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Quelle stratégie pour Lance Armstrong chez Oprah Winfrey ?

Le cycliste américain déchu lance une opération reconquête en participant au talk-show le plus populaire des Etats-Unis.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Lance Armstrong escalade le mont Ventoux (Vaucluse), le 21 juillet 2002, sur le Tour de France.  (JOEL SAGET / AFP)

Vous avez aimé la chute de l'icône Armstrong, ses démêlés judiciaires, ses sponsors qui quittent le navire un par un, son silence entrecoupé de provocations tweetées ? Vous adorerez le phénix qui renaît ses cendres. "L'opération renaissance" a commencé lundi 14 janvier : la star du cyclisme a commencé par présenter ses excuses aux membres de sa fondation Livestrong "pour les moments pénibles qu'ils ont vécus à cause de lui", selon une porte-parole de l'organisation de lutte contre le cancer. 

Mais le moment clé de cet épisode confession-rédemption doit avoir lieu lors de l'enregistrement de son interview par la star de la télé américaine Oprah Winfrey. L'émission doit être diffusée trois jours plus tard notamment sur OWN, la chaîne de l'animatrice.  

Le choix de l'émission d'Oprah, tout sauf un hasard

"On ne va pas chez Oprah pour se confesser, on y va pour être pardonné", a twitté un journaliste d'ESPN, une chaîne de télé spécialisée dans le sport. 

Le talk-show le plus influent d'Amérique n'a pas la réputation de mettre ses invités sur le gril. Au contraire. En 2008, la célèbre animatrice recevait Marion Jones, la sprinteuse américaine convaincue de dopage et déchue de ses titres aux JO de Sydney. Une interview tout en douceur, au point qu'Oprah Winfrey aide Marion Jones à se souvenir de sa ligne de défense : "Je ne savais pas qu'il s'agissait d'un produit dopant, avance l'athlète. C'était... euuuh... Comment m'a-t-on dit que ça s'appelait ?" "De l'huile de lin", complète aimablement l'animatrice.  

Comme dans le cas de Marion Jones, l'interview du cycliste américain ne doit pas avoir lieu au coin du feu, mais presque : c'est Lance Armstrong qui reçoit Oprah Winfrey, dans sa luxueuse maison vantée par le site Architectural Digest (en anglais). Peu de chance qu'on voie les fameux maillots jaunes tweetés par le champion américain en novembre, ils sont relégués dans une pièce annexe de la maison. 

Même si l'animatrice télé assure s'être documentée, les spécialistes craignent un entretien peu fouillé, pour ne pas dérouter l'audience de l'émission, peu versée dans le cyclisme. Le Sunday Times - qui cherche à récupérer 1,5 million de dollars (1,1 million d'euros) de Lance Armstrong - s'est fendu samedi d'une page de publicité dans le Chicago Tribune, sous forme d'une antisèche pour Oprah Winfrey. Avec des questions vraiment pointues.

La page de publicité du "Sunday Times" dans le "Chicago Tribune" de samedi 12 janvier 2013, pour donner des idées de questions pertinentes à Oprah Winfrey, qui doit recevoir Lance Armstrong.  (THE SUNDAY TIMES)
 

"Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous"

La teneur des propos de Lance Armstrong est l'objet de toutes les spéculations. Les observateurs s'attendent à une confession succincte suivie d'une litanie d'éléments de langage savamment préparée par le clan du sportif. Le bookmaker Ladbrokes (en anglais) a ouvert les paris sur les mots que va prononcer Lance Armstrong lors de l'émission. La cote de "je n'ai jamais été contrôlé positif" est presque nulle, tant c'est attendu. Figurent en bonne place "chasse aux sorcières" et "complot".

Le champion a-t-il intérêt à reconnaître s'être dopé ? La plupart des faits qui pourraient lui être reprochés sont prescrits et les avocats du coureur américain ont amorcé de discrètes négociations avec les sponsors floués qui réclament leur dû. Le plus grand risque qu'il prend s'il passe aux aveux, c'est d'être accusé de parjure après une déposition sous serment, en 2005. Le New York Times (en anglais), très bien informé sur les développements de l'affaire, émet l'hypothèse qu'il a pris des garanties avec le ministère de la Justice américain pour ne pas être traîné devant les tribunaux.

Ce serait conforme au personnage Armstrong. On parle d'un homme qui a failli obtenir la présence de Barack Obama et de John McCain au gala de sa fondation, en 2008, raconte le site Roopstigo.com. Lance Armstrong a l'oreille de ténors de la politique américaine comme John Kerry, John McCain et s'est attaché les services d'un spécialiste de la communication de crise qui est intime avec Bill Clinton.

Et après ? 

Officiellement, Lance Armstrong envisage d'avouer pour réduire sa suspension à vie de toute compétition sportive, y compris le triathlon, ses premières amours. D'autres s'interrogent sur ses motivations. Se confesser lui permettrait de clarifier son image... et de se lancer sereinement en politique. Les électeurs américains ne sont pas toujours très regardants sur le passé des candidats : David Duke, un ancien "grand sorcier du Ku Klux Klan" a été élu représentant de l'Etat de Louisiane à la fin des années 80 quand le lieutenant-colonel Oliver North a frôlé l'élection au Sénat en 1994 quelques années après avoir été accusé de ventes d'armes illégales avec l'Iran, rappelle le site spécialisé Red Kite Prayer (lien en anglais). 

"Qu'il avoue ou pas, qu'il le reconnaisse mollement ou pas, je suis sûr à 100% qu'il restera un héros qui a vaincu le cancer pour une majorité d'Américains", estime Jordan Kobritz, spécialiste du management du sport à l'université de Cortland, à New York, cité par Business Insider (lien en anglais).

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