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Il y a 20 ans, l’affaire Festina révolutionnait la lutte contre le dopage

1998, ce n’est pas que la victoire de la France en Coupe du monde de football. Dans le même temps, sur le Tour de France, un cataclysme ébranle la plus grande épreuve du monde. Le 8 juillet, un soigneur de l’équipe Festina est interpellé à la frontière franco-belge avant le grand départ. Neuf jours après, la formation est mise hors course. Un an après, l’Agence mondiale antidopage est créée sur les cendres de ce qu’était l’une des plus grandes équipes du peloton. Puis le passeport biologique est mis en place. La lutte antidopage a changé. Le sport mondial aussi.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Richard Virenque et son équipier Pascal Hervé, du temps de leur "splendeur" (PASCAL PAVANI / AFP)

Ce 8 juillet 1998, au matin, à la frontière franco-belge de Neuville-en-Ferain, une page de l’histoire du sport mondial va s’écrire. Une page noire. Une voiture siglée Festina est arrêtée par les douanes françaises sur cette petite route. A l’intérieur, Willy Woet, l'un des soigneurs de la formation cycliste, et surtout une cargaison inimaginable. des centaines d’ampoules d’érythropoïetine (EPO), d’amphétamines, des hormones de croissance et et des flacons de testostérone. C’est le début d’un séisme, qui a placé pendant de longues années le vélo dans l’oeil du cyclone, celui de la suspicion.

Romain Bardet: "J'ai commencé à courir sur les gravats de l'affaire Festina"

"Ce fut la pénible histoire des moeurs d'une époque, dominées par un coupable sentiment d'impunité et par un comportement d'arrogance dont la morale sportive a fini par avoir raison, non sans le concours de la loi", a conclu le directeur du Tour de l’époque, Jean-Marie Leblanc, dans l'ouvrage de l'AFP consacré aux 100 premières éditions de l'épreuve (Le Tour, 100 images, 100 histoires, éditions Denoël). "J'ai commencé à courir sur les gravats de l'affaire Festina", raconte aujourd’hui Romain Bardet, le leader de la formation AG2R. "J'en ai payé personnellement les pots cassés comme beaucoup de jeunes coureurs, cela n'a pas été facile à assumer pendant mes années de collège et de lycée.”

Il y a 20 ans, l’EPO n’est pas encore détectable, le dopage sanguin s’était généralisé dans le peloton. Mais l’omerta demeurait. Jusqu’à ce 8 juillet. Cette arrestation marque le coup d’envoi d’une série de procédures, qui vont mener à l’exclusion de l’équipe Festina. Deux jours plus tard, une information judiciaire est ouverte. Le 11 juillet, à la veille de la finale de la Coupe du monde de football gagnée par la France, le Tour démarre de Dublin dans une atmosphère très lourde. Le 14 juillet, Willy Voet avoue: le dopage organisé, structuré. Le lendemain soir, le directeur sportif Bruno Roussel est interpellé de même que le médecin, le Dr Ryckaert.

En neuf jours, un cataclysme majeur

Deux jours plus tard, l'avocat de Bruno Roussel annonce que son client a avoué un dopage organisé, sous contrôle médical, pour optimiser les performances. Le soir même, à la veille du contre-la-montre de Corrèze, Jean-Marie Leblanc exclut l'ensemble de l'équipe Festina. Son leader, Richard Virenque, et ses huit coéquipiers (Brochard, Dufaux, Hervé, A. Meier, Moreau, Rous, Stephens, Zülle) n'acceptent de partir qu'après une entrevue mémorable, le lendemain, avec Jean-Marie Leblanc dans un petit café de campagne, Chez Gillou, sur la RN 89. La suite de cette Grande Boucle 1998 est pénible. Par deux fois, le peloton menace de ne pas repartir. Mais tout se termine sur les Champs-Elysées. Comme d’habitude. Ou presque.

Un Tour allégé, des contrôles plus ciblés

"On a réglementairement allégé le régime du Tour de France, on a rendu obligatoire ce qui se faisait peu ou prou à savoir deux journées de repos, limitation à 3500 kilomètres, une moyenne de 180 kilomètres", souligne Jean-Marie Leblanc. Et aujourd’hui ? Francesca Rossi, directrice de la Fondation antidopage du cyclisme (CADF) qui mène les contrôles sur le Tour de France avec l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), assure que le monde du vélo a changé: “Dans le cyclisme de haut niveau, la situation s'est nettement améliorée. Nous avons commencé les profils hématologiques en 2009, et les valeurs que nous mesurons sont plus ‘normales’ que par le passé.”

Mais elle n’est pas naïve: “Nous avons plus de 1000 coureurs dans notre groupe cible, et nous avons tous leurs profils hématologiques. Je pense que l'effet dissuasif est très fort.” Avant le départ, tous les coureurs ont été contrôlés, et les données intégrées à leur profil hématologique, qui permet de détecter les variations anormales dans le sang. “ Cela permet aux experts de faire des recommandations pour cibler les contrôles”, explique-t-elle.

Le dopage a-t-il disparu ? Sûrement pas, pas plus dans le vélo qu'ailleurs. Mais désormais, tous les sportifs sont suivis grâce au passeport biologique, soumis aux contrôles inopinés hors compétition… Cette interpellation un 8 juillet 1998 a révolutionné le sport planétaire.

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