La saga Tom Boonen : l’histoire d’amour avec l'Enfer du Nord débute en 2002
"Il ne doit déjà plus rien prouver. Il est lancé pour dix, quinze ans. Pour son premier Paris-Roubaix, il fait mieux que moi, j’avais 22 ans et j’avais fini 5e. Il a 21 ans et monte sur le podium." La maxime est belle, son auteur est mythique. Roger De Vlaeminck est connu comme « Monsieur Roubaix ». Quatre victoires et neuf podiums dans « L’Enfer du Nord » vous classent un homme. Recevoir un tel compliment d’un tel homme vous classe aussi un coureur. Quand De Vlaeminck a lancé cette prophétie, il se doutait que Tom Boonen deviendrait grand. Il ne se doutait pas qu’il deviendrait une légende. Mieux, son égal.
Dans la roue de Museeuw
Ce jour-là du 14 avril 2002, le ciel du nord pave l’enfer d’un gris annonciateur d’une journée difficile. La 100e édition de Paris-Roubaix est disputée dans des conditions dantesques. Certains secteurs pavés sont transformés en piscine de boue. Il faut appuyer encore plus fort qu’à l’accoutumée sur les pédales. A ce jeu-là, Johan Museeuw est le plus fort. Le « Lion des Flandres » remporte son troisième et dernier Paris-Roubaix avec plus de trois minutes d’avance sur son plus proche poursuivant. Sur le podium, le Belge est au paradis. Il est le Dieu de Roubaix. A sa gauche, un poupon de 21 ans est tout sourire. La boue qui maculait son visage au moment de couper la ligne en troisième position a disparu. Son air timide et candide est lui encore bien présent.
Cette 100e édition de Paris-Roubaix est particulière à plus d’un titre. Les conditions, d’abord évidemment, et cette échappée fleuve qui part tôt dans la course. En son sein, Tom Boonen n’est qu’un vaillant parmi les autres, un optimiste qui croit en sa bonne étoile. A 45 kilomètres de l’arrivée, après un travail monstre de Johan Museeuw (Domo-Farm Frites), la jonction est faite. Les échappées retombent dans l’oubli. Ou presque. Car certains s’accrochent et évitent les chutes. Parmi eux, Tom Boonen. Couvé par Johan Museeuw, le sulfureux manager de la toute aussi sulfureuse US Postal Service, Johan Bruyneel, le néo-pro découvre Paris-Roubaix, mais n’a pas froid aux yeux.
Timide sur le Vélodrome de Roubaix
Aujourd’hui, et même après la course, on pouvait d’ailleurs se dire que sa force avait été sous-estimée par son équipe. Quand Johan Museeuw s’en va seul, Boonen et son coéquipier George Hincapie, le grandissime favori, partent en contre. Boonen saoule le pavé de ses coups de pédales ravageurs. Sa grande carcasse n’a aucune peine, ou presque évidemment, à se mouvoir sur ses pavés rendus terriblement glissants par la pluie. Son rythme étourdit son propre coéquipier qui va chuter à 30 kilomètres de l’arrivée, le laissant seul à la poursuite de Museeuw. Mais comment un Boonen si frais pouvait-il faire le poids face à la légende belge ? Comment pouvait-il penser être son égal ? Déjà grand, l’écart ne cesse de grandir et Boonen, rattrapé par la fatigue, est repris par Steffen Wesemann, l’Allemand à qui il ne disputera même pas la deuxième place sur le Vélodrome de Roubaix. Au bout de l’effort, Boonen salue la foule d’un geste de main timide. Sans les commentaires du speaker, peu de spectateurs auraient reconnu ce Belge. Trois ans plus tard, le Vélodrome allait devenir sien. Dix ans plus tard, Roubaix était son royaume. Et chacun allait reconnaître désormais entre mille ce champion à la gueule d’ange.
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