Florent Brard : "Le vélodrome de Roubaix, c'est un peu comme la dernière ligne droite du marathon de Paris"
Une pression "à part"
"Roubaix, il y a une tension, un stress au départ que tu n'as pas le reste de l'année. On part un peu dans l'inconnue. Tu as 52 bornes de pavés, c'est une course qui passe très très vite parce que la concentration est maximale du début à la fin. Dès le départ, tu as de grandes lignes droites avec du vent. S'il vient de côté, il faut être vigilant et ne pas se faire piéger par une cassure d'autant que ça frotte.
Les 30 kilomètres précédant les secteurs pavés c'est impératif d'être devant en cas de chute ou de crevaison. À l'entrée du premier secteur le peloton se tient en 20 secondes, et à la sortie du 3e, entre le premier coureur et le dernier, tu as 5 minutes.
Une fois que tu es sur les pierres, c'est parti pour l'enchaînement pavé - asphalte. Ça défile hyper vite. Soit tu es derrière et tu es obligé de boucher les trous, soit tu es devant et tu joues la gagne.
"Paris-Roubaix, ça dépasse le cadre du sport"
Roubaix, c'est la fin des classiques flandriennes. Tu as le monde entier qui te regarde. Au niveau du grand public, Paris-Roubaix ça dépasse le cadre du sport. C'est comme le Tour de France. Les gens regardent sans forcément s'intéresser au cyclisme. C'est une épreuve mythique qui n'est pas stéréotypée.
Le rituel pour Paris-Roubaix
"Au départ de Paris-Roubaix, bien sûr tu mets des chaussettes neuves, un cuissard neuf, ton maillot neuf. Et les fringues à l'arrivée moi je les donnais au public, à la sortie des douches. C'était pas un cadeau des fois ! Bien souvent tu prenais des gamelles donc ton cuissard était abîmé, puis avec la poussière et la boue... Moi je mettais le dossard la veille. Paris-Roubaix tu ne mets pas le dossard le matin, tu le prépares un jour avant. C'est un rituel, ça se respecte."
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Gare aux "pizzas"
"J'ai eu la chance de très peu chuter et très peu tomber. Quand tu chutes, tu te relèves tout de suite, c'est automatique. À part si tu t'es cassé quelque chose. Souvent tu as le derrière arraché. C'est ce qu'on appelle les "pizzas". Mais sur le moment tu ne sens rien, tu as l'adrénaline. C'est surtout après. Une fois je suis reparti avec une bonne pizza et on prenait la voiture jusqu'à Roissy pour prendre l'avion. Ça suintait à travers le pansement et à travers le jean. Tu arrives chez toi vers minuit, la fatigue de la journée dans les pattes et il faut que tu ôtes le jean avec la plaie collée... C'était horrible. C'est là que tu souffres de ta chute."
Voler au-dessus des pavés
"Ce n'est pas une légende, il faut être un peu mastoc, un peu Belge pour passer les pavés (rires). Parce que ça nécessite de la force. J'ai des souvenirs de Franco Ballerini où il écrasait le pavé. Il volait au-dessus, il n'y avait rien qui bougeait. Forcément si tu mets un Bardet sur les pavés... C'est un grand champion mais il va rebondir un peu quoi.
"De Vlaeminck n'a quasiment jamais crevé. Pourquoi ? Parce qu'il était extrêmement agile et souple"
Alors oui, en général, le premier secteur tout le monde le passe bien. Mais quand tu es au 50e kilomètre de pavés c'est différent. Donc oui, il faut être une bonne marmule. Il ne faut pas non plus être gras mais surtout souple. Si tu es un peu raide, tu as beau être épais, tu n'y arrives pas. De Vlaeminck par exemple n'a quasiment jamais crevé. Pourquoi ? Parce qu'il était extrêmement agile et souple. Quand tu es raide, tu tapes dans le pavé, tu n'as pas d'amorti, et là tu as tendance à percer."
Le vélodrome André-Pétrieux comme trophée
"La récompense, c'est le vélodrome de Roubaix. Jadis il y avait beaucoup d'arrivées sur le vélodrome mais maintenant il n'y en a quasiment plus. Et c'est vrai que faire ce tour de piste c'est quand même un sacré trophée au bout de 250 kilomètres. C'est un peu comme la dernière ligne droite du marathon de Paris avenue Foch quoi. Tu es complètement rincé, tu as un mal de cannes stratosphérique. Jusqu'à la ligne ça va mais après... (rires).
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