Du soccer universitaire à la MLS Superdraft, de jeunes footballeurs français vivent le rêve américain
Il n’est jamais simple de rebondir après un échec en centre de formation. Pourtant, les portes du monde professionnel ne sont pas définitivement fermées pour les quelques jeunes footballeurs français qui partent chaque année garnir les effectifs des équipes universitaires américaines, espérant être repérés par les clubs de MLS, la première division nord-américaine de football. Ou plutôt de soccer, comme c'est l'usage de prononcer.
Les Français à l'assaut du rêve américain
Sofiane Djeffal, milieu de terrain de 21 ans formé au FC Nantes, a tenté l’expérience: "Un de mes colocataires a participé à une détection pour partir aux États-Unis. Je n’étais pas franchement emballé, mais je l’ai suivi, et ça s’est bien passé pour moi. J’ai reçu une offre de l’université d’Oregon, et j’ai décidé de tenter le coup pour cinq mois au moins, jusqu’à la trêve. C’était un grand défi, et mes parents ont eu un peu de mal à l'accepter".
Finalement, deux ans plus tard, le jeune footballeur accumule les récompenses individuelles. "J’ai été élu meilleur ‘première année’ de ma conférence [une division du championnat regroupant des équipes géographiquement proches], et j’ai fait partie du 11 type des ‘premières années’ de tout le pays. Mes parents voient que ça se passe bien pour moi et ils sont rassurés maintenant", raconte-t-il.
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Depuis 2013, FFF USA, une agence en partenariat avec la Fédération française de football, se charge de repérer les joueurs susceptibles de tenter leur chance aux États-Unis. "Nous organisons des détections, pour les joueurs amateurs, et des interventions dans les centres de formation chaque année pour présenter ce projet aux jeunes qui ne seront pas retenus", explique Jérôme Meary, co-fondateur de l’agence.
C’est par ce biais que Pierre Cayet, formé au SCO d’Angers, a tenté l’expérience américaine : "Je ne voyais pas de possibilité de signer professionnel au SCO et je sentais que c’était le moment pour moi de changer d’environnement, de me tester, et ce projet m’intéressait, pour continuer mon parcours sportif et obtenir un diplôme". Pierre n’est pas un cas isolé, Jérôme Meary observe une augmentation du nombre de joueurs qui s’envolent vers les États-Unis : "Au début du partenariat, on en envoyait une trentaine par an, maintenant, ils sont plutôt une centaine".
Un encadrement digne des clubs professionnels
Pour intégrer une équipe de la NCAA, le championnat universitaire, les jeunes Français obtiennent des bourses, négociées avec les universités, qui leur permettent de payer les frais de scolarité exorbitants, leur loyer, et de subvenir à leurs besoins. Louis Perez, passé par les catégories jeunes du PSG et de Troyes, a été encouragé par son père, qui avait lui-même étudié aux États-Unis, à rejoindre l’université de Central Florida (UFC) : "J’avais des a priori avant de partir. Et finalement ça a été une très bonne surprise, surtout au niveau du professionnalisme, en termes d’infrastructures, et de staff ".
Tous s’accordent à dire qu’ils ne profitaient pas de telles conditions dans les centres de formation des clubs professionnels français. "Et encore, certains clubs de Ligue 1 ont de moins bonnes installations que nous", ajoute Sofiane Djeffal. "Je m’entraîne sur un magnifique terrain indoor, il y a des jacuzzis, et comme mon université a un contrat avec un grand équipementier américain, on reçoit des crampons. Le staff est complet, avec un kiné, un médecin, un préparateur physique et quatre coachs", ajoute-t-il.
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Le niveau sportif est plus difficilement comparable. Certains l’assimilent au National 2 français. "Ce n’est pas le même football, c’est peut-être un peu moins technique qu’en Europe, mais plus athlétique", résume Pierre Cayet.
