Kenny Elissonde (FDJ), portrait de Balzac à Confucius
A la question : « que lisez-vous en ce moment ? », Kenny Elissonde répond sans détour : « Illusions perdues de Balzac ». Pas habituel pour le commun des sportifs qui manque parfois de temps et d’envie de se plonger dans les classiques. Pas étonnant quand on parle de Kenny Elissonde qui admet « aimer aller en librairie et regarder les livres ». Un coureur surprenant donc. Un gabarit aussi. Kenny Elissonde, c’est 1,69m pour 52 kg. Un format de poche qui déplace des montagnes. En 2013, c’est le mythique Angliru – un des cols les plus difficiles d’Europe avec des passages à 23% - qu’il dompte sur la Vuelta. On ne peut pas dire que sa carrière explose mais Elissonde se fait un nom parmi la nouvelle génération du cyclisme français. Pas une mince affaire quand les concurrents s’appellent Thibaut Pinot, Romain Bardet, Warren Barguil (vainqueur de deux étapes sur cette même Vuelta) ou encore Nacer Bouhanni et Arnaud Démare.
A l'école du CC Étupes
Des coureurs que Kenny Elissonde a côtoyé au CC Etupes, l’un des, si ce n’est le meilleur club formateur de France (Pinot, Barguil, Vuillermoz…). Il était de toute façon écrit que le natif de Longjumeau ferait une carrière cycliste. « Je suis né un 22 juillet et sur les vidéos de ma naissance, on entend des commentaires du Tour de France en fond avec Miguel Indurain. On peut dire que c’est le destin » révèle le Francilien. Ce jour-là, les coureurs de la Grande Boucle abordent les Alpes et arrivent à Gap, via Alès. La montagne, là où Elissonde se sent le mieux.
Retour au CC Etupes, une période bénite pour le coureur de la FDJ : « c’est un très bon club qui prend vraiment bien en main les jeunes et où l’on sait que notre talent sera exploité et développé. C’est grâce à eux que j’en suis là aujourd’hui. Ils m’ont pris à la sortie des juniors, j’étais un coureur à modeler et en deux ans j’ai énormément progressé », raconte-t-il. Deux ans durant lesquelles il « s’éclate » et éclate à la face du monde du cyclisme en remportant notamment la Ronde de l’Isard d’Ariège. Déjà, Patrick Lefévère, maître dans l’art de repérer les grands de demain, lui fait les yeux doux. Mais Kenny Elissonde a la tête sur les épaules : « je n’étais pas prêt à rejoindre une grosse équipe, avoue-t-il. Pour aller chez Quick Step il faut déjà être prêt physiquement et mentalement ». C’est donc tout logiquement qu’Elissonde rejoint la FDJ. Logique : au CC Etupes il est suivi par un certain Julien Pinot, frère de Thibaut et entraîneur pour la formation de Marc Madiot. Suivent une étape de Paris-Corrèze pour sa première saison professionnelle et son Everest, l’Angliru, l’année suivante. Le déclic ? Pas tant que ça. Deux ans plus tard, et à la veille de sa troisième Vuelta consécutive (il a abandonné en 2014), Kenny Elissonde est toujours à la recherche d’une nouvelle victoire : « C’est frustrant mais pour nous les grimpeurs c’est plus difficile, il faut battre les meilleurs mondiaux à chaque fois » se défend-il.
Il cite Confucius
Avec son gabarit, Kenny Elissonde ne peut pas prétendre à la victoire autre part que sur des routes difficiles et escarpées bien qu’il corrige lui-même « ne pas souffrir d’un manque de puissance sur le plat ». Il est vrai que ses succès chez les amateurs en contre-la-montre parlent pour lui, ainsi que sa 39e place, « dans le bon paquet » sur l’épreuve solitaire du dernier Tour de Pologne. « Mon gabarit est un avantage quand la route s’élève » avance Elissonde fièrement.
Comment expliquer que ce pur grimpeur ne brille pas plus au plus haut niveau quand on lui promettait les cieux voilà deux ans ? Sa région de naissance n’a sans doute pas aidé. Trop longtemps, Elissonde est resté chez lui, dans l’Essonne. Cela l'a pénalisé : « j’ai emménage à Nice en début de saison et je ressens déjà la différence. Avec l’arrière pays, je peux travailler mon coup de pédale en montagne. Avant je pensais que mes qualités et les stages suffisaient pour progresser mais cette année je me rends compte que je me trompais ». Résultats attendus donc pour un coureur qui estime « avoir pris de la force ».
Mais en quittant la région parisienne, Kenny Elissonde n’a pas trouvé que des avantages. Lui l’adepte du Centre Pompidou qu’il visitait régulièrement s’en est considérablement éloigné. Car, outre la lecture, le coureur de 24 ans aime aussi la peinture, et la mode. « J’ai quelques amis qui peignent pour le plaisir, j’adore ça » résume Elissonde. Ambitieux, il n’en oublie pas moins de s’évader. « Lors des nombreux transferts, lire me permet de penser à autre chose. C’est une bonne échappatoire » pose-t-il. Cultivé, le garçon l’est. Au point de citer Confucius quand la FDJ lui demande une citation pour son profil sur le site internet de l'équipe. Une maxime qui lui va comme un gant : « celui qui déplace la montagne, c’est celui qui commence à enlever les petites pierres ». Le chemin dégagé, ne reste plus qu’à Kenny Elissonde à prendre d’assaut les sommets.
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