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De l'art d'être lanterne rouge

C’est le bon dernier, le grand perdant mais aussi un coureur courageux et persévérant. Trop souvent dans l’ombre des champions, des leaders et des costauds, la lanterne rouge n’en reste pas moins un coureur à part entière. Qui fait le job. Qui sert son équipe. Rencontres avec Anthony Roux (FDJ), actuelle lanterne rouge du Tour 2010, et Wim Vansevenant, recordman en la matière.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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"Dernier du Tour de France, c’est une honte ! J’aime pas les lanternes rouges !" Cette sortie un peu brusque, on la doit à Marc Madiot, manager de la FDJ. Face à lui, lors du briefing, Anthony Roux, 23 ans, ne peut qu’encaisser en silence. Son statut de lanterne rouge du Tour n’est en effet pas simple à gérer. Même s’il avoue, les yeux pleins de malice, que ça le fait "un peu rigoler". "C’est mon premier Tour de France, raconte le jeune Lorrain de la FDJ. C’est vraiment dur ! Je ne suis pas arrivé au top de ma forme, donc je galère depuis 15 jours et je n’ai jamais pris de plaisir". Avant d’ajouter : "Ce statut de lanterne rouge n’est pas une déception car, que je sois 100e ou 180e, pour moi c’est pareil". Si cette position n’est évidemment pas la plus avantageuse, elle a le mérite de mettre le principal intéressé sous les projecteurs. "Quand tu es dernier, ça te fait beaucoup de publicité, confirme le Belge Wim Vansevenant, triple lanterne rouge sur la Grande Boucle (2006, 2007, 2008). Les gens qui regardent les classements dans les journaux regardent quoi ? Les premiers … et le dernier. Du coup, on s’en souvient !"

Dans le passé, des duels entre cyclistes qui flirtaient avec les délais d'élimination ont même animé le Tour de France. "Lors du Tour de France 1973, Jacques-André Hochart et Jean-Claude Blocher, tous deux dans l’équipe De Kova – Lejeune, s’étaient disputés la place de lanterne rouge, se remémore Bernard Thévenet, double vainque du Tour (1975 et 1977). Cette place avait un certain prestige car elle symbolisait les malheurs et la souffrance de tous les coureurs". Finir dernier n’est en effet pas une partie de plaisir. Contrairement à ce que l’on peut penser. "C’est quelqu’un qui fait bien son boulot et qui n’a pas d’ambition personnelle, explique M. Thévenet. S’il ne prétend évidemment pas au classement général, il n’en reste pas moins un bon équipier qui se dévoue pour son équipe". Un sentiment partagé par Wim Vansevenant. "J’étais là pour boucher les trous, se souvient-il. Une fois que j’avais fait ma part du boulot, aidé mes coéquipiers, je relâchais afin de récupérer un peu pour le lendemain".

Etre lanterne rouge est assurément un travail de longue haleine. Cela demande de rester vigilant, notamment en ce qui concerne les délais d’élimination. "Je sais que je ne vais pas faire d’exploit sur ce Tour, confie Anthony Roux, mais je veux vraiment essayer de le terminer et de voir les Champs-Elysées. Chaque jour, j’essaye donc de faire ma course en respectant les délais". Pour Bernard Thévenet, si le statut de lanterne rouge n’est pas toujours aisé à gérer, les choses se sont nettement améliorées : "Dans les années 70-80, il y a eu quelques Tour où la lanterne rouge était éliminée chaque soir. A l’époque, il fallait donc vraiment s’accrocher pour éviter ça. Plus que maintenant !" N’ayant reçu l’adhésion ni du public, ni des coureurs, ce principe d'élimination quotidienne a été rapidement abandonné. Une manière de laisser sa chance au coureur qui, même s’il est dernier, garde toujours l’espoir de faire mieux. A l’image d’Anthony Roux : "Si un jour, par miracle, je retrouve un peu de jambes, j’essaierais de faire quelque chose, de prendre une échappée". C’est en tout cas tout le mal qu’on lui souhaite.

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