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Laurent Fignon est mort

L'ancien coureur Laurent Fignon, double vainqueur du Tour de France (1983, 1984), est décédé ce mardi des suites d'un cancer, a annoncé France 2, dont il était l'un des consultants. Le Parisien venait d'avoir 50 ans. Il avait remporté le Tour d'Italie en 1989, le champion de France sur route en 1984 et s'était imposé deux fois consécutivement sur Milan/San Remo (1988-89). Il sera inhumé vendredi au cimetière du Père Lachaise à Paris.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 10 min
Laurent Fignon maillot jaune Tour de France 1984

Lire aussi : La Presse rend hommage à Fignon

Laurent Fignon est décédé ce mardi des suites d'un cancer, a annoncé l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. "Valérie Fignon son épouse a la douleur d'annoncer le décès de Laurent Fignon aujourd'hui, mardi 31 août 2010 à 12h30 à l'hôpital Pitié-Salpêtrière. Ses obsèques auront lieu dans la plus stricte intimité", a indiqué l'établissement hospitalier dans un communiqué. Laurent Fignon, 50 ans, avait annoncé dans un livre en juin 2009 qu'il souffrait d'un cancer avancé des voies digestives. Malgré la maladie, il avait tenu son poste de consultant sur France télévisions lors des Tours de France 2009 et 2010. Dans son ouvrage intitulé "Nous étions jeunes et insouciants", Laurent Fignon avait également reconnu la prise d'amphétamines et de cortisone durant sa carrière de coureur, mais n'avait pas établi un lien direct avec la maladie. "Je ne vais pas dire que cela n'a pas joué. Je n'en sais absolument rien. C'est impossible de dire oui ou non. D'après les médecins, apparemment non", avait-il déclaré. "Je n'ai pas envie de mourir à 50 ans, mais si c'est incurable, qu'est-ce que j'y peux ?" disait-il à Paris Match en janvier dernier. "J'aime la vie, j'adore rigoler, voyager, lire, bien bouffer, comme un bon Français. Je n'ai pas peur de la mort, je n'en ai juste pas envie !"

Un caractère entier

Considéré comme le dernier champion parisien de cyclisme, né dans la capitale le 12 août 1960, Laurent Fignon a incarné la jeunesse triomphante au début des années 1980. Puis le perdant magnifique du Tour 1989, pour 8 secondes, la plus petite marge de l'histoire, face à son rival américain Greg LeMond. Laurent Fignon, c'était d'abord une gueule. Une gueule d'ange avec ses cheveux blonds et ses petites lunettes qui lui donnaient un air d'étudiant à peine sorti de l'adolescence. C'est ensuite un caractère bien trempé, digne des plus grands coureurs de l'histoire. Avec 76 victoires, il a profondément marqué son époque. Grand puncheur, attaquant intrépide et généreux, le coureur n'a pourtant jamais fait l'unanimité, comme Jacques Anquetil et Bernard Hinault avant lui. Entier et sincère pour les uns, ombrageux et distant pour d'autres, l'homme avait son franc parler, ses maladresses et ses coups de gueule qui le rendaient touchant et attachant. Il pouvait parfois se montrer irritant comme lorsqu'il voulu faire de Paris-Nice un énorme évènement au début des années 2000, sans prendre assez le temps de discuter avec les sponsors historiques de la "Course au soleil". Il revendra Paris-Nice à ASO en 2002 avant de devenir consultant pour France Televisions où il commentait les courses et notamment le Tour de France. Il était encore au micro au mois de juillet dernier pour commenter la victoire d'Alberto Contador. 

