Poulidor, Simpson, Merckx, Virenque, Froome: Les moments qui ont fait la légende du Ventoux
. 1965 : le jour où Raymond Poulidor a cru faire basculer le Tour
En 1965, Poulidor n’est pas encore le Poulidor que l’on connaît aujourd’hui, éternel second. Troisième du Tour de France en 1962, deuxième en 1964, vainqueur de la Vuelta la même année, « Poupou » croit en ses chances quand Jacques Anquetil doit renoncer au départ. Et pour cause, son adversaire, Felice Gimondi sort du Giro, qu’il a remporté, mais est logiquement fatigué et n’était pas prévu sur le Tour. Avant d’arriver sur les pentes du Ventoux, Gimondi est encore leader mais Poulidor va le déposséder du maillot tôt ou tard, c’est du moins ce que chacun imagine. En partant à l’assaut du « Géant de Provence », Poulidor a un plan : désarçonner Gimondi. Chose faite quand il s’envole avec Julio Jimenez et que l’Italien est dans les cordes. L’écart grimpe rapidement puis Gimondi se reprend et jette toutes ses forces dans la bataille. A distance, les deux hommes se livrent un combat épique sur une montée qui effraie déjà et devant un public venu par milliers. Blême, éreinté, à bout de souffle, Gimondi sauve son maillot pour 34 petites secondes alors que Poulidor a remporté l’étape, devenant le premier Français à s’imposer en haut du Ventoux mais échouant dans sa quête du paletot de leader. Quelques jours plus tard, Gimondi remporte le Tour de France devant « Poupou ».
. 1967 : le drame Simpson
Géant s’il en est, le Mont Ventoux a vu de nombreux coureurs vaciller sur ses rampes exposées au vent et à la chaleur. En 1967, Tom Simpson ne s’est jamais relevé. Etendu quarante minutes durant sur la caillasse du « Mont chauve », le Britannique est mort dans l’hélicoptère qui devait l’amener en urgence à l’hôpital d’Avignon. Champion du monde 1967 et première star du cyclisme britannique, « Major Tom » a été anobli par Elizabeth II après sa victoire sur Milan-San Remo 1964. Rêvant de devenir le premier britannique à remporter le Tour, 45 ans avant Bradley Wiggins, Simpson aborde le Ventoux dans le groupe des favoris. Alors que Jimenez, encore lui, s’envole pour la victoire, le Britannique flanche une première fois puis remonte en selle. Las, 500m plus loin, le Ventoux le met KO pour de bon. Des spectateurs tentent bien massage cardiaque, le médecin du Tour administre bien une piqûre, le mal est fait. La mort de Simpson est la conjugaison de plusieurs facteurs : la chaleur (35 degrés), la déshydratation (le ravitaillement en course était interdit), l’absorption de cognac tendu par les spectateurs mais aussi la prise d’amphétamines (des tubes de Tonedron ont été retrouvés dans ses poches). Quelques mois plus tôt, Tom Simpson s’était élevé contre l’apparition des contrôles antidopage.
. 1970 : Même Eddy Merckx flanche
Largement en tête, comptant plus de six minutes d’avance, Eddy Merckx n’a rien à gagner au sommet du Ventoux, si ce n’est un succès de prestige. Le « Cannibale » fait honneur au surnom dont il sera affublé quelques années plus tard. D’abord flanqué d’Agostinho, le Belge s’envole à neuf kilomètres de la ligne d’arrivée. Retirant sa casquette au passage devant la stèle commémorant le décès de Tom Simpson, Merckx martèle la route de sa puissante pédalée. Sur la ligne, aucune émotion ne se lit sur son visage. Un premier signe. Tentant de répondre aux journalistes, le futur quintuple vainqueur de la Grande Boucle s’arrête en répétant « c’est pas possible » de son ton bourru et de sa voix gutturale. En manque d’oxygène, le grand Eddy Merckx s’affaisse dans les bras d’un voisin. Amené dans l’ambulance, où son plus proche poursuivant, Martin Van Den Bossche, est déjà, le Belge reçoit de l’oxygène par masque. Cinq minutes plus tard, le coureur de la formation Faemino-Faema est de retour face à la presse pour rassurer son monde. Trois ans après Tom Simpson, dont Merckx était le coéquipier, le Ventoux effraie de plus en plus suiveurs et coureurs.
. 2002 : la plus belle de Virenque
Cinq ans après sa deuxième place derrière Jan Ullrich, Richard Virenque n’est plus un candidat à la victoire finale dans le Tour de France mais il enchaîne encore les victoires d’étapes et les maillots à pois de meilleur grimpeur. Ce 21 juillet 2002, le héros de la « Virenquemania » conclu une échappée de 200 kilomètres et résiste au retour de Lance Armstrong. « Après l’affaire Festina, après la suspension, la rédemption, les aveux tardifs, il va chercher une victoire de prestige au sommet du plus redouté, du mythique Ventoux ! Oh Ce doigt levé… On l’avait vu à Courchevel déjà (en 1997). Il avait raté ses Pyrénées mais qu’il l’a réussi ce Ventoux ! Une formidable victoire. […] Richard Virenque est le roi du Ventoux ». Le commentaire de Christian Prudhomme, devenu directeur du Tour de France, rend grâce à l’épopée du Varois qui porte le maillot de la Domo-Farm Frites (aujourd’hui Etixx-Quick Step). Lancé à ses trousses, le tyran Armstrong ne parviendra pas à le rattraper. Comme les plus grands, Virenque s’impose en solitaire devant l’Observatoire et dompte le « Mont chauve ». Ce jour-là, l’ancien banni inscrit un peu plus son nom dans la légende du Tour de France.
. 2013 : Froome supersonique
Les coudes écartés, la tête baissée, la cadence de pédalage supersonique, les images sont quasiment légendaires. Sur le Mont Ventoux en 2013, Chris Froome a écrit une page de l’histoire du Tour de France. Son accélération extraordinaire à quelques kilomètres du sommet, assis sur sa selle, a laissé Nairo Quintana sur place et le public sans voix. Déjà affublé du maillot jaune, l’hériter de Bradley Wiggins allait sceller pour de bon sa première victoire sur le Tour de France. Aussi impressionnantes soient-elles, les images ne disent cependant pas que sur la ligne, Froome n’a récupéré que 29 secondes sur son adversaire, Quintana. Mais plus que le plan comptable, c’est l’impression laissée par Froome ce jour-là qui a bluffé les suiveurs et, il faut bien le dire, fait naître la suspicion autour de sa personne. Comme Merckx, Froome est le roi au Ventoux.
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