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Mondiaux de cyclisme : maillot national, oreillettes interdites, circuit… Quand le cyclisme renoue avec le vélo d'antan

Au-delà du titre qu’elle décerne, la course en ligne des Mondiaux revient surtout à un cyclisme d'une autre époque, ce qui n’est pas pour déplaire aux coureurs.
Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
La ligne d'arrivée des Mondiaux sur route de Glasgow, lors de la course junior féminine, le 5 août 2023. (DAVID PINTENS / BELGA MAG)

Le saviez-vous ? On peut désormais voyager dans le temps. Pour cela, rien de plus simple : il suffit de disputer les championnats du monde de cyclisme sur route, ou de les suivre, dimanche 6 août, à Glasgow. Et pour cause : chaque année, le Mondial et son règlement ramènent les coureurs à une autre époque, celle où l’on courrait sans oreillettes, sur des courses disputées le plus souvent en circuit, et pas pour un sponsor mais pour son pays.

Certes, les coureurs bénéficient toujours des ultimes innovations technologiques sur leurs montures dernier cri, et utilisent tout un tas de données numériques mais, le temps d’une journée, les championnats du monde sortent les coureurs du train-train quotidien de la saison. “C’est une autre façon de courir, et ça me plaît”, assure ainsi Julian Alaphilippe, sacré en 2020 et 2021. Et l’ex-champion du monde tricolore est loin d’être le seul.

Pour l'amour du pays

Dans le monde hyper-sponsorisé qu’est le cyclisme (et dont son économie dépend), les championnats du monde offrent déjà une trêve de ce point de vue. Comme les Jeux olympiques, ou les championnats d’Europe, ils ne se courent pas en équipe professionnelle (Jumbo-Visma, Groupama-FDJ ou Cofidis par exemple), mais en sélection nationale. Ce qui renvoie à l’époque où c’est entre compatriotes qu’on partait à la conquête du Tour de France, entre 1930 et 1961, puis en 1967 et 1968. 

“C’est le seul moment dans une saison où un cycliste a l’honneur de représenter son pays, ça change tout”, glisse le sélectionneur tricolore Thomas Voeckler. “Je retrouve chez les coureurs la fierté que je ressentais à mon époque. On vient courir pour l’honneur de son pays, gratuitement. On le fait pour son leader, pour son pays.” Adversaires le reste de l’année, les coureurs sélectionnés se retrouvent ainsi sous une même bannière avec l’objectif de faire gagner leur pays, quitte à sacrifier leurs ambitions personnelles. “C’est pour cela qu’il faut prendre des hommes que l’on connaît, à l’esprit collectif”, ajoute Voeckler.

Place à l'improvisation

Autre source de satisfaction pour les coureurs : l’absence des traditionnelles oreillettes, via lesquelles ils reçoivent les consignes et les écarts de course en direct le reste de la saison. “Franchement, ne pas les avoir, ça nous enlève un poids. Les oreillettes mettent plus de pression pendant la course. Là, on improvise un peu plus”, apprécie Christophe Laporte. Un avis partagé par l’ensemble des Bleus, à l’image de Benoît Cosnefroy : “On est expérimentés, donc on sait prendre des décisions si on arrive à voir la course. C’est bien d’être livrés à nous-mêmes aussi.”

Le Savoyard note également que cela donne plus de chances aux échappées de s’envoler, “alors que le reste de la saison, si on ne voit pas qui est parti, en quinze secondes, les directeurs sportifs le disent par oreillettes. C’est mieux pour le suspense donc, et pour le cyclisme.” Pour les entraîneurs, en revanche, cela complique la course et demande de savoir déléguer.

“On prépare plus le briefing d’avant départ, pour définir les rôles de chacun. On met en place une stratégie, un plan B, et on rappelle les fondamentaux : ne pas rater les échappées, courir à l’avant, suivre les mouvements de course chacun son tour.”

Paul Brousse, sélectionneur des Bleues

à franceinfo: sport

Pendant la course, le seul moyen de communiquer reste alors de s’approcher des coureuses, à condition de se frayer un chemin jusqu’à elles, sourit le sélectionneur des Bleues : “C’est plus agité dans la file des voitures. Ça joue des coudes, c’est toute une gymnastique.”

D’autant plus à cause de la dernière particularité “à l’ancienne” des Mondiaux : le fait que ces courses se terminent sur un circuit emprunté plusieurs fois. “Quand on entre sur le circuit, et encore plus sur celui-ci avec ses 48 virages, on sait qu’en théorie, on ne reverra pas nos gars avant la ligne”, concède Thomas Voeckler, qui pourra compter sur 4 ardoisiers le long du parcours, au cas où : “Mais j’espère ne pas en avoir trop besoin parce que c’est dur de visualiser l’ardoise. Les coureurs devront être des grands garçons dimanche. C’est aussi ce qui rend la course excitante et toujours pleine de surprises.”

Ces conditions particulières ajoutent en effet du sel aux championnats du monde, accouchant parfois de scénarios inattendus, des favoris étant piégés par ce manque d’informations. “Des coureurs sont estampillés coureurs de circuit”, ajoute Thomas Voeckler, qui explique : "En passant plusieurs fois au même endroit, ils savent repérer là où il faut récupérer, attaquer ou éviter un danger. Après trois tours, ils peuvent tirer des trajectoires parfaites calculées sur des plaques d’égouts !”

De là à se demander si certains peuvent être défavorisés par ces spécificités des Mondiaux ? “Peut-être, oui”, explique le sélectionneur français. Cela expliquerait par exemple la disette de Wout van Aert, qui chasse en vain le maillot arc-en-ciel depuis des années, malgré son statut officieux de meilleur coureur du monde. 

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