: Reportage Liège-Bastogne-Liège : la Redoute en fête pour la dernière de Philippe Gilbert sur la Doyenne
Originaire de Remouchamps, situé sur la côte de la Redoute, le Belge Philippe Gilbert participait à sa dernière Doyenne, dimanche. Il a été célébré par ses nombreux fans, entre joie et émotion.
C'est en saluant la foule, un grand sourire au visage et presqu'au ralenti, pour étirer ce moment magique, que Philippe Gilbert a conclu le 17e et dernier Liège-Bastogne-Liège de sa longue carrière, dimanche 24 avril. Son compatriote Remco Evenepoel avait déjà passé la ligne en vainqueur depuis plus de sept minutes mais le public belge l'attendait encore pour célébrer le petit gars de Remouchamps, une commune située à moins de vingt kilomètres de Liège.
Vainqueur ici en 2011 sur les routes de son enfance, où la majorité de sa famille réside toujours, le coureur de 39 ans était au centre de toutes les discussions ce week-end. Sa dernière participation à la course qu'il adore et dont il connaît chaque recoin à la perfection, était attendue par le peuple belge, sans distinction.
A l'image de Florian, un fan de cyclisme de 27 ans : "C'est ma première dans Liège-Bastogne-Liège, il ne fallait pas rater ça, on devait être là. On l'avait noté au calendrier." Mais pas que. Vanessa est une novice en la matière. Mais elle aussi voulait dire au revoir à un monument."On est présents parce que c'est la dernière de Philippe Gilbert. Il représente la Belgique, il rassemble tous les Belges, peu importe qu'ils soient Wallons ou Flamands. C'est pour ça qu'il est très apprécié."
151 peintures à son effigie dans la Redoute
Le lieu de la fête était connu d'avance pour célébrer le dernier passage dans la Doyenne du champion du monde 2012 : la côte de la Redoute, située dans son village d'enfance de Remouchamps. Pour les férus d'histoire, la Redoute est fameuse pour la victoire de l'armée française sur les troupes autrichiennes en 1794. Pour ceux que le petite reine intéresse davantage, c'est la difficulté de cette course disputée pour la première fois en 1892 qui la rend mythique. Chaque centimètre est un combat contre la pente qui se cabre à 17% d'inclinaison au maximum (2 kilomètres à 8,6%).
Tout au long de cette montée, que les amateurs aiment défier avant le passage des coureurs, quatre lettres étaient apposées au sol, figées par la peinture blanche pour rendre hommage à "Phil". 151 de ces marques ont jonché le sol belge - "sauf si certains ont en rajouté", rigole son frère Jérôme Gilbert -, espacées d'un mètre à chaque fois. "On était sept, on a commencé mardi à 18h30 et on a fini trois heures après, détaille Laura Gilbert, la nièce et filleule de Philippe. On était bien rodés. C'était sympa."
De part et d'autre de la chaussée, particulièrement étroite, ses fans ont afflué. Les émotions aussi. "Je suis d'abord très reconnaissant de ce qu'il nous a fait vivre et un peu ému aussi, admet dans un souffle Quentin, casquette au rebord intérieur siglé "Phil" sur la tête. Il est toujours resté lui-même."
"Je ressens de la joie et un peu de tristesse parce que ça fait vingt ans que je le suis partout, se livre Elodie, presque trentenaire, la voix tremblotante et un maillot Lotto-Soudal sur le dos. C'est une passion, c'est indescriptible, c'est mon coureur. Je suis ému, je sais que dès qu'il va passer, une petite larme va couler." Autour, ses copines la suivent désormais pour vivre avec elle sa passion. Elles chambrent, un peu, l'admirent, beaucoup.
Pour trouver l'épicentre de la fête, il faut aller au tiers de la montée, lieu du fan-club de Philippe Gilbert. Des chapiteaux ont été installés pour accueillir des milliers de personnes pendant trois jours de fête. En attendant le passage des coureurs, la foule se masse devant l'écran géant qui retransmet la course, sous le soleil et les odeurs de barbecue.
En début d'après-midi, trois cars déposent plus de 150 fans. Ces derniers ont suivi la première partie de la course à plusieurs endroits stratégiques pour encourager le Remoucastrien. Parmi eux, son père, Jean, 77 ans, président du fan club. "C'est la première fois que je peux vivre la course avec ma femme en tant que VIP, on ne l'avait jamais fait avant puisqu'on organisait les animations autour du fan club, explique-t-il à quelques minutes du passage du peloton. C'est spécial aujourd'hui quand même, on est relax. J'espère qu'il va se montrer devant ses supporters." "On n'est plus dans le stress, on passe une journée super sympa", savoure de son côté son grand frère Christian.
Aux alentours de 16 heures, Remco Evenepoel lance son attaque tranchante sur la Redoute pour s'envoler vers la victoire. Derrière, Philippe Gilbert n'est plus en mesure de jouer la gagne, conscient de ses qualités déclinantes. Il peut alors profiter pleinemement de son ascension. La fête est à son comble, la terrasse VIP pleine à craquer où chaque privilégié brandit un carton noir et jaune à l'effigie de "Phil". "On en a imprimé 1 000", précise sa filleule Laura qui les a distribués plusieurs minutes avant. L'une des surprises organisées par sa famille depuis environ un mois.
Malgré la rudesse de l'effort, le Wallon est tout sourire, le Français de l'équipe AG2R Citroën Mikaël Chérel lui glisse une tape amicale dans un beau moment de communion. La joie et l'émotion se mélangent. "Il va falloir prévoir les mouchoirs", avait averti la veille, dans un rire, Laura Gilbert.
"Il y a beaucoup de sentiments, de la fierté, du plaisir. Ce n'est pas évident d'expliquer mais c'est une journée très spéciale. On va pas faire les durs, on aura certainement une larme ou deux qui vont glisser."
Jérôme, le frère de Philippe Gilbertà franceinfo: sport
Une fois le peloton passé, les fans se dirigent vers l'écran géant pour suivre la victoire de Remco Evenepoel. Comme un symbole du passage de flambeau entre deux coureurs qui s'apprécient malgré les 22 printemps qui les séparent. Le jeune coureur de la Quick-Step Alpha Vinyl succède ainsi à Philippe Gilbert, dernier Belge à s'imposer à Liège en 2011. "Tout le monde sait que Phil est mon idole, je suis très heureux de gagner l'édition sur laquelle il termine", glissait Evenepoel en conférence de presse, plus d'une heure après sa victoire.
Pendant ce temps, Philippe Gilbert avait tenu sa promesse en rejoignant son fan club pour célébrer sa dernière avec ses supporters, une bière à la main. La fête commençait à peine sur la Redoute.
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