Un diplôme et une ouverture sur le monde
Être un bon joueur de football ne suffit pas pour obtenir une bourse et intégrer une équipe de soccer universitaire: "Le niveau scolaire doit suivre, il est important d’avoir un niveau convenable, sans être incroyable, mais avec la moyenne dans toutes les matières, et une implication en anglais", note Jérôme Meary. En plus de leurs entraînements quotidiens, les footballeurs sont tenus de suivre des cours.
Sofiane Djeffal est étudiant en licence de nouvelles technologies et communication : "Ça rassure mes parents que je sois aussi à l’école parce qu’il n’y a pas de garantie dans le sport, mais au moins, j’aurai un diplôme". Les jeunes français deviennent aussi rapidement bilingues : "Je ne suis pas très fier de mon accent, mais au moins, je comprends tout et je sais m’exprimer. Et je bosse même mon espagnol avec mon colocataire qui vient d’Espagne. C’est vraiment une ouverture d’esprit supplémentaire puisqu’il y a beaucoup de joueurs internationaux, du Costa Rica, d’Allemagne, d’Israël, d’Argentine etc.", raconte Louis Perez.
Entre les entraînements, souvent programmés tôt dans la matinée, la musculation, les soins, et les cours, les journées des footballeurs-étudiants sont assez chargées. "Heureusement, les volumes de nos cours sont adaptés selon le nombre de matches disputés par semaine, pour nous permettre de nous concentrer sur le foot. C’est aussi dans leur intérêt, puisque le sport est central pour l’image de l’université", explique Robin Lapert, défenseur central et capitaine des Huskies de l’université du Connecticut.
De septembre à décembre, il peut leur arriver de disputer 2 à 3 rencontres par semaine, avec parfois des déplacements. "On voyage en avion, on dort à l’hôtel, et ça nous permet aussi de découvrir quelques villes quand on s’y balade", apprécie Louis Perez. "C’est vraiment une expérience qui me fait grandir sur le plan sportif, mais aussi sur le plan humain. J’apprends à me débrouiller seul dans un pays étranger, je découvre une autre culture, c’est une opportunité rare", souligne Pierre Cayet, devenu capitaine de l'équipe de Temple University, à Philadelphie.
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La draft, l’objectif final
Si aucun ne regrette l’expérience, tous espèrent pouvoir réaliser leur rêve de devenir footballeur professionnel. Ce jeudi 21 janvier, ils auront peut-être la chance de s’en rapprocher avec la Superdraft, une sorte de marché durant lequel les 27 équipes de MLS choisiront chacune trois joueurs universitaires pour les mettre à l’essai.
Quelques mois plus tôt, les jeunes talents éligibles ont pour la plupart participé à un "combine", un camp de détection de plusieurs jours où ils ont été observés par des recruteurs. Robin Lapert y était convié, mais contaminé par la Covid-19, il n’a pas pu s’y rendre. Pour autant ses précédents contacts avec des clubs professionnels lui laissent un espoir: "Je ne m’attends à rien, mais il y a une petite chance, alors on verra. Je suivrai la draft avec attention".
Sofiane Djeffal n'est quant à lui pas encore éligible à la draft puisqu'il lui manque une année d’étude, mais ses compatriotes Pierre Cayet et Louis Perez, qui ont déjà été approchés par des équipes professionnelles, peuvent espérer rejoindre la MLS. "J’ai tout fait pour être repéré, plusieurs clubs sont fortement intéressés, mais moi je n’ai pas de préférence. J’adorerais connaître Thierry Henry, qui entraîne Montréal, mais je veux être drafté par un club qui me veut vraiment, et qui me donnera ma chance", témoigne l’ancien parisien. Selon le média américain SB Nation, il pourrait atterrir aux Rapids du Colorado avec le 14e choix du premier tour.
L’évènement se déroulant en ligne, en raison de la crise sanitaire, le jeune milieu de terrain sera ce jeudi soir collé à son ordinateur, en appel vidéo avec sa famille, en croisant les doigts pour qu’aboutisse son rêve américain.
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