Le doublé Giro-Tour de Wiggins, c’est possible ?
"Wiggo" aurait-il les yeux plus gros que le ventre ? C’est en tout cas la question qu’on peut se poser après l’annonce du Britannique de vouloir tenter le doublé Giro-Tour en 2013. Tenant du titre sur la Grande Boucle, le coureur de la Sky se sent les armes - et les jambes - nécessaires pour étendre son règne à l’Italie. "J'ai déjà dit explicitement que j'avais en vue le doublé Giro-Tour, au moins sur le papier, a t-il confié au journal italien Il Mattino. Je voudrais aussi essayer de courir la Vuelta, sans ambitions au classement, seulement pour préparer le Championnat du monde du contre-la-montre à Florence (fin septembre). Et de conclure : "Le doublé a toujours été le but." Le champion britannique bluffe-t-il ou se sent-il sur de sa force ? Si Bradley Wiggins parvenait à atteindre son "but", il rejoindrait au palmarès certains des plus grands noms de cette discipline.
Cet exploit serait d'autant plus remarquable qu'il semble de nos jours impossibles. Si le doublé Giro-Tour était plus courant entre les années 70 et 80, il s’est raréfié avec le temps. A tel point que Marco Pantani est le dernier à y être parvenu. C’était il y a 15 ans déjà (1998). Le dernier coureur en date à avoir eu l’ambition (et les capacités à le faire) est Alberto Contador. Mais alors qu’en 2011 l’Espagnol survolait le Giro, il ne retrouvait plus sa "giclette" sur le Tour et terminait 5e cette année là.
Fausto Coppi (1949 et 1952)
Le premier parmi tous. Une légende : le "campionissimo". L’année de son premier doublé, l’Italien laisse une empreinte indélébile sur le Tour d’Italie. Auteur de chevauchées dantesques, il s’impose avec 23 minutes d’avance sur son dauphin, Gino Bartali ! Quelques mois plus tard, la paire italienne (c’était l’époque où les grands Tours se disputaient par équipes nationales) est également favorite sur le Tour de France. Et une fois de plus c’est le cadet des deux qui rafle la mise.
Rebelote en 1952. Sur les pentes transalpines, c’est une première démonstration. Coppi s’impose avec neuf minutes d’avance sur Fiorenzo Magni. Sur le Tour, même si son entente avec Bartali bat de l’aile, il parvient à surclasser la concurrence. Sa domination est telle que les organisateurs de l’épreuve sont obligés d’augmenter les primes pour les deuxième et troisième places ! Au final, Coppi s’impose avec 28 minutes d’avance sur Stan Ockers ! La plus large victoire de tous les temps.
Jacques Anquetil (1964)
La rivalité entre Jacques Anquetil et Raymond Poulidor bat son plein en 1964 sur le Tour de France. D’un côté, le quadruple tenant du titre, de l’autre le chouchou des Français qui a remporté l’année précédente la Vuelta. Pourtant, comme souvent à cette époque, c’est à "Maître Jacques" que la victoire revient. L’histoire retiendra cette erreur monumentale à l’arrivée de la 9e étape. Alors qu’il franchit la ligne d’arrivée le premier, Poulidor ignore qu’il doit faire un tour supplémentaire d’hippodrome. Anquetil le double et récupère une minute de bonification à l’arrivée. Il gagne le Tour avec 55 secondes d’avance sur Poupou. La chance sourit parfois aux plus grands champions.
Quelques mois plus tôt, Anquetil avait dominé d’une courte tête le Giro, seul français devant neuf coureurs italiens !
Eddy Merckx (1970, 1972)
Le Cannibale n’avait pas usurpé son surnom ! Imbattable que ce soit sur la route, les classiques, ou les épreuves part étapes, Eddy Merckx a réalisé le doublé Giro-Tour à deux reprises. En 1970, il remporte en tout 52 épreuves et c’est logiquement qu’il survole les deux plus grands Tours.
1972 est considérée comme la plus belle année du Belge. En plus des Tours d’Italie et de France, Merckx ajoute le record du monde de l’heure. Un record qui tiendra 28 ans, après le déclassement de Francesco Moser pour son record de 1974.
Bernard Hinault (1982, 1985)
Dernier vainqueur français du Tour de France, Bernard Hinaut règne sur le cyclisme entre la fin des années 70 et le milieu des années 80. Le Blaireau (car il fourre son nez partout) parvient à accomplir le doublé à deux reprises. Pas vraiment un grand puncheur de nature, il exploite au mieux ses qualités de rouleur pour creuser l’écart sur la concurrence lors des contre-la-montre et limite le plus souvent la casse dans les épreuves en altitude. Que ses adversaires soient Phil Anderson ou Greg Lemond, c'est toujours Hinault qui gagne à la fin.
Stephen Roche (1987)
L'année parfaite pour l'rlandais, grand-polyvant. Au sommet de son art le coureur de 28 ans remporte cette année là le Giro, le Tour de France et les championnats du monde. Une "triple couronne" que seule Eddy Merckx est parvenu à décrocher. Sous les couleurs de la formation Carrera, Roche est le dernier à ce jour à l'avoir fait.
Miguel Indurain (1992,1993)
Par deux fois l’Espagnol a réussi le doublé Giro-Tour. Il est d’ailleurs le seul dans l’histoire à y être parvenu deux ans de suite. Si le style de course d’Indurain était rarement enthousiasmant, il avait le mérite de l’efficacité. Des sept champions cités, le Navarrais devrait être celui dont Bradley Wiggins s’inspire le plus pour réussir son défi.
Très bon rouleur, Indurain avait la capacité à s’accrocher dans la montagne pour régler ses adversaires sur le contre-la-montre individuel. Comme "Wiggo" aux Jeux de Londres, lui aussi, fut champion olympique de la discipline (1996). En 1993, au sommet de sa domination, il s’était également emparé de la deuxième place des championnats du monde.
Marco Pantani (1998)
1998 fut l’année du règne pour Marco Pantani. Grimpeur le plus doué de sa génération, il rejoint cette année-là le cercle très fermé des coureurs auteurs du doublé. Puncheur léger et spectaculaire, il confirme toutes les attentes que l’on a placées en lui en remportant le Giro, le premier grand Tour de sa carrière.
Sur les routes de la Grande Boucle, il ne laisse aucune chance à Jan Ulrich, tenant du titre, mais très vite dépassé dans la haute montagne. L’année de sa victoire est celle du scandale de l’affaire Festina. Plus qu’un symbole pour le "Pirate", qui très vite lui aussi fut rattrapé par la patrouille. Dès l’année suivante, il est exclu du Tour d’Italie pour avoir été contrôlé avec un taux d’hématocrite à 52% (la limite étant de 50%). Et ne brillera jamais plus comme avant.
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