ne ressemblera à aucun autre et restera dans les annales. On en parlera encore dans 40 ans."

Fabrice Amedeo sur son Newrest - Art & Fenêtres (QUENTINCHAUMY.COM)

As-tu un souhait dans ce Vendée Globe ?
FA
: "Disputer une course aussi fabuleuse, partir en mer, c’est une chance alors que toute la population est confinée. Il y a des bateaux neufs, avec une année difficile, je préfère qu’on me souhaite un joli temps de parcours autour de la planète. Après un top 10 pourquoi pas…"

Fabrice Amedeo dans les dernières pages de son livre parle de ses trois filles mais aussi de sa femme Charlotte, dans un post-scriptum plein d’émotion. "Sa femme son port d’attache sa raison de revenir, pas simple de faire coexister l’être aimé et l’amour du large et de partager cet être aimé avec l’océan, qui est comme une passion dévorante." Mais Charlotte est là. "La femme explique le fini, l’homme court après l’infini", une perfection de la féminité comme l’explique Soren Kiergegaard, un écrivain Danois connu pour son œuvre sur l’existentialisme.

On vous l’avait dit, Fabrice est encore un des rares philosophes naviguant sur l’océan. Bon vent cher confrère.

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