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Tour de France 2019 : Et si le Tour se jouait sur la résistance au-dessus des 2000 mètres ?

Trois fois. Par trois fois les coureurs passeront au-dessus des 2000 mètres lors de la 18e étape du Tour de France 2019 entre Embrun et Valloire. Un cap qui pourrait décider du dénouement de la 106e Grande Boucle. Un cap particulier qui a de nombreuses conséquences sur le corps des cyclistes.
Article rédigé par Christophe Gaudot
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
 

Vars, Izoard, Galibier. Copieux, le terme n’est pas galvaudé pour qualifier le menu de la 18e étape du Tour de France. Deux cols hors-catégorie mais surtout trois passages successifs au-dessus des 2 000 mètres d’altitude. Un cap qui fait peur. Mais au fait, quelles sont les conséquences physiologiques d’un passage au-dessus des 2 000 mètres d’altitude ?

Non, il n’y a pas moins d'oxygène en haute montagne. Frédéric Grappe, directeur de la performance dans l’équipe Groupama-FDJ, celle de Thibaut Pinot, balaye l'idée reçue : "il y a autant d’oxygène au niveau de la mer qu’à 2 700 m. La grosse différence, c’est que la pression diminue et que le coureur aura de fait plus de difficultés à capter l’oxygène". En revanche, dire que les capacités physiques diminuent avec l’altitude est évidemment vrai. "Un niveau de puissance que vous pourrez développer à 1 500-1 800 m, vous ne pourrez pas le maintenir à 2 200-2 300 m", précise Grappe.

La clé, c'est la génétique

Chef du département Performance-Expertise-Recherche au Centre National de Ski Nordique et expert de l’altitude auprès de l’équipe Ag2r-La Mondiale, celle de Romain Bardet, Laurent Schmitt va un peu plus loin : "Comme le coureur aura moins d’oxygène à disposition, il sera en anaérobie et il produira des déchets". Des déchets qui feront diminuer les capacités musculaires. Jean-Baptiste Quiclet, entraîneur de Romain Bardet, pointe le fait que tous les coureurs ne réagissent pas de la même manière en haute altitude. "C’est souvent autour des 2 000 mètres que les différences se créent, avance-t-il.

"Certains athlètes sont bons répondeurs à l’altitude et d’autres non", poursuit Frédéric Grappe. Mais alors, quels coureurs sont le plus à l’aise au-dessus des 2 000 mètres ? Le premier facteur est…. la génétique ! "Cette réponse à l’altitude est largement fixée à la génétique", confirme Frédéric Grappe. "Nous sommes construits par notre ADN", poursuit de son côté Quiclet. Travailler c’est bien mais avoir des prédispositions, c’est mieux. On pense évidemment aux Colombiens, et donc à Egan Bernal, né à 2600 m d'altitude par exemple. 

Pour travailler leur capacité à résister à l’altitude, les coureurs ont de plus en plus recours au stage en altitude, en Sierra Nevada ou au volcan Teide (Espagne). A Ag2r-La Mondiale comme à la FDJ, on a mis en place une dualité, à savoir dormir en haut (autour des 2 200m) et travailler en bas (à 1 000 m en moyenne). Autre manière de reproduire les effets de l’altitude, les salles à hypoxie qui simulent les effets de l’altitude. "Tout ceci permet de créer un système plus performant, explique Grappe. Mais il ne faut pas oublier non plus d’aller travailler en altitude. Il faut habituer son organisme à respirer et à vaincre les effets de l’altitude." 

Des grands bouleversements à venir

Que peut-on attendre de cette 18e étape et plus largement du triptyque alpestre ? Beaucoup selon les différents spécialistes. "Le Tour a été très dense cette année. L’état de fatigue du peloton est important, juge Julien Jurdie, directeur sportif de la formation Ag2r-La Mondiale. L’altitude va engendrer beaucoup de retournements de situations." Laurent Schmitt estime lui qu’il y a tous les ingrédients, à savoir l’altitude, la chaleur et la fatigue, pour voir des rebondissements.

Sur le haut du Galibier, au-dessus des 2000 mètres, là où les pourcentages sont les plus raides sur le mythique col alpin, des défaillances sont à prévoir. "Il y aura des écarts", prévient Frédéric Grappe. "L’altitude va mettre une loupe sur les différences physiques dans le top 10", embraye Quiclet.

En plaçant une étape avec trois passages au-dessus des 2 000 mètres à quatre jours de l’arrivée à Paris, les organisateurs du Tour de France savaient évidemment ce qu’ils faisaient. Le but ? Créer de l’incertitude et provoquer des grands bouleversements. "Ce que sait faire Thibaut c’est de gérer une longue montée et à haute altitude, rassure Grappe. Il avait d’ailleurs gagné à Solden sur le Tour de Suisse, à 2 700 mètres d’altitude." Ses adversaires sont prévenus : Pinot n'a pas peur du cap des 2000 mètres.

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