Un grand champion

Propulsé sur le devant de la scène médiatique à la faveur du forfait de Bernard Hinault sur les routes du Tour de France 1983, le Parisien a effectué une carrière splendide, démarrée en trombe. Vainqueur de sa première Grande Boucle à 22 ans, le coureur de Renault-Gitane doublait la mise en 1984 en mettant Bernard Hinault à presque dix minutes (avec 7 succès d'étape en plus). Irrésistible cette saison-là, le Français se fera tout de même "voler" le Giro par Francesco Moser et les organisateurs du Tour d'Italie, peu scrupuleux. Il fût également sacré champion de France avant de connaître ses premières blessures sérieuses (1985 et 1986). Il reviendra en forme à la fin des années 80, enlevant la Flèche Wallonne (1986) et à deux reprises Milan/San Remo (1988-89) sans oublier le Grand Prix des Nations 1989 et le Critérium international 1990. Mais c'est surtout en 1989 que Laurent Fignon rata un triplé légendaire. Faute de chance et (peut-être) d'un manque de sens tactique à certaines occasions, le champion francilien perdit le Tour pour huit petites secondes au profit de son grand rival, Greg LeMond, au terme de l'ultime contre-la-montre Versailles-Paris. Il possédait pourtant 50 secondes d'avance avant ce chrono mais une induration à la selle et le guidon de triathlète de l'Américain eurent raison de son talent. Il s'était pourtant adjugé le Giro deux mois plus tôt, un juste retour des choses après les arrangements italiens de 1984 destinés à favoriser Francesco Moser. Il aurait pu conclure ce festival par un titre de champion du monde mais il ne pût se défaire de LeMond et de Kelly dans le final à couper le souffle de Chambéry où il termina le sprint à la 6e place, laissant le Yankee s'emparer des lauriers de la gloire, une fois de plus. Une fois de trop ? Toujours-est-il que Fignon ne retrouvera jamais son meilleur niveau après ses immenses déceptions. Il termina sa carrière au sein de l'équipe italienne Gatorade (1992-1993) comme lieutenant de Gianni Bugno, remportant de nouveau une étape du Tour à Mulhouse en 1992. La dernière pirouette d'un géant de la route qui a toujours pris soin de regarder devant lui.

Une malchance persistante

1982: un bris de manivelle lui fait perdre la classique Blois-Chaville  (redevenue Paris-Tours) alors qu'il est seul en tête à 12 kilomètres de  l'arrivée.
1984: il est privé, "volé" dira-t-il, de la victoire dans le Giro qui  revient à l'Italien Francesco Moser, doté d'avantages de toutes sortes.
1985: il ne dispute pas le Tour de France à la suite d'une opération à une  cheville rendue nécessaire par une tendinite récurrente.
1986: il se fracture une clavicule en janvier. Il abandonne le Tour à cause  d'une forte angine.
1987: il est contrôlé positif en mai au GP de Wallonie. Dans le Tour, la  tête ailleurs après avoir appris la naissance de son fils, il lâche plus de neuf  minutes dans le contre-la-montre du Mont Ventoux gagné par Jean-François  Bernard.
1988: victime de deux chutes sérieuses (fracture du scaphoïde dans  Liège-Bastogne-Liège, blessure à un genou au Midi Libre), il abandonne le Tour à  cause d'un ver solitaire.
1989: dans les dernières étapes, il est gêné par une induration à la selle.  Il perd le Tour pour 8 secondes à l'issue du dernier contre-la-montre. Deux mois  plus tard, il est déclaré positif dans une course aux Pays-Bas (amphétamines).
1990: il chute dans le Giro puis abandonne dans le Tour.
1991: il chute dans le Giro (déplacement du bassin).

Un franc parler

. Son caractère:
"Je n'ai jamais aimé le copinage. Avec qui que ce soit. Je peux dire que je suis assez fier de cette spécificité."
"Tout le monde ne m'aimait pas et je m'en foutais. Moi, j'étais un mec honnête qui disait généralement la vérité."
"J'ai perdu un Tour de France pour huit secondes. Si je m'étais arrêté à ça, j'aurais tout laissé tomber. C'est pareil dans la vie. Je me suis endurci. Qui sait, mon coeur est peut-être à moitié fait de pierre."
"Je pensais trop. Ceux qui réussissent vraiment pensent moins à vélo. Ce n'est pas qu'ils sont bêtes, mais ils se posent moins de questions que moi."

. Sa carrière:
"J'ai eu la chance de trouver ce pour quoi j'étais doué et de pouvoir en vivre. Mais je ne serai jamais satisfait: j'aurais voulu être champion du monde, gagner plus de Tours, plus de classiques... Mais j'ai vécu des années fantastiques."
"Je n'ai pas honte de ce que j'ai fait. J'ai fait ce que j'avais à faire, sans exagération. J'ai fait le métier. Et, dans notre métier, il y a la triche."
"Je n'ai jamais pensé que c'était mieux de mon temps. C'était juste différent, voilà tout. Comme le sont toutes les époques. J'ai néanmoins le sentiment d'avoir traversé le court intermède 'hippie' du vélo. Je crois même en avoir été l'un des principaux instigateurs."
"Le point de basculement de mon histoire se situe très exactement le dernier jour du Tour de France 1989. Jour de tristesse insensée, jour de défaite monstrueuse, inacceptable. Le seul jour de mon existence où quelques secondes devinrent l'éternité."

