Les fesses des sportifs, un bon emplacement publicitaire ?
Le postérieur des champions vaut son pesant d'or dans de plus en plus de sport. Idée fumeuse ou coup de génie ?
Qu'ont en commun le label de rap du groupe Sexion d'Assaut, un fabricant de croquettes pour chiens et un site de rencontres ? Les trois se sont affichés sur les shorts de footballeurs et de rugbymen en France. Wati B sur l'équipement du club de foot Montpellier Hérault, Rapid Croq' sur les shorts de l'AS Saint-Etienne, et adopteunmec.com pour le Montpellier Rugby. Tendance durable ou buzz éphémère ?
Le sportif est (aussi) un homme-sandwich
Apposer son logo sur un short de footballeur coûte "une somme à six chiffres". C'est beaucoup moins que le gros sponsor bien visible à l'avant du maillot. Franck Massardier, le patron de Madewis, l’un des floqueurs officiels de la L1, note sur sport-marketing.fr que "pour cet emplacement, mieux vaut une marque à nom court, entre cinq et huit lettres maximum (...) avec une police de caractères sobre". Le tout 5 cm sous le cordon du short.
C'est la conséquence de la difficulté pour les clubs à vendre au prix fort les meilleurs emplacements. "Les clubs font pression sur la Ligue pour augmenter le nombre d'espaces publicitaires, relève Virgile Caillet, directeur de l'agence de marketing sportif KantarSport contacté par francetv info. Il y a en moyenne 5,7 sponsors présents sur la tenue d'un club français de L1, contre 2 pour une équipe de Bundesliga et 2,1 pour une formation de Premier League."
Les marques présentes à cet endroit ont deux objectifs : montrer leur engagement avec le club, car la vente de l'espace s'accompagne souvent de la location d'une loge dans le stade, et faire parler d'elles. "Adopteunmec.com avait été approché par des clubs de foot, mais a préféré communiquer sur le rugby, un partenariat inhabituel, s'enthousiasme sur francetv info Bruno Lalande, directeur de la stratégie de l'agence Repucom France. Je trouve ça brillant d'allier un site de rencontres avec le côté bestial, 'chabalien' du rugby."
Le gain n'est pas que financier. Montpellier Rugby, qui a laissé "adopteunmec.com" gratuitement sur son short pour quelques matchs, est parvenu à faire parler de lui et tente d'attirer d'autres partenaires. Le club renforce son image décalée qu'il cultive depuis longtemps : lors de la dernière Journée de la femme, le club héraultais offrait l'entrée à toutes les femmes... et à ses supporters déguisés en femme.
Les fesses des footballeurs < les fesses des rugbymen
"En ce qui concerne le foot, la visibilité de cet espace est nulle, analyse sans détour Virgile Caillet. On a rarement un plan à la télévision. C'est pour ça que ces emplacements sont vendus avec de la panneautique sur le bord du terrain. En revanche, au rugby, on est sur une moyenne de 1'30 ou 2 minutes par heure, ce qui est considérable. Le sponsor situé sur le devant du maillot, lui, bénéficie de 5 minutes." Pas étonnant qu'à l'étranger aussi, le short des rugbymen se soit ouvert à la pub. Comme le club australien des Manly Sea Eagles avec la marque de sous-vêtements AussieBum (littéralement, "cul australien"), note le Daily Telegraph (en anglais).
La référence en la matière, c'est le cyclisme. D'après une étude de Repucom relayée par la BBC (en anglais), le haut du cuissard est l'espace publicitaire le plus vu par les téléspectateurs. Et pour cause, la télévision filme les cyclistes de dos, penchés sur leur machine, la plupart du temps. D'où une évolution vers des maillots de plus en plus harmonieux, pensés pour donner une visibilité maximale au sponsor de l'équipe à qui il donne son nom. "C'est Cofidis qui a inventé le sponsor en haut du cuissard, remarque Bruno Lalande. Ça a généré une visibilité extraordinaire, et pas de mauvaise réaction de la part du public." Pour lui, les pubs à l'arrière du short en foot et en rugby rebuteront les passionnés, mais ne dérangeront pas forcément le grand public, la cible des marques.
Gare à la faute de goût
Sauf en cas de faute de goût. Comme le plongeur britannique Tom Daley, qui s'était retrouvé avec le logo de la compagnie British Gas entre les fesses. Un clin d'œil qui avait beaucoup circulé sur internet... "Mais je ne suis pas sûr que ça leur ait rapporté beaucoup d'abonnements, relève Virgile Caillet. Quand une marque s'affiche sur un maillot, c'est pour être vue, mémorisée, et mémorisée en bien, pour que ça génère une préférence de marque dans l'esprit du consommateur."
Quand on parle de fesses, les clichés sexuels ne sont pas loin. Comme le note L'Equipe, figurer sur le short des volleyeurs de Tours, champions de France, coûte 12 000 euros annuels, quand le même emplacement sur les fesses des volleyeuses de Cannes, elles aussi sacrées, revient à 50 000 euros. L'emplacement des sponsors étant influencé par la réalisation télévisuelle, vous en déduirez ce que vous voulez...
Attention aussi à l'humour, une arme à double tranchant. La banque belge Fintro a cru avoir trouvé le bon ton en sponsorisant le postérieur des hockeyeurs belges. Dans son spot publicitaire (vidéo ci-dessous), une cadre de la compagnie explique avoir hésité avec la gymnastique et la natation, mais qu'essayer de déchiffrer le sponsor dans ces deux sports donne envie de vomir. Protestation des fédérations, excuses de Fintro, mais buzz assuré pour la banque.
Une fois que le sponsoring des shorts sera entré dans les mœurs, les clubs pourront se battre pour ouvrir le dernier territoire vierge du sponsoring : les chaussettes. Ah, en fait non. "Ça a déjà été testé", signale Virgile Caillet. Reste à convaincre les instances du sport d'achever la transformation complète des sportifs en hommes-sandwichs.
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