Paris-Roubaix : pourquoi "l'enfer du Nord" fascine tant
La difficulté : plus qu’un mythe, une réalité
Dans le cliquetis des pédaliers s’élève un bruit humide, bien familier des coureurs du peloton. Les fines roues des vélos tracent entre les pavés massifs. Elles soulèvent boue et poussière, qui viennent sans prévenir se coller sur le visage de ces forçats de la route. Le vélodrome de Roubaix est encore loin pour ceux qui sont toujours debout. Car les chutes ou crevaisons cueillent les hommes les uns après les autres. Ils tenteront d’aller jusqu’au bout de leur effort, malgré tout, sous les vivats d’une foule peu avare en applaudissements. Peu importe le prix quand il s’agit de vaincre l’enfer du nord.
Si le récit est imagé, il y a un peu de ça dans la magie de Paris-Roubaix. La pluie et les 29 secteurs pavés gluants sont les moteurs d’une course de 257 kilomètres hors du commun. Pour affronter l’adversité, avoir une bonne condition physique et mentale est indispensable. Le double vainqueur de l’épreuve Marc Madiot résumait ainsi bien la chose :
« Paris-Roubaix est une course où il faut tout accepter : la crevaison, la chute et surtout l’injustice. On sait avant de venir que ça peut mal se passer même si on a tout bien fait »
Voir sur Twitter
Ces si chers pavés
"Battre le pavé pour en trouver". La formule pourrait être le "mantra" des organisateurs. Au fil des années, l’asphalte a repoussé les mythiques pierres au statut de reliques. Dès lors, pas facile de renouveler un parcours maîtrisé sur le bout des doigts par les formations. Cette année, Thierry Gouvenou - le directeur de course de Paris-Roubaix - a tout de même innové avec un nouveau secteur pavé, celui de Saint-Vaast. 1,5 kilomètre de bonheur en plus, même si au total l’édition 2018 comprend 500 mètres de pavés en moins.
Que l’on se rassure toutefois, la sinistre trouée d’Arenberg est bien au programme. De paroles de cyclistes, « si on ne peut pas gagner la course à Arenberg, on peut la perdre ». Cette longue ligne droite qui coupe la forêt comme un faisceau de lumière dans la nuit oppresse autant qu’elle motive. En sortir en tête n’est pas une garantie de succès, loin de là, mais ceux qui en ont eu la chance ne masquent pas leur plaisir. Un lieu empreint d’histoire, vestige des passages des gueules noires sortant de la mine.
Pour la décision finale, il faudra attendre un peu. Et être encore bien placé au moment d’aborder le Carrefour de l’Arbre, ultime secteur pavé classé 5 étoiles (comme Arenberg).
Des succès inscrits dans la légende
Ils sont deux à trôner tout en haut du palmarès de la reine des classiques. Deux Belges, qui se sont hissés au rang de légendes de Paris-Roubaix.
Roger De Vlaeminck avait 25 ans quand, dans des conditions météo dantesques, il a déposé le pauvre Willy Van Malderghem pour s’offrir son premier titre. Deux années plus tard, en 1974, c’est au tour d’un autre grand nom de la course, Francesco Moser, de faire les frais du Gitan dans le final. Il remettra le couvert en 1975 - en supplantant au sprint le Cannibale Eddy Merckx - et en 1977 au terme d’une nouvelle échappée en solitaire dont « Monsieur Paris-Roubaix » a le secret.
Les triomphes de Tom Boonen sont plus récents. Cette 116e édition sera la première depuis sa retraite l’an passé. Lui aussi affiche quatre victoires au compteur (2005, 2008, 2009, 2012) et a laissé une trace dans les esprits. Sa robustesse aux joints très épais et aux pavés mal taillés restent - probablement - du jamais vu sur l’épreuve nordiste.
Bien d’autres noms pourraient être ajoutés bien sûr. Dresser une liste exhaustive serait discriminatoire tant chacun a sa propre histoire avec Paris-Roubaix. Sa propre idole, aussi.
Voir sur Twitter
La France rêve d’y regoûter
Il y a 21 ans, Frédéric Guesdon levait les bras dans le vélodrome de Roubaix. Depuis, plus aucun Français n’a pris la relève de l’ancien coureur de la Française des Jeux. Et à part Arnaud Démare, aucun ne semble en posture de lui succéder cette année. Le coureur de la formation Groupama-FDJ a d’ailleurs fixé Paris-Roubaix comme l’un des grands objectifs de sa saison, comme il le confiait récemment à Stade 2.
Deuxième nation la plus titrée avec 28 succès, la France cherche désespérément à revivre des moments d’exception. Le doublé de Gilbert Duclos-Lassalle en 1992-1993 a fait briller les yeux de milliers d’enfants, aujourd’hui cyclistes amateurs ou professionnels. Victorieux en 1981 malgré son aversion affichée pour cette épreuve, Bernard Hinault et sa formule « j’ai pas changé d’avis, c’est une course à la con » sont restés dans les mémoires. Mais la relève est compliquée à trouver sur une course atypique qu’il faut parfois des années à dompter. Le témoin a été transmis mais encore personne n’a pris le relais.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.