. Son cancer:
"C'est une saloperie. Mortelle. Qui fait peur. A soi et aux autres. Mais ce n'est pas une maladie honteuse !"
"Une fois passé le premier diagnostic, j'ai admis, de mon propre chef, que la transparence pourrait participer de ma thérapie."
"Quand je serai tout maigre, peut-être qu'on ne me verra plus beaucoup. Je n'ai pas envie de faire pitié. Mais si ça peut apporter quelque chose à d'autres de voir que je me bats..."
"Je n'ai pas peur de mourir. Si ça devait s'arrêter rapidement, je n'aurais pas beaucoup de regrets. J'ai eu une belle vie."

. Ses avis (sur le cyclisme):
"Le cyclisme s'est transformé en sport de défense, oubliant sa raison d'être formelle: l'attaque. Bien sûr qu'il faut savoir défendre une position, par exemple sur un grand Tour. Mais comment faire pour gagner sinon attaquer ? C'est l'essence du cyclisme. Son esprit. Son âme."
"On aimerait que ce soit le 14 juillet tous les jours ! Mais les temps morts font partie intégrante du processus. Il faut faire avec..."
"Le dopage 'no-limit', qui fut la règle dans les années 90 puis dans les années 2000, est contesté. A la fois par les progrès des contrôles et surtout par la mise en place des nouveaux règlements dont le passeport biologique est évidemment la forme la plus aboutie et la plus intéressante."
"Tout le monde a singé l'original (Greg LeMond). Par intérêt. Miguel Indurain, Jan Ullrich, même Lance Armstrong... Je ne suis pas le mieux placé pour 'juger' tous ces champions. Je ne sais pas tout. Mais je ne suis dupe de rien. Je peux avoir, de-ci de-là, du respect et même de l'admiration pour certains de leurs actes. Mais je trouve qu'ils ont souvent dénaturé le cyclisme que j'aime."

Un palmarès

Nom: Fignon
Prénom: Laurent
Date de naissance: 12 août 1960
Lieu de naissance: Paris
Nationalité: français

Sport/discipline: cyclisme/route

Principales victoires:

. Courses d'un jour:
Championnat de France 1984
Milan-Sanremo 1988 et 1989, Flèche Wallonne 1986
GP de Plumelec 1983, Paris-Camembert 1988, GP des Nations (contre-la-montre) 1989, Trophée Baracchi et GP de Baden-Baden (contre-la-montre avec Thierry Marie) 1989

. Courses par étapes:
Critérium international 1982 et 1990, Semaine Sicilienne 1985, Tour de la Communauté européenne 1988, Tour des Pays-Bas 1989, Ruta Mexico 1993
1 étape de Tirreno-Adriatico 1983, 2 étapes du Tour de Romandie 1984, 1 étape du Dauphiné 1986, 1 étape du Tour des Pays-Bas 1987, 2 étapes de Paris-Nice 1987, etc

. Grands tours:
Tour de France: vainqueur en 1983 et 1984. 2e en 1989. Neuf étapes (Dijon contre-la-montre en 1983, Le Mans contre-la-montre, La Ruchère contre-la-montre en côte, La Plagne, Crans-Montana et Villefranche-en-Beaujolais contre-la-montre en 1984, La Plagne en 1987, Villard-de-Lans en 1989, Mulhouse en 1992). Maillot jaune pendant 22 jours (6 jours en 1983, 7 en 1984, 9 en 1989)
Giro: vainqueur en 1989. 2e en 1984. Deux étapes (Arabba en 1984, La Spezia en 1989). Maillot rose pendant 16 jours (1 jour en 1982, 6 jours en 1984, 9 jours en 1989)
Vuelta: 3e en 1987. 2 étapes (1 en 1983, 1 en 1987)

Equipes: Renault (1982-1985) puis Système U (1986-1989) et Castorama (1990-1991), Gatorade (1992 et 1993)

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