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ENTRETIEN. "Les écoles d'escalade des salles privées pourraient apporter des milliers de licenciés en plus", assure Mickael Mawem

Depuis neuf mois, les frères Mawem se sont lancés dans une nouvelle aventure : ouvrir leur propre salle d'escalade avec la volonté de rendre accessible leur discipline auprès d'un large public.

Article rédigé par Louise Le Borgne, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Mickael Mawem, à gauche, et Bassa Mawem, à droite, ont ouvert leur salle d'escalade à Colmar à leur retour de Tokyo 2020. (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP)

Sur leurs réseaux sociaux, Mickael et Bassa Mawem défient la gravité, virevoltent entre les prises colorées et s'immobilisent à la force de quelques doigts en haut du mur. Une aisance déconcertante dans une discipline que les frères, engagés aux derniers Jeux olympiques de Tokyo, partagent aujourd'hui dans leur salle de Colmar, en Alsace, avec les amateurs et grimpeurs chevronnés.

Leur objectif : rendre accessible les trois disciplines de l'escalade - à savoir le bloc, la vitesse et la difficulté -, tout en continuant leur entraînement pour Paris 2024. Pour franceinfo: sport, Mickael Mawem, 5e à Tokyo et champion d'Europe de bloc en 2019, est revenu sur le lancement de leur "gym" et sur le rôle que peuvent jouer ces salles privées dans le développement de l'escalade.

Franceinfo: sport : à la suite des Jeux de Tokyo, vous avez lancé votre propre salle d'escalade. Neuf mois après son ouverture, quel est le premier bilan ?

Mickael Mawem : Comme on s'y attendait, c'est beaucoup de travail. Ça faisait 10 ans qu'on avait ce projet de salle et on était prêts. On a dû ajuster notre entraînement pour pouvoir tout faire en une journée : à la fois s'entraîner et être dans la salle d'escalade. On y est donc de 7 heures du matin à 21 heures le soir, six jours par semaine. On a fait un rachat d'une salle qui était sur le point de fermer. C'est donc une restructuration d'entreprise, il faut tout recréer avec une base qui n'est pas la nôtre et qui n'est pas optimale. C'est chronophage mais c'est normal, et tout se passe plutôt bien.

On voulait rendre la salle accessible et aujourd'hui on a tous les profils, de 4 ans à 70 ans. Il y a des gens qui viennent grimper en autonomie, d'autres qui veulent des cours. Quand on a repris la salle, on avait 15 abonnés. Aujourd'hui, on se rapproche d'une centaine. Un abonné, pour nous, ce n'est pas ce qui rapporte le plus mais c'est ce qui confirme que les gens se sentent bien. Pareil au niveau des passages : en moyenne sur une semaine, il y avait 250 personnes qui poussaient la porte au début. Là, on est pas loin de 1 000 passages par semaine. On fidélise beaucoup plus, on est sur la bonne voie et on pense à ouvrir d'autres salles.

Mickael Mawem en finale des Jeux olympiques de Tokyo 2020, sur l'épreuve de bloc. (MILLEREAU PHILIPPE / KMSP)

Vos grimpeurs sont-ils affiliés à la fédération d'escalade ? Y a-t-il des échanges entre les salles privées et la Fédération française de montagne et d'escalde (FFME) ? 
Aujourd'hui non. Presque aucune salle privée n'a de liens avec la Fédération. Avant d'avoir cette salle, on voulait vraiment avoir une petite filiale associée à la Fédération mais ils nous ont envoyé un énorme dossier et on n'avait pas le temps pour ça. Donc on leur a dit : "pour l'instant, vous pouvez garder vos dossiers on va faire de notre côté, mais on va mettre en place un club".

Dès septembre prochain, on aura donc, au sein de notre salle, un club d'escalade qui sera un peu le lien avec le côté fédéral. Ça va nous permettre de créer une équipe en compétition, qui portera notre nom, et ça apportera des petits plus à nos adhérents. Dans le cadre du développement de l'escalade, c'est intéressant pour la Fédération qu'il y ait un maximum d'abonnés. 

Dans notre école, on a des cours avec environ 300 jeunes de 4 à 17 ans. Ces jeunes, en plus des 100 à 250 grimpeurs qu'ont chacune des écoles d'escalade des salles privées, pourraient apporter des milliers de licenciés en plus. Donc plus de poids à la Fédération et plus d'investissements dans l'escalade. 

Votre salle à Colmar propose à la fois du bloc, de la difficulté (voie) et de la vitesse. C'est plutôt rare pour une salle indoor privée où le bloc est souvent le format privilégié. C'était un parti pris ?
Dans le cadre de notre entraînement, c'était important d'avoir les trois. Bassa avait besoin de la vitesse. Moi, j'avais besoin du bloc et de la difficulté. Cela nous permet de passer beaucoup de temps dans la salle, entre le boulot et l'entraînement. Parce que les deux, c'est du travail. C'était aussi une volonté d'avoir toutes les disciplines car le bloc n'est pas accessible à tous les publics.

La voie, au contraire, peut être pratiquée par n'importe quelle personne, y compris par du public en situation de handicap moteur ou mental. Ça demande juste de l'engagement humain. Le bloc est privilégié par des salles à Paris ou dans des grandes villes parce que c'est facile. Au niveau sécuritaire, il faut juste des tapis et il y a moins de choses à apprendre au client, moins besoin de moniteurs d'escalade diplômés.

Au contraire, quand on a des cordes, il faut suivre l'usure, vérifier les systèmes accrochés, avoir un suivi de maintenance... Ça demande beaucoup de travail donc peu se lancent là-dedans. Mais, aujourd'hui, on voit que toutes les salles qui ont de la voie marchent bien mieux que les salles de bloc. Ce n'est pas spécialement plus rentable de faire du bloc mais plus simple.

L'accessibilité était donc un enjeu central dans le développement de votre salle ?
Bien sûr. On veut pouvoir vivre de nos salles d'escalade, développer notre business et prévoir l'avenir. Mais, avec cette salle, on a comme optique d'ouvrir l'escalade à tout le monde et à tous les publics. On ne veut pas faire juste de l'argent. On ne veut pas ouvrir nos salles à un seul type de public, qui a les moyens de se payer l'entrée, dans des régions blindées de personnes et réservé à un public de moins de 35 ans.

On voulait rendre accessible l'escalade via notre structure. On a bien fait la part des choses entre ce qu'on fait dans l'escalade – l'image que l'on donne à notre sport via ce que l'on fait médiatiquement sur les réseaux sociaux et en compétition – et ce que l'on fait avec notre salle. C'est très différent. Par ailleurs, aujourd'hui, il y a des grandes et belles salles parisiennes qui ont de la corde. Mais si tu n'y connais pas grand-chose, ça va être très compliqué pour toi de venir faire de l'escalade. Dans notre salle, peu importe ta connaissance de l'escalade, en 10 minutes tu es sur le mur d'escalade et à 15 mètres de haut. 

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